En Algérie, la colère des demandeurs de visa pour la France
Depuis plusieurs mois, la procédure d’obtention,
sous-traitée auprès d’une entreprise privée, s’est considérablement
complexifiée. A moins de payer plus cher.
Par Zahra Chenaoui (contributrice Le Monde Afrique, Alger)
LE MONDE Le 23.07.2017 à 19h00 • Mis à jour le 23.07.2017 à
23h02
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Des Algériens brandissent leur passeport en novembre 2009 à
Alger devant la compagnie Air Algérie, en vue d’un match qualificatif qui se
joue à Khartoum, au Soudan, à l’occasion de la Coupe du monde de foottball de
2010.
A 11 heures du matin, le soleil est déjà brûlant. Des
dizaines de personnes serrées entre des barrières blanches font la queue.
Certaines tiennent leur pochette de documents au-dessus du visage pour se
protéger du soleil. Dans cet édifice blanc, TLS Contact, une agence privée,
réceptionne les demandes de visa pour la France. Zinedine* sort du bâtiment,
soulagé. « J’ai payé plus cher pour avoir un accès Premium. Je n’ai pas fait la
queue, j’ai attendu dans une salle d’attente où il y avait des boissons à
disposition. C’est moins difficile que pour eux, dit-il en désignant la file du
menton. Avoir un visa, c’est le parcours du combattant. »
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Depuis plusieurs mois, les Algériens qui demandent des visas
pour se rendre en France font face à beaucoup d’obstacles. Idir, un enseignant
de 43 ans, voulait, comme chaque année, passer ses vacances en France en
famille. « Au mois d’avril, j’ai voulu prendre un rendez-vous pour pouvoir
partir en juillet. La procédure est informatisée. Je suis familier des
formalités, donc je ne me suis pas inquiété. Mais là, impossible de prendre un
rendez-vous. J’y ai passé des heures pendant au moins trois semaines. » Idir a
finalement renoncé à partir en France. Il emmènera toute sa famille en Tunisie.
« Je travaille, je suis quelqu’un d’honnête, je vais en France depuis
longtemps. C’est fatiguant et rageant de se sentir marginalisé comme ça, d’un
seul coup, parce qu’on est né en Algérie », regrette-t-il.
« Des nuits entières debout »
Ahmed, artiste, a gagné une récompense pour son travail. Il
a été invité par une institution culturelle française à venir récupérer son
prix. « Il m’a été impossible d’avoir un rendez-vous pour déposer ma demande de
visa. J’ai appelé l’ambassade de France, mais comme tout est externalisé, sans
rendez-vous, ils ne peuvent rien faire. J’ai passé des nuits entières debout,
parce que mon frère me disait que, vers 3 heures du matin, ça marchait. Mais
rien à faire », raconte-t-il. Résultat : Ahmed n’a pas pu se rendre à la
cérémonie de remise des prix.
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colonisation
Les problèmes ne s’arrêtent pas là. Aujourd’hui, il n’y a
pas de rendez-vous disponible avant le mois de décembre. Or le système empêche
les demandeurs de solliciter un rendez-vous plus de trois mois avant leur date
de voyage. Résultat : les déplacements sont bloqués. Sofiane travaille en
partenariat avec une entreprise installée à Marseille. « Impossible d’avoir un
visa avant la fin de l’année. J’essaie depuis le mois de mars. J’ai annulé mon
contrat avec mon partenaire. A la rentrée, je travaillerai avec les Turcs. Eux
posent moins de problèmes. »
Plusieurs personnes ont raconté au Monde avoir été renvoyées
des bureaux de TLS Contact, à Alger et à Oran, malgré leur obtention de
rendez-vous, au prétexte d’un numéro de passeport trop long. Après la
publication le 24 mai d’un article dans la presse algérienne faisant état de
problèmes, l’ambassade de France en Algérie justifie dans un communiqué les
difficultés d’obtention de visa par « l’approche de la saison estivale » et un
« nombre très élevé de demandes ».
« Une histoire d’argent »
Cinq semaines plus tard, un nouveau communiqué annonce cette
fois que les autorités françaises retirent le contrat de sous-traitance à
l’opérateur TLS Contact, sans explication. Le sujet est sensible. Depuis
plusieurs années, les différents ambassadeurs et consuls mettent un point
d’honneur à annoncer le nombre de visas délivrés chaque année dans la presse
algérienne. Ils insistent : le système s’améliore. Mais la confiance est loin
d’être établie. « S’il n’y avait pas de réel dysfonctionnement, ils ne
retireraient pas le contrat à TLS Contact. Donc ils se sont moqués de nous au
début. Qui croire désormais ? », estime Idir.
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pays
Devant les barrières blanches, ceux qui viennent de déposer
leurs dossiers sont dubitatifs. TLS Contact gère aussi les demandes de visa
pour d’autres pays. « S’ils étaient si mauvais, pourquoi n’y a-t-il pas de
problèmes avec les visas italiens ? », s’interroge un enseignant de français.
Plusieurs personnes assurent que les agents ne donnent pas toutes les
informations nécessaires. La liste des documents exigés a également été
modifiée depuis plusieurs mois. « J’ai payé 3 500 dinars [27 euros] de plus
pour l’accès Premium. J’ai eu toutes les informations nécessaires et on m’a
même donné des conseils pour remplir mon dossier. Si ces conseils existent,
pourquoi ne sont-ils pas donnés à tout le monde ? C’est donc bien une histoire
d’argent ! », lâche Zinedine.
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/afrique/article/2017/07/23/en-algerie-la-colere-des-demandeurs-de-visa-pour-la-france_5164039_3212.html#PslKpK6uKtw38wCt.99