Le gouvernement annonce la fermeture définitive du centre de « déradicalisation » de Pontourny (29.07.2017)
Comment travailler au quotidien sur le terrorisme (16.07.2017)
Déradicalisation : « Le gouvernement délègue tout aux associations» (27.06.2017)
L'ancienne responsable d'une cellule de déradicalisation devant la justice (13.03.2017)
Djihad : la politique de déradicalisation est un échec (22.02.2017)
Djihadistes : la politique de déradicalisation en échec (21.02.2017)
Le centre de déradicalisation de Pontourny en sursis (21.02.2017)
Déradicalisation : à Colmar, la justice n'a pas attendu les attentats pour agir (21.02.2017)
Le premier centre de déradicalisation n'a plus de pensionnaire (09.02.2017)
Couacs en série au centre de déradicalisation de Pontourny (27.01.2017)
Un pensionnaire du premier centre de déradicalisation mis en examen (23.01.2017)
Les anciens collègues de Farid Benyettou sceptiques sur sa déradicalisation (24.10.2016)
Déradicalisation : scepticisme autour du plan gouvernemental (14.09.2016)
Déradicaliser : «Des psychologues et des éducateurs contre un endoctrinement, c'est mission impossible!» (14.09.2016)
En Seine-Saint-Denis, la cellule de déradicalisation tourne au fiasco (07.09.2016)
Les étranges façons d'une mère de djihadiste (14.06.2016)
Déradicalisation: «Des associations trop souvent dans l'amateurisme» (06.05.2016)
Déradicalisation : la France au pied du mur (05.05.2016)
Stage de plongée, cours de boxe... Les étranges méthodes de déradicalisation (08.04.2016)
Manuel Valls veut généraliser l'isolement des détenus islamistes radicaux en prison (12.01.2015)
Le gouvernement annonce la
fermeture définitive du centre de « déradicalisation » de Pontourny
(29.07.2017)
Une réflexion sur la création de
« structures de petite taille » ailleurs sur le territoire est lancée.
LE MONDE | 29.07.2017 à 09h17 •
Mis à jour le 29.07.2017 à 13h51 | Par Elise Vincent
La décision était attendue depuis
plusieurs mois. Le ministère de l’intérieur a confirmé, vendredi 28 juillet, la
fermeture du centre de Pontourny, situé à Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire),
le seul centre de « déradicalisation » français qui visait un public «
volontaire » et « sans condamnations pour faits de terrorisme ». Un abandon compensé
par l’annonce d’une réflexion sur la création de « structures de petite taille
» pour des personnes, elles, déjà « sous main de justice » : c’est-à-dire sous
contrôle judiciaire ou en aménagement de peine.
« Malgré la compétence, la
détermination et l’investissement des personnels du centre […] l’expérience ne
s’est pas révélée concluante », a annoncé la Place Beauvau dans un communiqué.
Une façon de mettre fin officiellement à un dispositif qui n’a jamais rencontré
le public recherché et tournait à vide depuis février après le départ de son
dernier pensionnaire. Conçu pour accueillir jusqu’à vingt-cinq personnes, il
n’en a jamais compté plus de neuf. « Aucun de ces jeunes n’a suivi le programme
jusqu’à son terme », a précisé le ministère de l’intérieur.
Le cas qui avait suscité le plus
de controverses était celui d’un jeune homme de 24 ans, interpellé dans le
cadre d’une affaire d’association de malfaiteurs terroristes à l’occasion d’une
permission de sortie. Avant son entrée dans le centre, sa situation avait fait
l’objet d’avis divergents de la préfecture et des services de renseignement car
par le passé, il avait tenté par deux fois de se rendre en Syrie. Il avait
malgré tout été décidé de lui donner sa chance.
Centre mère-enfant
L’annonce d’une réflexion sur la
création de « structures de petite taille » correspond, sur le plan politique,
à une promesse de campagne d’Emmanuel Macron. Le candidat annonçait vouloir
créer des « centres fermés » de dimension limitée « spécifiquement dédiés à
recevoir des...
Comment travailler au quotidien sur le terrorisme (16.07.2017)
Par Anne Jouan Publié le 16/07/2017 à 18:35
La police enquête après l'attentat de l'Hyper Cacher, à
Paris, le 9 janvier 2015. Pour ceux qui travaillent sur les dossiers
terroristes, mieux connaître la population djihadiste ne suscite ni compassion
ni haine.
ENQUÊTE - Ils sont policiers, avocats, magistrats. Ils
passent des dizaines d'heures chaque jour sur des dossiers liés au terrorisme.
Un travail usant, qui « fracasse un peu la tête », comme le dit l'un d'eux.
Rencontre avec ces professionnels qui ont fait le choix de se plonger dans cet
univers mortifère et de côtoyer des djihadistes sur lesquels ils n'ont pas
toujours de prise.
Vendredi 7 juillet à Saint-Denis. Une bande de trentenaires
se rend au concert des Guns N' Roses pour un enterrement de vie de garçon.
Parmi eux, un assistant spécialisé en radicalisation du palais de justice de
Paris. Il sent que malgré lui son travail le rattrape. «Nous écoutions un
groupe américain aux emblèmes de têtes de mort, une cible potentielle. Nous
étions un vendredi soir, au Stade de France, quelques jours avant le 14
juillet. Et il y avait un monde! Je m'imaginais les bousculades si quelque
chose venait à se passer. J'ai envoyé des SMS à un ami qui a survécu ...
Etat des lieux de la lutte contre la radicalisation en France (12.07.2017)
http://www.lemonde.fr/societe/article/2017/07/12/etat-des-lieux-de-la-lutte-contre-la-radicalisation-en-france_5159483_3224.html
Le rapport de la mission parlementaire sur « le
désendoctrinement et la réinsertion des djihadistes » admet qu’il n’existe pas
de « recette miracle ».
LE MONDE | 12.07.2017 à 11h23 • Mis à jour le 13.07.2017 à
10h04 | Par Elise Vincent
C’est un rapport plutôt compréhensif des tâtonnements
initiaux de la politique gouvernementale de lutte contre la radicalisation que
devaient rendre, mercredi 12 juillet, les sénatrices Esther Benbassa (Europe
Ecologie-Les Verts) et Catherine Troendlé (Les Républicains), chargées de la
mission d’information sur « le désendoctrinement et la réinsertion des
djihadistes en France et en Europe ». Seize mois après le début de leurs
auditions, en mars 2016, elles dressent finalement un panorama bien plus nuancé
que le « bricolage » qu’elles avaient dénoncé en février dans un rapport
d’étape. « Il n’existe pas de recette miracle », admettent-elles dès leur
préambule de cet état des lieux.
Alors que le projet de loi antiterroriste transposant dans
le droit commun des mesures de sécurité inspirées de l’état d’urgence sera
examiné par le Sénat, le 18 et 19 juillet, la question de la radicalisation
est, depuis son lancement en 2014, un domaine d’action plus hésitant. Plusieurs
associations subventionnées ont été critiquées – voire condamnées – pour leur
gestion financière et les carences de leur prise en charge. Fin juin, des
parents de jeunes partis en Syrie ont même été mis en examen pour « financement
du terrorisme ». Ils sont accusés d’avoir détourné de l’argent versé par l’Etat
pour l’envoyer à leur enfant.
Mmes Benbassa et Troendlé se « félicitent » ainsi des
ajustements faits en cours de route par le comité interministériel de
prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), chargé de la
coordination nationale de tous ces dispositifs. Plusieurs structures ont vu
leur financement revu à la baisse, voire interrompu, après évaluation de leur
travail ou réorientation du pilotage. Le partenariat avec la pionnière du
sujet, l’anthropologue Dounia Bouzar a pour sa part pris fin mi-2016 après
qu’elle a démissionné sur fond de tensions autour de la déchéance de
nationalité et de montée en puissance d’autres acteurs, dont l’association
niçoise Entr’autres, dirigée par le psychanalyste Patrick Amoyel, mis en examen
en avril pour « viols par personne ayant autorité » et « exercice illégal de la
médecine ».
800 familles sont suivies en France
Contrairement à ce qui a été dit pendant longtemps, les
rapporteurs notent toutefois que le financement de toutes ces associations est
d’une ampleur « limitée » : autour de 8 millions d’euros de dotation, en 2015
et 2016, selon les chiffres du CIPDR, pour une soixantaine de structures, dont
des professionnels de l’insertion. Le budget total du CIPDR consacré aux actions
de prévention de la radicalisation est, lui, de 20 millions d’euros. La moitié
va à la sécurisation des sites sensibles (écoles, lieux de culte) et l’équipement
des polices municipales. Le seul centre de « déradicalisation » français,
Pontourny (Indre-et-Loire), fermé en février faute de pensionnaires, a lui reçu
une dotation initiale de 2,5 millions d’euros.
Alors que quelque 2 600 personnes et 800 familles sont
suivies en France par des structures financées par des fonds publics, le
rapport des sénatrices survient malgré tout un peu à contretemps par rapport au
travail effectif du gouvernement. Mmes Benbassa et Troendlé formulent dix
propositions. Mais pratiquement toutes sont déjà mises en œuvre ou prêtes à
l’être. Selon nos informations, de nouvelles annonces devraient même être
dévoilées d’ici le mois d’août.
La mission d’information apporte toutefois une plus grande
transparence sur l’ensemble du champ d’action de la lutte contre la
radicalisation, en particulier sur le sort des mineurs. Jusqu’à présent, peu
d’éléments avaient été dévoilés, la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ)
étant très frileuse sur le sujet.
Au 1er avril, 58 mineurs avaient ainsi été déférés depuis
2012 devant le pôle antiterroriste à Paris pour association de malfaiteurs en
vue d’une entreprise terroriste. Neuf ont déjà été jugés. Au 1er août 2016, ils
étaient 110 poursuivis pour « apologie du terrorisme ». Enfin, plus de 360 étaient
pris en charge au 1er juillet 2016, « en raison d’éléments objectifs et
inquiétants pouvant indiquer leur entrée en processus de radicalisation ». Une
population en augmentation, mais qui ne représente que 2 % du public suivi par
la PJJ.
Abandon du terme de « déradicalisation »
Les chiffres rendus publics montrent aussi que chez les 39
mineurs mis en examen au 1er avril, la moitié était incarcérée. L’autre moitié
bénéficiait d’un contrôle judiciaire. Trois ont pu aussi bénéficier d’un
dispositif novateur : « l’appartement éducatif ». Un système permettant le
placement seul dans un logement, avec la présence constante d’un éducateur
assisté d’un thérapeute. Des places ont sinon été « réservées » dans quinze
structures d’accueil, majoritairement des centres éducatifs fermés, à raison
d’un jeune par établissement pour ne pas créer de « concentration ». Neuf
places étaient occupées au 1er avril.
Le rapport de la mission d’information prend enfin le parti
d’un changement important en matière de vocabulaire : l’abandon du terme de «
déradicalisation ». Une expression qui avait déjà commencé à tomber en
désuétude dans les milieux spécialisés, tant elle recoupe des réalités
religieuses, sociologiques et politiques complexes. Pour être éventuellement
efficace, il est désormais considéré qu’une action de « désendoctrinement » ne
doit surtout pas être affichée au risque de perdre immédiatement tout crédit
auprès du public visé.
Les dispositifs de droit commun sont privilégiés : maisons
des adolescents, centres hospitaliers, etc. Une très grande discrétion prévaut
aussi pour des initiatives en milieu scolaire ou en sortie de prison. Même
chose en ce qui concerne le « contre-discours ». Au-delà des campagnes de
sensibilisation officielles comme celle liée à la plate-forme Stop-djihadisme,
nombre d’actions, par exemple dans les lieux de culte, sont actuellement mises
en œuvre sans aucune publicité.
Radicalisation islamiste : le Sénat prône prévention et
réinsertion (11.07.2017)
La sénatrice EELV Esther Benbassa, coauteur avec Catherine
Troendlé (LR) du rapport sur les politiques de déradicalisation, en mars 2016
au Sénat.
Actualité France
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 11/07/2017 à 20h52 | Publié le 11/07/2017 à
20h33
Les sénatrices LR et EELV Catherine Troendlé et Esther
Benbassa alertent sur le nombre trop important d'associations cupides.
Anticiper et ne pas refaire les mêmes erreurs que celles qui
ont plombé la lutte contre l'islamisme violent depuis trois ans. Le rapport des
sénatrices Catherine Troendlé et Esther Benbassa sur les politiques de
déradicalisation prend acte d'un processus complètement dysfonctionnel, car
pensé et surtout réalisé dans l'urgence politique. Sont ainsi dénoncées
l'hypercentralisation des dispositifs, au détriment des initiatives locales, et
la place qui en a découlé pour «des associations trop nombreuses par rapport au
nombre de personnes radicalisées». Et surtout manquant de compétences et
financièrement avides.
Le rapport le martèle, il faut en finir avec les gourous et
privilégier «les acteurs de terrains». La manne publique serait aussi trop
généreuse. Le rapport propose alors le resserrement «du nombre d'acteurs», met
l'accent sur la formation des intervenants et insiste sur la nécessité de miser
sur les compétences. Autant de principes que le comité interministériel de
prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) tente de défendre
sur le terrain, après bien des tâtonnements au cours de ces dernières années.
L'échec des unités dédiées en prison
À plusieurs reprises, le rapport insiste sur la nécessité
d'évaluer en permanence les dispositifs tant il est difficile de trouver la
martingale idéale, mais aussi parce que ces évaluations ont jusqu'ici fait
défaut, qu'il s'agisse des «actions menées», de l'«efficacité des
contre-discours» ou encore du «nombre de personnes radicalisées suivies». Un
chiffre qui existe pourtant, puisque le ministère de l'Intérieur recense
officiellement 2.500 personnes et 800 familles actuellement suivies.
Les sénatrices, favorables aux «initiatives locales»,
défendent un modèle de lutte fondé «sur les outils de droit commun» de la
réinsertion, de l'individualisation des parcours, plutôt que des dispositifs
établissant «un statut particulier» du radicalisé, supposant «une intervention
dans le champ théologique». Dans cette perspective, le rapport prend acte de
l'échec de l'expérience du centre de Pontourny et demande purement et
simplement sa fermeture ainsi que l'arrêt du programme. De même, le rapport
rappelle l'échec des unités dédiées en prison, mais déplore le coup d'arrêt aux
nouvelles dispositions: «La très grande majorité des détenus radicalisés sont
aujourd'hui mêlés au reste de la population carcérale sans traitement
particulier», rappellent les auteures.
Le rapport consacre plusieurs de ses préconisations à la
question des mineurs radicalisés. En ligne de mire, les «178 mineurs poursuivis
pour des infractions terroristes», les «364 mineurs déjà pris en charge par les
services de la Protection judiciaire de la jeunesse et signalés aux magistrats
en raison d'éléments objectifs et inquiétants pouvant indiquer leur entrée dans
un processus de radicalisation», mais aussi ce chiffre gris de «450 mineurs,
ressortissants français présents dans les zones de combat syro-irakienne».
Plus nombreux encore que les majeurs, ces enfants, dont
«plus de la moitié ont moins de 6 ans», ont vocation à revenir sur le sol
français. En tout, donc, près d'un millier de mineurs aux situations très
disparates. Certes le rapport sénatorial rappelle que, pour ces revenants
d'Irak et de Syrie, l'État a déjà mis en place un dispositif en janvier dernier
mais met en garde contre «la “fabrication” de nouveaux candidats à un
djihadisme qui aurait changé de visage». Le rapport rappelle aussi que les
structures d'accueil des «départements de Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne,
qui accueillent les deux aéroports de la région parisienne», pourraient
rapidement être engorgées. Il faudrait donc soulager leurs efforts financiers,
puisque le suivi de ces mineurs revient à «entre 40.000 et 50.000 euros par an
et par enfant».
Pour les mineurs sous main de justice, les propositions du
Sénat portent d'abord la marque de la Protection judiciaire de la jeunesse, qui
tente, en ce nouveau quinquennat, de reprendre le pouvoir sur la justice des
mineurs, perdu pendant les années Sarkozy.
La rédaction vous conseille :
L'ancienne responsable d'une cellule de déradicalisation devant la justice
Déradicalisation : « Le gouvernement délègue tout aux
associations» (27.06.2017)
Véronique Roy, qui a perdu son fils Quentin à l'âge de 23
ans en Syrie l'an dernier, déplore le manque d'engagement de l'État dans la
lutte contre la radicalisation.
Par Anne Jouan
Mis à jour le 27/06/2017 à 11h21 | Publié le 25/06/2017 à
19h15
VIDÉO - Les familles d'enfants partis faire le djihad
s'inquiètent de la mise en examen de trois parents de djihadistes français,
membres d'associations, pour détournement des fonds envoyés en Syrie.
Les parents, notamment les mères de jeunes Français partis
en Syrie, sont très critiques sur la façon dont les associations de lutte
contre la déradicalisation sont gérées et laissées sans contrôle de la part de
l'État: «Certaines profitent du système. On est dans un business lamentable,
regrette une mère dont le fils est mort en Syrie. Le gouvernement devrait plus
réfléchir et mieux se renseigner avant d'allouer des fonds. Il est facile de
monter une structure qui dit lutter contre la radicalisation. Mais derrière,
que fait-elle réellement ? Les pouvoirs publics doivent savoir à qui ils donnent
de l'argent et mieux contrôler les associations.»
Véronique Roy, 54 ans, auteur de Quentin, qu'ont-ils fait de toi ?, Robert
Laffont, février 2017, , a perdu son fils Quentin à l'âge de
23 ans en Syrie l'an dernier. Elle est en colère contre le manque de
transparence de ces associations qui va «jeter l'opprobre» sur les familles
dont les enfants sont partis. «C'est effrayant. On a l'impression d'être dans un
film de science-fiction. Cette histoire va jeter le discrédit sur les familles
qui n'ont pas besoin de ça. Car il faut bien comprendre le traumatisme que peut
représenter le fait d'être parents de djihadistes. Le grand public a peur du
terrorisme et de l'islam radical violent. Mais le jugement des gens sur nous,
parents, est dur. Nous serions déficients, nous n'aurions pas donné assez
d'amour à nos enfants.» La mère de Quentin déplore le manque d'engagement de
l'État dans la lutte contre la radicalisation.
L'an dernier, la ministre de la Famille, Laurence Rossignol
et le président Hollande avaient été alertés par plusieurs familles de
l'opacité de certaines associations. «Le gouvernement ne fait rien et délègue
tout aux associations. Bien sûr, sur le terrain, Daech est affaibli. Mais ici,
que faisons-nous réellement?», demande Véronique Roy.
L'ancienne responsable d'une cellule de déradicalisation
devant la justice (13.03.2017)
Le Figaro avait rencontré Sonia Imloul fin 2014 dans la
cellule de déradicalisation qu'elle avait ouverte quelques mois plus tôt avec
l'appui des autorités.
Par Caroline Piquet
Mis à jour le 13/03/2017 à 10h32 | Publié le 13/03/2017 à
06h00
VIDÉO - Sonia Imloul est poursuivie pour détournement de
fonds publics, blanchiment d'argent et travail dissimulé. Elle comparaît ce
lundi au tribunal correctionnel de Paris.
Ex-figure emblématique de la lutte contre la radicalisation,
Sonia Imloul, ancienne responsable d'une cellule de désendoctrinement en Seine-Saint-Denis, comparaît ce lundi devant la justice. Elle est poursuivie
pour détournements de fonds publics, blanchiment d'argent et travail dissimulé.
De quoi embarrasser le gouvernement sur sa politique de déradicalisation. Fin
février, un rapport parlementaire pointait le manque de résultat des dispositifs mis en place pour prévenir la radicalisation des jeunes. Deux
semaines auparavant, on apprenait que le centre de déradicalisation de
Pontourny, en Inde-et-Loire, était vide, faute de candidats.
Ce procès intervient six mois après la publication du livre
critique de Julien Revial, un jeune homme qui avait travaillé aux côtés de
Sonia Imloul pendant près d'un an, courant 2014-2015. Cet étudiant de 25 ans
avait expliqué au Figaro comment cette cellule de déradicalisation avait viré au fiasco : surexposition aux médias, manque d'argent, souffrances des
familles... Julien Revial et ses collègues avaient fini par alerter les
autorités, en juin 2015, sur les nombreux dysfonctionnements de cette
association, pourtant appuyée par le gouvernement. Dans la foulée, Sonia Imloul
avait été entendue par la préfecture de police et une enquête avait été
ouverte. Deux mois plus tard, l'État stoppait sa coopération avec
l'association. Ouverte à l'été 2014, la structure, baptisée «La Maison de la
prévention et de la famille», avait fermé au bout d'un an.
Des virements effectués à sa mère et à son ex-conjoint
À la barre, Sonia Imloul devra s'expliquer sur ces
agissements. La militante associative âgée de 43 ans est accusée d'avoir
détourné 60.000 euros de subventions destinées à l'association. Pour ce faire,
elle aurait falsifié un RIB au nom de l'association en y associant un de ses
comptes personnels. Puis aurait effectué plusieurs virement à ses proches. «La
première enveloppe de 25.000 euros, touchée en juin 2014, a été quasiment
reversée à sa mère», nous explique une source proche du dossier. Quant aux
35.000 euros restants, elle les aurait en partie utilisés pour l'association,
notamment pour payer le loyer de la structure, et pour... effectuer d'autres
virements à ses proches. «Les sommes reversées à sa mère étaient conséquentes
et espacées tandis que celles destinées à son ex-conjoint étaient moindres mais
plus régulières», poursuit la même source, qui estime à plusieurs dizaines de
milliers d'euros le montant détourné.
Mais les accusations ne s'arrêtent pas là. On lui reproche
aussi d'avoir «omis» de déclarer trois personnes avec lesquelles elles
travaillaient. Pas de contrat de travail, ni de salaire. «Pendant un an, j'ai
travaillé gratuitement, sans être bénévole, ni adhérent de l'association, et
alors même qu'elle avait promis de m'embaucher», résume Julien Revial, qui
travaillait comme «coordinateur administratif» de la cellule. En un an de
travail, ce dernier n'aura touché que 250 euros. Selon l'Agence France-Presse,
une seule des trois victimes dit avoir eu un contrat de travail antidaté et
avoir perçu une somme d'argent.
«J'espère que ses erreurs seront reconnues par la justice»
Julien Revial assistera au procès en tant que victime, avec
une autre de ses collègues, une mère dont la fille était partie en Syrie et qui
avait intégré l'association pour suivre les familles de jeunes ayant rejoint ce
pays. Tous deux se sont constitués partie civile. «Je me dois d'y être, ne
serait-ce que par rapport au livre que j'ai écrit sur la structure»,
commente-t-il. «En revanche, d'un point de vue personnel, je ne m'attends pas à
grand-chose. J'espère que ses erreurs seront reconnues par la justice car des
familles ont souffert à cause d'elle». Les trois anciens «employés»
non-déclarés de la structure vont demander réparation pour le préjudice subi et
les salaires non versés. Au moins l'équivalent d'un temps plein pendant une
année en ce qui concerne Julien Revial.
En attendant l'issue du procès, l'étudiant continue de
s'interroger. Comment se fait-il que les autorités aient laissé les rênes de ce
projet à Sonia Imloul? Celle qui se présentait tantôt comme juriste,
psychologue ou policière en fonction des circonstances, avait déjà fait l'objet
de plaintes dans ses expériences antérieures de responsable associative,
rapporte-t-il. Avec le recul, le jeune homme a quand même l'impression d'avoir
aidé des familles tout en ayant le sentiment d'un immense gâchis.
«Pas le procès de la déradicalisation»
L'avocat des deux ex-employés, Me Emmanuel Pire, s'attachera
à prouver à l'audience «qu'il s'agissait bien d'une relation de travail et pas
de militantisme» liant ses clients à Sonia Imloul. Interrogé par l'AFP, il
souligne que ce procès n'est pas «celui de la déradicalisation», mais d'une
structure qui, comme «d'autres associations peuvent avoir des process
(procédures, ndlr) amateurs dans la gestion des fonds». Contactée par l'AFP,
l'avocate de Sonia Imloul, Jacqueline Laffont, n'a pas souhaité s'exprimer
avant l'audience.
D'après le Code pénal, elle encourt une peine de dix ans
d'emprisonnement et une amende d'un million d'euros.
* Cellule de déradicalisation. Chronique d'une désillusion,
Julien Revial, aux éditions Michalon, 256 pages, 2016.
La rédaction vous conseille :
En Seine-Saint-Denis, fermeture de la cellule de déradicalisation
http://lefigaro.fr/actualite-france/2015/11/19/01016-20151119ARTFIG00286-en-seine-saint-denis-la-cellule-de-deradicalisation-fermee.php
Djihad : la politique de déradicalisation est un échec (22.02.2017)
Par Paule Gonzalès et Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 22/02/2017 à 09h56 | Publié le 21/02/2017 à
20h54
VIDÉOS - Deux sénatrices (EELV et LR) qui ont enquêté sur le
désendoctrinement des individus embrigadés ont constaté le manque de résultat
des politiques publiques menées depuis trois ans.
C'est un constat sans appel : le bilan d'étape de la mission
d'Esther Benbassa et de Catherine Troendlé - respectivement sénatrice (EELV) du
Val-de-Marne et sénatrice (LR) du Haut-Rhin - sur le «Désendoctrinement,
désembrigadement et réinsertion des djihadistes en France et en Europe»,
témoigne de l'échec des politiques publiques nationales menée depuis trois ans
maintenant. Des échecs dus aux choix et à la mise en œuvre des programmes, mais
aussi au fait que passé un certain stade de la radicalisation islamiste, le
chemin de retour est impossible.
Les deux sénatrices ont passé au crible les dispositifs mis
en place et les problèmes qu'ils suscitent: unités dédiées en milieu carcéral,
séjours volontaires dans des centres spécialisées, choix des intervenants,
manque de dialogue institutionnel... Découvrez leurs conclusions:
«Nous savons que nos programmes sont inutiles pour les
djihadistes radicaux de conviction», explique Catherine Troendlé. Elle dénonce
aussi des associations «en quête de financement» qui n'ont pas toutes compris à
quel point c'est «une problématique difficile».
Ouvert en juillet 2016, le centre de Beaumont-en-Véron
devait accueillir 25 pensionnaires prêts à se déradicaliser. Le 9 février, le
dernier «volontaire» a quitté les lieux...
Unique en son genre, le «programme de prise en charge des
personnes radicalisées» mis en place par la cour d'appel de Colmar a démarré
avant les attentats de janvier 2015. «Nous avons choisi comme base celle de la
lutte contre les dérives sectaires en accentuant notre dispositif sur
l'individu», explique Jean-François Thony, le procureur général de Colmar.
La commission d'enquête parlementaire, constituée après les
attentats de 2015, est née d'une initiative de la droite. Elle avait rendu le 5
juillet 2016 un rapport très commenté. Sa rédaction avait été supervisée par le
député PS des Hauts-de-Seine Sébastien Pietrasanta. 34 de ses propositions
étaient évaluées, ce mardi, au détour d'un rapport d'information. «Plus de la
moitié des propositions examinées connaît déjà, sous une forme ou une autre,
une application concrète», se réjouit le rapporteur Pietrasanta. Georges
Fenech, le président de la commission, tranche, pour sa part: «Six mois après
le rapport, nous avons surtout constaté des avancées décisives pour le droit
des victimes et essuyé une fin de non-recevoir pour tout ce qui touche à
d'éventuelles simplifications dans la chaîne du renseignement.»
Djihadistes : la politique de
déradicalisation en échec (21.02.2017)
Manifestation, le 11 février, en
présence de la conseillère régionale FN Véronique Pean (à gauche), devant le
centre de déradicalisation (CPIC) de Pontourny à Beaumont-en-Véron
(Indre-et-Loir).
Actualité France
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 21/02/2017 à 20h55
| Publié le 21/02/2017 à 18h21
VIDÉO - Un rapport sénatorial sur
le désendoctrinement des individus embrigadés par les islamistes constate
l'échec des politiques publiques menées depuis trois ans.
L'histoire d'un échec cuisant que
la campagne présidentielle ferait presque oublier. Et un constat sans appel: le
bilan d'étape de la mission d'Esther Benbassa et Catherine Troendlé -
respectivement sénatrice (EELV) du Val-de-Marne et sénatrice (LR) du Haut-Rhin
- sur le «Désendoctrinement, désembrigadement et réinsertion des djihadistes en
France et en Europe», témoigne de l'échec des politiques publiques nationales
menée depuis trois ans maintenant. Des échecs dus aux choix et à la mise en
œuvre des programmes, mais aussi au fait que passé un certain stade de la
radicalisation islamiste, le chemin de retour est impossible. Les expériences
ratées du centre de déradicalisation de Pontourny (Indre-et-Loire), comme des
unités dédiées en milieu carcéral sont là pour le dire.
Au sujet du centre de
déradicalisation, ouvert en juillet 2016, désormais vide faute de volontaires,
le rapport conclut : «Les effets sur la lutte contre le phénomène d'emprise sur
des personnes en voie de radicalisation sont loin d'être avérés. À l'inverse,
trois pensionnaires s'étaient autoproclamés la “bande des salafistes
rigoristes”, le départ forcé de l'un d'entre eux entraînant le départ
volontaire et consécutif des deux autres, laissant supposer un phénomène
d'emprise, paradoxal dans un lieu censé y remédier.»
Un programme spécifique
De même, les unités dédiées en
milieu carcéral, ont fait long feu après l'agression d'un surveillant
pénitentiaire à la prison d'Osny (Val-d'Oise) qui aurait pu être mortelle en
septembre dernier. Elle a mené la Chancellerie à complètement changer son fusil
d'épaule. Ipso facto, la conclusion est la même: «Au cours du temps passé à
Osny, ce détenu n'avait pas opposé de résistance particulière aux programmes de
prise en charge organisés et était apparu plutôt enthousiaste, accréditant
ainsi pleinement la thèse d'un comportement de dissimulation. À la suite de
cette agression, il a été décidé de mettre fin au programme de prise en charge
de la radicalisation au sein de la maison d'arrêt d'Osny.»
En proposant son nouveau plan, la
Chancellerie prend acte de cette impossibilité de déradicaliser les plus
impliqués. Si, comme le souligne le rapport, le nouveau dispositif met l'accent
sur une meilleure évaluation des détenus, il prévoit surtout d'isoler les plus
violents en «milieu carcéral répondant à des exigences élevées de sécurité».
«Cette affectation sera située au sein de maisons centrales ou de quartiers
maison centrale transformés en quartiers maison d'arrêt.» Un programme
spécifique sera mis en place «pour ceux dont on aura évalué leur capacité à
“engager un désistement de la violence”» (sic). «Outre cette centaine de
places, 190 places d'isolement disponibles, réparties sur une cinquantaine d'établissements,
seront également mobilisées pour ces détenus les plus problématiques. Pour ces
290 détenus, les règles de sécurité seront plus strictes.» Il est certes bien
précisé de mettre en place deux évaluations par an afin d'apprécier l'évolution
de la personne. Mais la Chancellerie est bien peu diserte sur la nature de la
prise en charge des plus violents.
Cette prise en charge et ce suivi
seront d'autant plus compliqués que comme le souligne le rapport sénatorial, au
sujet de l'expérience de Pontourny, «le volontariat sur lequel repose le
programme crée sa fragilité intrinsèque». Dans le même temps, il affirme aux
termes des expériences menées, que rien n'est possible «sans un minimum
d'adhésion». Un paradoxe bien difficile à résoudre, tandis qu'il faut encore
faire le compte des dysfonctionnements.
Effets d'aubaine financière
Dès son introduction le rapport
pointe du doigt le choix des intervenants: «Des acteurs associatifs dont
l'expérience en matière de prévention et de traitement de la radicalisation
n'est pas toujours ou pas encore avérée. La priorité politique qu'a constituée
légitimement la “déradicalisation” sous la pression des événements a pu
conduire à des effets d'aubaine financière. Ont pu être évoqués successivement
lors des auditions un “gouffre à subventions” ou un “business de la
déradicalisation” ayant attiré des associations venues du secteur social en
perte de ressources financières du fait de la réduction des subventions
publiques.»
Ce dernier dénonce également, le
manque de dialogue institutionnel, symbole d'une politique rigide de dispositifs
hypercentralisés et pensés au plan national, péché originel de l'administration
à la française. De fait, les intervenants planchant sur ce sujet délicat -
enquêteurs de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste, travailleurs
sociaux ou chercheurs - ont nourri une méfiance mutuelle empêchant notamment de
dresser les différents profils de radicaux.
La seule réussite notable de ces
mesures tous azimuts lancées depuis 2014 reste le succès du numéro vert qui
s'articule autour du Centre national d'assistance et de prévention de la
radicalisation (CNAPR). Sa double vocation : «recueillir les renseignements
relatifs à des personnes radicalisées ou en voie de radicalisation mais aussi
soutenir et assister les familles et proches de ces personnes», a été la clé de
son efficacité. Un constat qui affirme la nécessité d'une prévention le plus en
amont possible, pour une prise en charge individuelle et qui se prolonge
au-delà de la durée des programmes.
Le centre de déradicalisation de
Pontourny en sursis (21.02.2017)
Le centre de Pontourny à
Beaumont-en-Véron.
Par Delphine de Mallevoüe
Mis à jour le 21/02/2017 à 20h53
| Publié le 21/02/2017 à 19h19
Ouvert en juillet 2016, le centre
de Beaumont-en-Véron devait accueillir 25 pensionnaires prêts à se
déradicaliser. Le 9 février, le dernier «volontaire» a quitté les lieux.
Face à un établissement vide de
tout pensionnaire, la polémique autour du «centre de déradicalisation» de
Pontourny, ouvert le 1er juillet 2016, dans la petite commune de
Beaumont-en-Véron, en Indre-et-Loire, ne faiblit pas. Ce centre expérimental
voulu par Manuel Valls, «ouvert» et fondé sur le volontariat de personnes «en
voie de radicalisation», devait compter 14 pensionnaires fin novembre et 25 fin
décembre. Or «il n'y en a jamais eu plus de 7 au maximum», souligne Laurent
Baumel, député (PS) d'Indre-et-Loire. Aujourd'hui, il n'y en a plus un seul. Le
dernier, condamné notamment pour violences, a quitté la structure il y a une
dizaine de jours. Alors que l'État s'était engagé auprès des autorités locales
à ce qu'aucun pensionnaire ne présente de caractère de dangerosité, qu'aucun ne
soit «sous main de justice pour faits de terrorisme», «de retour de zone
irako-syrienne», ni «condamné pour faits de violence», «les entorses au contrat» ont été trop nombreuses au goût des habitants, déjà hostiles à leur
venue.
«Gabegie financière»
Premier accroc, la découverte,
début octobre, d'un «fiché S» parmi les pensionnaires, puis un cas
psychiatrique, parti lui aussi, et enfin, mi-janvier, l'interpellation en
Alsace de Mustafa Savas, un des premiers pensionnaires du centre de Pontourny,
dans le cadre d'une action antiterroriste. Soupçonné d'avoir voulu se rendre en
mai 2016 en zone irako-syrienne, il a été placé en détention provisoire le 20
janvier. Aujourd'hui plus encore, face à «la gabegie financière», ragent Michel
Carrier et Catherine Bideau, fondateurs du collectif «Radicalement digne de
Pontourny», les habitants de Beaumont-en-Véron réclament «la fermeture immédiate»
du centre. Et n'entendent pas attendre le moratoire «d'au minimum un mois» pour
«tout remettre sur la table» et «donner le temps de la réflexion», réclamé par
les élus locaux. Pour le collectif, «l'évaluation est faite, cela ne servira à
rien».
Or le ministre de l'Intérieur,
Bruno Le Roux, a clairement écarté la fermeture de Pontourny. Il a souligné que
«localement, il n'y a jamais eu aucun problème avec ce centre» et a assuré «une
évaluation à la fin du premier semestre». Il a ajouté avoir «demandé au préfet
de donner de nouveaux cas pour pouvoir le remplir».
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Déradicalisation : à Colmar, la
justice n'a pas attendu les attentats pour agir (21.02.2017)
«Nous avons réagi très tôt pour
répondre à la problématique spécifique de l'Alsace», explique Jean-François
Thony, le procureur général de Colmar (ici, le Palais de justice de la ville).
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 21/02/2017 à 19h04
| Publié le 21/02/2017 à 18h14
Le département du Haut-Rhin,
fortement confronté à l'islamisation de ses quartiers, a développé des réponses
en lien étroit avec le cadre judiciaire.
Unique en son genre, le
«programme de prise en charge des personnes radicalisées» mis en place par la
cour d'appel de Colmar a démarré avant les attentats de janvier 2015. «Nous
avons réagi très tôt pour répondre à la problématique spécifique de l'Alsace»,
explique Jean-François Thony, le procureur général de Colmar. «Face à cette
problématique de la radicalisation qu'à l'époque on répugnait à qualifier comme
telle, nos magistrats étaient démunis. Il n'y avait rien dans la palette
judiciaire qui permettait d'y faire face pour le parquet, les juges
d'application des peines ou ceux des enfants. Et nous avions bien conscience
que ce n'était pas avec des stages de citoyenneté qu'on allait régler la
question.» Le programme fut d'abord financé sur le budget de fonctionnement du
parquet avant d'obtenir de la Chancellerie des crédits venant du poste de
l'aide aux victimes. «Car c'est l'Intérieur qui a la main sur le financement de
ce type de programmes», regrette le magistrat.
L'originalité, par rapport aux
initiatives tentées depuis, est donc de se développer exclusivement dans un
cadre judiciaire, pour des alternatives aux poursuites, des contrôles
judiciaires quand un juge d'instruction a été nommé, ou des mesures
postcondamnation, notamment en cas de sursis avec mise à l'épreuve.
Le cas des mineurs en danger qui
n'ont pas commis d'infraction est le seul où le cadre pénal n'est pas requis.
Les individus concernés ont le choix entre suivre ce programme ou passer par la
case prison. De quoi résoudre la question du volontariat qui ne marche pas et
du minimum d'adhésion nécessaire. L'interruption du programme fait tomber le
sursis ou oblige à exécuter sa peine. Le parquet général a peu à peu développé
à l'usage de ses magistrats un lexique d'infractions habituellement liées à la
radicalisation religieuse : «souvent les violences intrafamiliales, outrages à
forces de l'ordre, infractions à l'enseignement illégal», souligne
Jean-François Thony.
Phases de déconstruction puis de
reconstruction
«Nous avons un temps réfléchi si
notre programme devait inclure une dimension sur les valeurs de l'islam. Mais
cette radicalisation si soudaine nous a fait penser qu'il n'y avait pas une
force religieuse telle qu'elle puisse embraser les individus à ce point et que
ces derniers sont avant tout confrontés à leur propre problème. Nous avons choisi
comme base celle de la lutte contre les dérives sectaires en accentuant notre
dispositif sur l'individu et ses propres problématiques.»
Un principe qui a
mené la justice à choisir pour développer ce programme une association, Accord
68, spécialisée dans le suivi des auteurs et victimes dans le milieu pénal. Le
programme repose donc sur une évaluation préalable faite par des psychiatres et
psychologues. «Il nous est arrivé d'avoir des cas qui relevaient plus de la
provocation que de l'emprise et donc de renoncer à l'application du programme.»
Puis viennent les phases de déconstruction puis de reconstruction. Cette
dernière étant la plus compliquée car axée sur la réinsertion, une activité
professionnelle, un cadre de vie différent. Une quinzaine de personnes sont
passées par ce programme. «Une seule est partie en Syrie et l'on se bat pour ne
pas en perdre une autre. (...) Pour les autres, c'est un peu tôt pour être
définitif, il faut continuer de les suivre», conclut Jean-François Thony.
«Nous savons que nos programmes sont inutiles pour les
djihadistes radicaux de conviction» (21.02.2017)
Catherine Troendlé, sénatrice LR du Haut-Rhin.
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 21/02/2017 à 20h47 | Publié le 21/02/2017 à
19h31
INTERVIEW - Dans le bilan d'étape d'une mission sénatoriale
sur le sujet, dont elle est co-responsable, Catherine Troendlé, sénatrice LR du
Haut-Rhin, dénonce les manquements des pouvoirs publics.
LE FIGARO. - Votre rapport dénonce l'échec des programmes de
déradicalisation. Qui peut être déradicalisé et qui ne peut pas l'être?
Catherine TROENDLÉ - Il faut l'admettre : les personnes les
plus violentes et les plus dangereuses ne le seront pas. Selon le psychanalyste
Patrick Amoyel, sur les 13.000 personnes signalées, 80 % peuvent être
accompagnées efficacement, notamment les femmes, mais aussi 60 % des hommes
dont les motivations sont avant tout identitaires. Il faut donc se concentrer
sur ces publics. Nous savons que nos programmes sont inutiles pour les
djihadistes radicaux de conviction. Le parquet de Paris souligne une autre
problématique qui est celle des enfants revenant de Syrie et qui auront commis
eux-mêmes des exactions. Pour l'instant, rien n'est prévu pour ces cas que l'on
pourrait rapprocher de la problématique des enfants-soldats.
Votre rapport pointe le jeu des associations. Quels ont été
les dysfonctionnements?
La grande majorité de la centaine d'associations concernées
était en quête de financement du fait du désengagement des collectivités
locales. Il leur fallait donc profiter de cette manne financière dispensée par
le gouvernement. Beaucoup d'entre elles, qui émargeaient sur la problématique
de l'enfance en danger, ont créé des modules sur cette «nouveauté» de la
radicalité religieuse. Peu ont compris combien c'était une problématique
difficile. La structuration des appels d'offres, qui respectent strictement le
Code des marchés publics, n'a pas aidé, certaines associations compétentes se
faisant refuser des subventions au motif que le dossier n'était pas bien
bouclé. Les expériences dont on pense qu'elles réussissent aujourd'hui, comme
celles du Haut-Rhin, sont du cousu main reposant sur un suivi très
individualisé et la prise en compte des contextes familiaux. C'est très
chronophage et cela implique des intervenants formés.
Justement, cette question de la formation est-elle réglée?
Certainement non. Nous voyons aujourd'hui des travailleurs
sociaux qui entament à peine une formation alors que cela fait plus de deux ans
que la problématique est sur le métier. Trop souvent aussi, nous sommes face à
de jeunes gens sortis d'école qui vont bénéficier d'une ou deux semaines de
formation spécifique et qui seront confrontés à des personnalités aguerries aux
entretiens avec les travailleurs sociaux, et maîtres dans l'art de la
dissimulation. On se réveille avec la gueule de bois et la conscience que cette
problématique exige un haut niveau de formation.
Vous dénoncez aussi la centralisation des programmes.
Pourquoi ce n'est pas efficace ?
Parce que dans un premier temps, seul le ministère de
l'Intérieur était compétent pour décider de tout. Ce n'est que très récemment
qu'a été introduit de l'«interministériel». La problématique des prisons en
aurait nécessité davantage. De même, on se rend compte à quel point l'Éducation
nationale a sa place dans les dispositifs.
Que manque-t-il à nos méthodes ?
Les volets évaluation et prévention, qui sont essentiels et
qui ont le mérite d'intégrer les familles, premières vigies. C'est d'autant
plus important que nous ne pouvons compter sur des dispositifs contraignants.
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Le premier centre de déradicalisation n'a plus de
pensionnaire (09.02.2017)
Le premier centre de déradicalisation a ouvert en septembre
dernier sur le domaine de Pontourny, à Beaumont-sur-Vernon, en Indre-et-Loire.
Par Caroline Piquet
Mis à jour le 09/02/2017 à 16h59 | Publié le 09/02/2017 à
15h28
VIDÉO - Son dernier résident a quitté les lieux mercredi,
après avoir été condamné pour des faits de violences. Le centre de Pontourny
(Indre-et-Loire) est désormais vide mais le ministre de l'Intérieur exclut de
le fermer.
Le premier centre de déradicalisation est désormais vide.
Son dernier «bénéficiaire» a quitté cette structure mercredi, a indiqué au
Figaro une source proche du dossier, confirmant une information d'Europe 1.
Ouvert en septembre dernier, ce Centre de prévention, d'insertion et de
citoyenneté (CPIC), situé sur le domaine de Pontourny à Beaumont-sur-Vernon en
Indre-et-Loire, faisait l'objet de vives contestations de la part de la
population locale et peinait à recruter des volontaires. Alors que la structure
devait accueillir 14 pensionnaires fin novembre et 25 fin décembre, les
objectifs n'ont jamais été atteints. Fin janvier, on en comptait plus que trois
pour 10 à 12 encadrants.
Selon nos informations, le dernier pensionnaire a quitté les
lieux car il ne correspondait plus aux critères d'admission. En cause? Une
condamnation pour des faits de violences familiales prononcée ce mercredi. Le
jeune homme a été condamné à plusieurs mois de prison avec sursis et des
travaux d'intérêt général. D'après Europe 1, son passage de quelques semaines
dans la structure ne se serait pas passé comme prévu. «L'encadrement avait noté
qu'il vivait le programme comme du prosélytisme anti-islam et qu'il semblait se
radicaliser davantage», écrit la radio sur son site Internet, précisant que le
volontaire concerné serait désormais logé à l'hôtel et suivi par les services
de l'État, le temps de trouver une solution adaptée.
Dès lors, comment expliquer que ce centre expérimental
n'accueille plus personne, après seulement quelques mois d'expérimentation ?
«Progressivement, les jeunes majeurs ont fait le choix de ne pas revenir», nous
explique une source proche du dossier. La faute à «la surmédiatisation» autour
de l'établissement et «la pression» des riverains, à en croire cette source.
«Ils se sentaient traqués». Idem pour le personnel encadrant. «Ce n'était pas
des conditions sereines pour travailler».
Député PS d'Indre-et-Loire, Laurent Baumel balaie ces
arguments. «Ça, c'est le discours de l'État qui rejette la responsabilité sur
les élus locaux», cingle-t-il. «Alors que de toute évidence, ce centre ne
fonctionne pas. L'État ne parvient pas à recruter des jeunes majeurs
volontaires en phase précoce de radicalisation», regrette le député socialiste,
faisant référence aux différentes polémiques qui ont secoué l'établissement ces derniers mois. En effet, le profil de trois pensionnaires ne cadrait pas
forcément avec les critères d'admission annoncés par les autorités. Étaient
normalement exclus du dispositif les individus sous main de justice pour des
faits de terrorisme, les condamnés pour des faits de violence et les candidats
au djihad. Or, il y a eu le cas d'un «fiché S», d'un cas psychiatrique et plusrécemment celui de Mustafa Savas, un jeune homme de 24 ans interpellé dans lecadre d'une action terroriste et qui avait tenté par deux fois de partir en Syrie. «Quand on accepte des critères d'admission, on les respecte», insiste
l'élu. «Il est impératif de clarifier les choses et de tirer des enseignements
de ces couacs».
Un nouveau groupe de pensionnaires prévu courant mars
Le député ne réclame pas la fermeture du centre, notamment
pour des questions d'emplois, mais se dit tout de même opposé à l'accueil d'un
public plus radicalisé à Pontourny. Dès lors, quelle serait la solution ? «Je
vous avoue que je ne suis pas très optimiste», souffle-t-il. «Il faut que nous
ayons une discussion de fond». Elle devrait avoir lieu vendredi. Élus locaux,
préfecture, services de renseignement et le Groupement d'intérêt public (GIP) de réinsertion et citoyenneté, se retrouveront lors d'un comité de suivi.
À Beaumont-en-Véron, commune de 2700 âmes, on ne décolère
pas. «On veut la fermeture de ce centre au profit d'une structure plus digne»,
continue de réclamer Michel Carrier, le président du collectif «Radicalement
digne de Pontourny». Ce riverain excédé plaide pour un autre projet et
préférerait accueillir, en lieu et place du CIPC, une maison de repos pour les
victimes d'attentats ou une maison de retraite. Sa vice-présidente Catherine
Bideau abonde et déplore «l'absence de consultation de la population en amont du
projet». Pour elle, ce centre «ouvert», «au milieu de la population» n'était
pas «adapté», tout comme le profil des personnes accueillies.
Malgré l'opposition des riverains, le gouvernement semble
vouloir poursuivre l'expérimentation. Fin janvier, le ministre de l'Intérieur Bruno Le Roux a exclu toute fermeture du centre. De nouveau interrogé sur le sujet début février à l'Assemblée nationale, le ministre continuait de défendre
ce projet. «Aucun de ceux qui y étaient n'a posé le moindre problème au niveau
local», faisait-il valoir. Certes, «une réflexion doit être menée et nous
devons tirer les leçons de nos échecs», admet une source proche du dossier. «Il
faut qu'il y ait un plus grand travail de pédagogie auprès des riverains et
peut-être faudrait-il mieux sensibiliser les préfectures», chargées de
«remonter» les cas de personnes susceptibles d'intégrer le centre. D'après nos
informations, d'autres dossiers sont actuellement étudiés dans la perspective
de former un nouveau groupe. Ces nouvelles recrues pourraient investir les
lieux dans le courant du mois de mars. Contacté par Le Figaro, l'entourage du
ministre de l'Intérieur n'a pas répondu à nos sollicitations.
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Islamisme: le pari incertain de la déradicalisation
Couacs en série au centre de déradicalisation de Pontourny (27.01.2017)
Le Centre est installé dans le château de Pontourny, à Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire).
Par Delphine de Mallevoüe
Mis à jour le 09/02/2017 à 15h53 | Publié le 27/01/2017 à 18h43
Ouvert en novembre, il ne compte que trois pensionnaires pour douze encadrants.
«Couacs en série», «mensonges d'État», «amateurisme», «insécurité», «gabegie financière»… Quatre mois après son ouverture, le premier «centre de déradicalisation» de Manuel Valls marque le pas. De nombreuses voix demandent sa fermeture sans délai. Installé dans le château de Pontourny, à Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire), le Centre de prévention, d'insertion et de citoyenneté (CPIC) avait, avant même sa création, le 13 septembre, engendré une forte polémique dans la population locale et de vives interrogations sur la pertinence de son fonctionnement: un centre «ouvert» fondé sur le volontariat de personnes «en voie de radicalisation».
«Une véritable gabegie»
Alors que ce centre devait compter 14 pensionnaires fin novembre et 25 fin décembre, «il n'y en a jamais eu plus de 7 au maximum» et aujourd'hui ils sont 3, grince Laurent Baumel, député (PS) d'Indre-et-Loire. Trois pensionnaires pour 10 à 12 personnels encadrants. «C'est une véritable gabegie, avec l'argent du contribuable», se scandalise Michel Carrier, voisin immédiat du centre et président du collectif «Radicalement digne de Pontourny». «Ce n'est pas raisonnable, déplore le maire de Beaumont-en-Véron, Bernard Château, surtout quand on sait qu'il n'y a pas d'argent pour garder nos hôpitaux et nos écoles.» Si l'édile «ne demande pas forcément la fermeture du centre», il réclame «l'arrêt du dispositif».
«Alors que nous, élus locaux, nous avons accompagné ce projet depuis le début, dit amer Laurent Baumel, force est de constater la faillite du concept. Cela pose donc la question de la fermeture.» Principale faille : «le flou des critères» sur les profils et «la difficulté à recruter des candidats», pointe le député. «Le volontariat ne fonctionne pas, confirme le maire, et c'est bien pour ça qu'on s'est retrouvé avec des individus qui étaient là plus ou moins contraints et forcés, ce qui a donné lieu à de sérieux couacs.»
Le premier incident, la découverte début octobre d'un «fiché S» parmi les pensionnaires, avait provoqué une si vive émotion dans la population que le jeune homme avait dû partir de Pontourny.
Un cas psychiatrique, parti lui aussi, avait également montré «une erreur de casting».
Surtout, il y a dix jours, Mustafa Savas, 24 ans, un des premiers pensionnaires du centre de Pontourny, a été interpellé en Alsace dans le cadre d'une action antiterroriste, soupçonné d'avoir voulu se rendre en mai 2016 en zone irako-syrienne. Le 20 janvier, il a été placé en détention provisoire. Ce jeune homme, qui était connu des services antiterroristes et de la justice pour avoir fait partie de la filière djihadiste de Strasbourg, avait pourtant été admis au centre de Pontourny avec un «avis favorable», à la grande surprise des services de renseignement.
Depuis cet épisode, les tensions sur place et la défiance contre le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR) sont maximales. Ce dernier, sous l'égide du ministère de l'Intérieur, est chargé de piloter l'expérience de Pontourny, appelée à être déclinée en 12 autres sites. À l'ouverture du centre, le CIPDR avait apporté la garantie qu'aucun pensionnaire ne présenterait de caractère de dangerosité, qu'aucun ne serait «sous main de justice pour faits de terrorisme», «de retour de zone irako-syrienne», ni «condamné pour faits de violence».
Un «complément» dans le dispositif
«La fable des gentils radicaux volontaires n'a été inventée que pour faire passer la pilule auprès des élus locaux et de la population», rage le collectif de riverains qui demande la fermeture «immédiate» de Pontourny. Pour le CIPDR, certes «il y a eu un certain nombre d'aléas», mais l'expérimentation continue, sans remettre en cause sa déclinaison. «On verra progressivement, indique Muriel Domenach, secrétaire générale du CIPDR. C'est un travail de longue haleine, personne n'a de baguette magique, nous continuons donc à évaluer et ajuster, avec humilité, persévérance et sérénité.» La responsable concède qu'il y a bien «un sujet sur les publics visés», l'aspect le plus «difficile», mais que l'expérience montre aussi «des points positifs», comme «la prise en charge pluridisciplinaire» et «l'implication de l'aumônier».
Surtout, relativise Muriel Domenach, ces centres ne sont qu'un «complément» dans le dispositif de lutte contre la radicalisation. «Le cœur du réacteur, c'est toute l'action dans les territoires pour la prévention, avec la mobilisation des acteurs sociaux et la professionnalisation de tous les intervenants». Depuis le plan d'action contre la radicalisation et le terrorisme (PART), en mai dernier, date où 1600 personnes et 800 familles étaient prises en charge, l'objectif de doubler en deux ans ces chiffres est en bonne voie, selon elle. «Aujourd'hui, souligne Muriel Domenach, la prise en charge territoriale est passée à 2400 personnes et 1000 familles.»
Bordeaux: 36 personnes suivies par le Capri
Aux yeux du ministre de l'Intérieur, en visite vendredi à Bordeaux, le Capri (Centre d'action et de prévention contre la radicalisation des individus) est une «initiative particulièrement intéressante». Lancée il y a un an, la structure a placé 36 individus de 14 à 37 ans sous suivi rapproché (dont 40 % de femmes). Parmi eux, quatre à six «cas très difficiles», explique Marik Fetouh, l'adjoint en charge du centre. La moitié des individus sont des jeunes «vulnérables», «en rupture sociale», explique-t-il. Un tiers a un profil psychiatrique. La spécificité du centre: une prise en charge pluridisciplinaire (psychologues, psychiatres, spécialistes de l'emprise mentale, acteurs sociaux, théologiens travaillent de concert). Quelques indicateurs positifs émergent: des resocialisations, un retour à l'école, au travail, une reconnexion avec la famille. D'autres villes, comme Toulouse, Strasbourg ou Le Havre, sont intéressées par la démarche.
La rédaction vous conseille :
Delphine de Mallevoüe
Un pensionnaire du premier centre
de déradicalisation mis en examen (23.01.2017)
Mis à jour le 23/01/2017 à 10:02
Le premier centre de
déradicalisation a ouvert en septembre dernier sur le domaine de Pontourny, à
Beaumont-sur-Vernon, en Indre-et-Loire. Crédits photo : GUILLAUME SOUVANT/AFP
Arrêté mardi pour avoir tenté de
rejoindre la Syrie en mai dernier, le jeune homme de 24 ans avait intégré la
première structure de déradicalisation en septembre.
Un des pensionnaires du premier
centre de déradicalisation, ouvert en septembre dernier sur le domaine de
Pontourny à Beaumont-sur-Vernon, en Indre-et-Loire, a été interpellé mardi
alors qu'il se trouvait en permission de sortie dans le Bas-Rhin, rapporte Le Monde ce vendredi matin, confirmant une information des Dernières nouvelles
d'Alsace. Il a été mis en examen et incarcéré le jour même pour association de
malfaiteurs terroriste délictuelle.
Son nom: Mustafa Savas. Ce jeune
homme de 24 ans avait tenté par deux fois de partir en Syrie, en 2013 puis en
2016, avant d'intégrer le Centre de prévention, d'insertion et de citoyenneté
(CPIC) en septembre dernier. Dans le collimateur de la DGSI, il a été
interpellé et placé en garde à vue dans le cadre d'une enquête préliminaire
ouverte après sa seconde tentative de départ en mai dernier.
D'après Le Monde, cette affaire
embarrasserait le ministère de l'Intérieur car le profil du jeune homme ne
correspond pas vraiment au type de pensionnaire que la structure est censée
accueillir. Au moment de l'inauguration du CPIC, le préfet d'Indre-et-Loire avait été clair : «Aucun (pensionnaire) ne sera sous main de justice pour faits
de terrorisme, n'aura tenté d'aller en Syrie ou n'aura été condamné pour des
faits de violence». Par ailleurs, un document publié sur le site du ministère
de l'Intérieur indique que la structure accueille des «jeunes majeurs de moins
de 30 ans en début de processus de radicalisation et non engagés dans des
actions violentes». S'il est vrai qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite
judiciaire, le jeune homme était connu des services de renseignement pour avoir
tenté à deux reprises de rejoindre les terres du djihad. Pas vraiment le profil
d'un jeune homme «en début de processus de radicalisation».
Avis négatif de la DGSI
Selon Le Monde, il aurait tenté
de partir une première fois en décembre 2013 avec une dizaine d'amis
strasbourgeois, parmi lesquels on retrouvait un certain Foued Mohamed-Aggad,
qui deviendra l'un des kamikazes du Bataclan. Finalement, Mustafa S. ne prendra
pas cet avion à Francfort et en partance pour la Turquie. Ses proches, dont son
père et son frère, avaient réussi à l'intercepter juste à temps. Cette
tentative de départ n'a pas fait l'objet de mise en examen, contrairement à
sept de ses compagnons, condamnés en juillet dernier à plusieurs années de prison. Parmi eux, il y avait Karim Mohamed-Aggad, le frère du kamikaze du
Bataclan. Mai 2016, deuxième tentative avec deux autres amis mais leur voyage
tourne court. Ils se font contrôler à la frontière germano-autrichienne et
décident finalement de faire demi-tour. La DGSI les a surveillés pendant
plusieurs mois avant de les arrêter mardi dernier.
Finalement, Mustafa S avait-il
vraiment sa place dans ce centre? D'après Le Monde, la DGSI avait émis un avis
négatif sur son intégration dans ce centre, compte tenu du risque de récidive
qui existait. Si les autorités ont accepté un pensionnaire plus radicalisé que
les autres, et ce contre l'avis de la DGSI, c'est parce qu'elles n'arrivaient
pas à remplir le centre, avance une source dans le journal du soir. En effet,
il ne serait que cinq à en bénéficier, contre 25 places prévues. On est loin du
compte. «Ce n'était pas idiot au départ. Mais faut reconnaître qu'on s'est
plantés. C'est un réel échec», a réagit samedi le député PS d'Indre-et-Loire,
Laurent Baumel. Selon 20 Minutes, il devrait réclamer la fermeture de
l'établissement le 2 février prochain.
Ce n'est pas la première fois
qu'un «bénéficiaire» fait réagir. Fin septembre, des élus s'étaient agacés en
apprenant qu'un pensionnaire de 23 ans avait commis des braquages la veille de
son arrivée à Beaumont-sur-Vernon. Réponse du Comité interministériel de
prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR), qui pilote le
projet : le profil du jeune homme est conforme aux critères fixés car il n'a pas
fait l'objet de «condamnation pour faits de violences en lien avec la
radicalisation».
La rédaction vous conseille :
Les anciens collègues de Farid Benyettou sceptiques sur sa
déradicalisation (24.10.2016)
Farid Benyettou, ancien prédicateur du djihad, affirme
désormais «condamner» les attentats terroristes.
Par Anne Jouan
Mis à jour le 24/10/2016 à 21h17 | Publié le 24/10/2016 à
19h15
La coopération entre Farid Benyettou, ex-mentor des frères
Kouachi et l'anthropologue spécialiste de la lutte contre l'islam radical,
Dounia Bouzar, continue de surprendre.
Le repenti et la prêtresse en déradicalisation. L'annonce
dans Libération mercredi dernier de la coopération entre Farid Benyettou,
ex-mentor des frères Kouachi - ceux-là mêmes qui assassinèrent douze personnes
lors de l'attaque contre Charlie Hebdo ce funeste 7 janvier 2015 - et Dounia
Bouzar, anthropologue spécialiste de la lutte contre l'islam radical, a
surpris. Tous les deux travaillent ensemble et préparent un livre à quatre
mains. Intitulé Mon djihad*, il sortira début janvier… au moment de
l'anniversaire de l'attentat contre le journal satirique.
«C'était comme recruter un pédophile en puériculture»
À l'hôpital parisien de la Pitié-Salpêtrière, cette
collaboration suscite incompréhension et scepticisme. Farid Benyettou y a fait
ses classes d'élève infirmier, il était même présent aux urgences où étaient
envoyés les blessés de Charlie. Deux mois plus tard, il obtenait son diplôme.
Aujourd'hui, des médecins de la Pitié regrettent de n'avoir pas été informés, à
l'époque, du parcours de l'apprenti infirmier. Ce dernier a en effet été
condamné en 2008 à six années de prison et reconnu comme l'un des chefs - un
prédicateur - de la «filière des Buttes-Chaumont» qui recrutait des volontaires
du djihad pour combattre en Irak. Et parmi les élèves de Benyettou, un certain
Chérif Kouachi. À la Pitié donc, certains doutent aujourd'hui de la sincérité de
cette déradicalisation. «Il ne fait pas du tout profil bas et il a un certain
sens de l'ellipse narrative sur son parcours», lâche, amer, un psychiatre. Et
de regretter qu'il ait été placé, en 2013, en service de psychiatrie de
l'adolescent. «C'était comme recruter un pédophile en puériculture», s'énerve
un médecin pour qui «la rédemption sans culpabilité préalable, sans mea culpa
public», est suspecte.
Les praticiens se souviennent notamment de la proximité entre Farid Benyettou et des adolescents fragilisés psychiquement, socialement,
certains se trouvant d'ailleurs en proie à des problématiques identitaires
liées à l'islam. «Cet infirmier avait accès à toutes les données médicales
concernant des jeunes très vulnérables», déplore un médecin. Lors de son stage
infirmier, il n'était pas rare de voir Benyettou contredire les médecins
pendant les «staffs», ces réunions des équipes médicales pour suggérer une
modification thérapeutique par exemple. Un comportement inhabituel pour un
stagiaire.
En avril 2015, le ministère de l'Intérieur avait missionné
le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam (CPDSI) -
association de loi 1901 - de Dounia Bouzar pour appuyer les cellules
antiradicalité des préfectures. Le contrat devait être renouvelé tacitement en
avril 2016 mais Dounia Bouzar, sa directrice générale, a choisi de poursuivre
toute seule. Aujourd'hui, elle ne touche donc plus de subventions publiques.
Des «fils invisibles»
Interrogée sur le rôle joué par l'ex-mentor des frères
Kouachi au sein de son association, elle assure au Figaro qu'il travaille pour
sa société, au même titre que huit autres personnes qu'elle emploie. «Je lui ai
demandé de faire ce que j'ai fait avec lui : mettre en mots sa déradicalisation
et expliquer pourquoi il a fait le deuil de l'utopie djihadiste. Il s'agit pour
lui de réhumaniser les jeunes embrigadés. Il le doit à la société»,
explique-t-elle.
Croit-elle réellement à sa déradicalisation? «Vous pensez
que je l'embaucherais si j'avais peur qu'il me fasse exploser?», répond-elle. À
quoi voit-elle cette déradicalisation? «C'est mon expertise de voir les
indicateurs de déradicalisation grâce à une échelle psychométrique que j'ai
construite. Je le vois car il a envie de sauver des vies, car il met en mots
son embrigadement idéologique et relationnel, il explique qu'il ne faisait pas
confiance en l'humain mais uniquement au divin», explique-t-elle, un brin
agacée par la question. Selon elle, il aurait bénévolement et pendant des mois
«sauvé des jeunes au bord du passage à l'acte en leur expliquant que Daech est
une chimère, qu'il s'agit d'un projet d'extermination et de purification. Et
quand il le dit, les jeunes l'écoutent : ils savent que les repentis ont cru à
l'extase divine». Dounia Bouzar déplore que la presse se focalise sur lui alors
qu'elle a «eu d'autres repentis plus dangereux que Farid Benyettou».
Sûre de sa méthode, elle nous dit: «Je forme la police, les
juges, les magistrats, je forme l'Italie, Singapour, l'Australie, le Canada. Je
connais les fils invisibles grâce à mon papa gendarme.» Au printemps, l'une des
jeunes filles qu'elle estimait avoir sauvée a pourtant été rattrapée de
justesse alors qu'elle partait pour la Syrie. Dans la sphère judiciaire, ses
méthodes suscitent la perplexité. Quant à Farid Benyettou, contacté par Le
Figaro, il a refusé de répondre à nos questions concernant sa déradicalisation,
nous renvoyant sur «l'attachée de presse du livre qui sortira en janvier».
* Mon djihad, Éditions Autrement
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l'amateurisme»
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radicalisation
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Déradicalisation : scepticisme autour du plan gouvernemental (14.09.2016)
À l'intérieur du premier Centre de prévention et d'insertion
par la citoyenneté (CPIC), installé dans le domaine de Pontourny à
Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire). - Crédits photo : GUILLAUME SOUVANT/AFP
France | Mis à jour le 14/09/2016 à 10h50
VIDÉO - Alors qu'un centre pionnier ouvre en Indre-et-Loire,
11.811 cas ont été signalés. Soit 70 % de plus en sept mois.
Face à la montée de l'islamisme radical, l'État avance à
marche forcée dans son plan de déradicalisation. Selon un dernier bilan porté à
la connaissance du Figaro, 11.811 personnes ont été ciblées sur l'ensemble du
territoire en raison d'un présumé repli identitaire, d'une apologie du
terrorisme ou de leur hostilité aux institutions. Un bond de 69,8 % des
signalements par rapport à février dernier. Le contingent a quadruplé depuis
mars 2015, où l'on détectait 3100 cas.
Face à ce galopant effet de masse,
conjugué au spectre des inévitables retours au bercail de combattants français
engagés sous la bannière de Daech, la machine à déradicaliser monte cahin-caha
en puissance avec l'ouverture du premier Centre de prévention et d'insertion
par la citoyenneté (CPIC). Installé dans le domaine de Pontourny à
Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire), commune de 2900 âmes, ce site expérimental
d'une trentaine de places s'apprête à accueillir en chambre individuelle ses
premiers volontaires, âgés de 18 à 31 ans, garçons et filles mélangés.
Le
centre en question suscite peur et colère chez les riverains.
Quant à cette
nouvelle expérimentation, elle intervient dans un contexte où les tentatives de
déradicalisation donnent peu de satisfaction. Au sein des prisons, l'agression
de surveillants par un détenu de l'unité de prévention de la radicalisation de
la maison d'arrêt d'Osny (Val d'Oise) a illustré les failles existantes.
Plus
généralement, le sociologue Gérald Bronner, qui fera partie des intervenants du
Centre de Beaumont-en-Véron qu'il qualifie de «première mondiale», reconnaît
que «personne n'a pour le moment trouvé LA bonne méthode».
La rédaction vous conseille :
Déradicaliser : «Des psychologues
et des éducateurs contre un endoctrinement, c'est mission impossible!» (14.09.2016)
Des habitants de
Beaumont-en-Véron se mobilisent contre le premier «centre de déradicalisation»
Par Juliette Singeot
Publié le 14/09/2016 à 15h39
VOTRE AVIS- Comment les
internautes du Figaro voient-ils le plan de déradicalisation du gouvernement?
Voici leur réaction.
11.811 personnes ont été ciblées
pour radicalisation sur le sol français. Face à l'augmentation du nombre de
cas, le gouvernement ouvre un centre expérimental un centre en Indre-et-Loire
pour tenter d'appréhender et de prévenir le djihadisme. Les internautes du
Figaro sont sceptiques quant au succès de cette expérimentation.
Pour giantpanda, déradicaliser
n'est pas réaliste: «Penser qu'on puisse déradicaliser des personnes en prison
est inapplicable. D'ailleurs on a encore peu d'expérience avec l'existence d'un
seul centre à mini-capacité. Et la multiplication de centres prendra
certainement nettement plus de temps que prévu.»
Klaus M. partage cet avis:
«Des psychologues et des éducateurs contre un endoctrinement, c'est mission
impossible.»
Vanesse doute de l'efficacité de ce centre. «Il semble que la
prudence commande de mettre hors d'état de nuire ces personnes aussi longtemps
que les menaces pèseront sur notre pays, c'est-à-dire plusieurs dizaines
d'années. Je doute qu'un séjour dans un centre règle le problème.»
«Comment fait-on pour
déradicaliser exactement?» Voici la question que se pose mllepraline.
Augusto
semble avoir trouvé la solution:«La déradicalisation passe par le travail. Tout
est une question de rééducation.»
Allergica réagit: «Quelles différences
doit-on faire entre des centres de déradicalisation et des camps de
rééducation? Il semble que la question est là.».
Enfin dominique avance une
piste: «On doit mettre en place des conditions d'isolement et de surveillance
particulières et former les personnels adéquats.»
Déradicalisation : «Personne n'a trouvé LA bonne méthode» (13.09.2016)
Gérald bronner. - Crédits photo : Jean-Christophe MARMARA/Le
Figaro
France | Par Stéphane Kovacs
Mis à jour le 13/09/2016 à 19h44
INTERVIEW - Le sociologue Gérald Bronner participe au
programme de déradicalisation mis en œuvre dans le premier «centre de
réinsertion et citoyenneté» qui accueillera ses premiers pensionnaires à
Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire).
Gérald bronner est sociologue, professeur à l'université
Paris-Diderot et auteur de La Pensée extrême (PUF, 2016). Il fera partie des
intervenants dans le Centre de prévention et d'insertion par la citoyenneté
(CPIC) qui ouvrira cette semaine en Indre-et-Loire.
LE FIGARO.- Quels sont les ressorts de la radicalisation?
Gérald BRONNER.- Il existe quelques grandes constantes. Les
processus de radicalisation sont progressifs, ce qui ne signifie pas qu'ils ne
peuvent pas être rapides. Mais il faut un terrain préparatoire. La
radicalisation s'adosse à une forme de frustration: l'idée que «la vie ne m'a
pas donné ce à quoi j'avais droit». En découle une volonté de notoriété. Il y a
aussi des variables contextuelles. On observe dans les opinions publiques
musulmanes mondiales, à travers des sondages, ce thème de la frustration, de
l'humiliation, du déclassement. Il n'est pas étonnant que dans ces populations,
on trouve un certain nombre d'individus, qui restent extrêmement minoritaires,
mais qui endossent des formes de narration du monde radicales. Et il y a même
des individus qui se radicalisent sur la base d'une coïncidence, qui se disent
par exemple «si jamais je survis à cet accident, Allah, je te jure que je
reviendrais vers Toi!».
«Ce qui va se faire dans le centre d'Indre-et-Loire, c'est
une première mondiale»
Y a-t-il des méthodes de déradicalisation qui ont déjà
faitleurs preuves?
Non, pas à ma connaissance. Beaucoup de personnes
revendiquent avoir réussi. C'est le cas de Dounia Bouzar, en France. Moi je
veux bien le croire, cependant tout le monde reconnaît que personne n'a trouvé
LA bonne méthode. Ce qui va se faire dans le centre d'Indre-et-Loire, c'est une
première mondiale…
Ce centre n'accueillera pas les plus fanatisés. Pourquoi
s'intéresser en priorité à des individus «en absolu bas de spectre»?
À l'origine, c'était des jeunes revenant de Syrie que l'on
devait accueillir. Mais les attentats de Paris ont tout changé: il n'était plus
possible de recevoir ces jeunes dans un centre fermé sur la base du
volontariat! Cependant, il ne faut pas oublier que ce centre a une dimension
exploratoire: cela va nous permettre, sur la base du volontariat de ces
individus, de tester un certain nombre de choses. Il y en aura normalement un
par région en France. Après, on pourra peut-être essaimer, tenter des méthodes
similaires en prison, pourquoi pas?
Comment pourrez-vous déterminer si un individu, censé rester
dix mois dans ce centre, est déradicalisé?
«Nous publierons nos résultats, qu'ils soient positifs ou
négatifs»
Effectivement, j'ai fermement demandé qu'il y ait un test
d'évaluation de ce que nous allons faire. J'ai proposé de mettre au point un
protocole, avec des psychologues, avec constitution d'échantillons témoins, par
exemple. Nous publierons nos résultats, qu'ils soient positifs ou négatifs. Les
choses vont être faites selon les canons de la science, mais d'un autre côté,
il ne faut pas rêver: il n'y aura pas de certitude à 100 %! Il n'est pas du
tout impossible qu'un individu sortant de ces centres se radicalise encore
davantage ensuite…
Par ailleurs, je pense que «déradicalisation» est un terme
inadéquat. Tout simplement parce qu'il pourrait signifier que l'on va retirer
des croyances du cerveau d'individus. Ce n'est pas du tout l'objectif. Ce que
je souhaite faire, c'est tout l'inverse: leur donner des outils intellectuels
pour comprendre les processus qui ont été les leurs, qui les ont conduits vers
des formes d'adhésion inconditionnelles qui peuvent être dangereuses. Mais il
n'est pas question de discuter des croyances auxquelles ils ont abouti! Par
exemple, l'un des marchepieds de la radicalisation, ce sont les théories du
complot. Moi, je ne vais pas leur dire que telle théorie du complot est fausse,
mais je peux leur montrer que les processus intellectuels sous-jacents nous
conduisent souvent à faire des erreurs d'appréciation. En fait, je vais muscler
leur système immunitaire intellectuel. Il existe des expériences qui montrent
qu'en stimulant l'esprit critique, on peut faire reculer les croyances.
Le gouvernement a mis en place une série de discours de
contre-propagande. Est-ce efficace?
Le site Stop djihadisme me paraît plutôt bien fait, avec des
messages efficaces. Pour autant, cela ne va faire reculer des jeunes
djihadistes! C'est une goutte d'eau par rapport à tout ce qu'il faudrait faire
en la matière… De toute façon, en aucun cas un message gouvernemental peut être
considéré comme crédible par des individus radicalisés! Mais il y a d'autres
personnes pour lesquelles ces messages peuvent être utiles. Ils s'adressent
surtout aux familles, aux indécis, aux gens qui ont envie de comprendre.
Islamisme : le pari incertain de la déradicalisation (13.09.2016)
A l'intérieur du premier Centre de prévention et d'insertion par la citoyenneté (CPIC), installé dans le
domaine de Pontourny à Beaumont-en-Véron
(Indre-et-Loire). - Crédits photo :
GUILLAUME SOUVANT/AFP
France | Par Christophe Cornevin
Mis à jour le 13/09/2016 à 19h54
L'ouverture d'un premier centre de prévention en
Indre-et-Loire doit servir de test dans la lutte contre l'endoctrinement, alors
que 11.811 cas suspects ont déjà été signalés dans le pays.
Aiguillonné par la fièvre de l'islamisme radical qui étreint le pays, l'État avance à marche forcée, mais encore à tâtons, en espérant faire
tomber la température. Selon un dernier bilan porté à la connaissance du
Figaro, 11.811 personnes ont été ciblées sur l'ensemble du territoire en raison
d'un présumé repli identitaire, d'une apologie du terrorisme ou de leur
hostilité aux institutions. Soit un bond de 69,8 % des signalements par rapport
à février dernier. Le contingent a quadruplé depuis mars 2015, quand 3100 cas
détectés affolaient déjà les compteurs. Face à ce galopant effet de masse,
conjugué au spectre des inévitables retours au bercail de combattants français
engagés sous la bannière de Daech, la machine à déradicaliser monte cahin-caha
en puissance, avec l'ouverture du premier centre de prévention et d'insertion
par la citoyenneté (CPIC). Installé dans le domaine de Pontourny à
Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire), commune de 2900 âmes oscillant entre peur
et colère, ce site expérimental d'une trentaine de places s'apprête à
accueillir en chambre individuelle ses premiers volontaires, âgés de 18 à 31
ans, garçons et filles mélangés.
Présentés Place Beauvau comme des pensionnaires
«récupérables», ils n'ont jamais posé le pied dans les zones de combat. Ils
n'ont pas été condamnés, ni mis sous main de justice ou fichés S. «Velléitaires» tentés par l'imaginaire fantasmé du djihad sans jamais avoir
franchi le pas, ces profils présentés comme «ambivalents» ont attiré
l'attention de leur entourage en raison d'une brutale attitude de rupture ou d'un
endoctrinement lié aux consultations compulsives de sites islamistes. Conçue
sur le modèle des établissements public d'insertion mis en place par la Défense
(Epide) pour «réencoder» les jeunes en perte de repères, cette unité
fonctionnant en milieu ouvert et vidéosurveillée jour et nuit par 18 caméras
fera intervenir une équipe d'éducateurs professionnels. Au programme : levé à 6
h 45, salut du drapeau une fois par semaine, sport, cours sur l'histoire de la
religion, l'islam ou encore la théorie du complot. Visant à forger l'esprit
critique, ce processus de «désengagement radical» devrait durer dix mois,
«adaptables aux besoins et difficultés des personnes accueillies». Une période
de «gestation républicaine», estime-t-on Place Beauvau, au terme de laquelle
les sujets «resocialisés» devraient se voir proposer un retour vers les études
ou une formation professionnelle.
Bien conscients que le Meccano mis en place n'a jamais été
expérimenté auparavant et qu'il n'existe aucun outil digne de ce nom
susceptible de mesurer le désembrigadement d'individus adeptes de la «taqiya»,la technique islamiste de la dissimulation, les architectes de ce dispositif
affichent la prudence. «Soit nous ne faisons rien, soit nous tentons des
choses», martèle un haut fonctionnaire, qui concède qu'«aucun modèle n'est
stabilisé» et que «tout est sujet à remise en cause». Au total, treize centres,
soit un par région, verront le jour d'ici à la fin 2017. Selon nos
informations, des négociations sont bien engagées avec des élus locaux pour ouvrir
quatre établissements supplémentaires d'ici à six mois. À plus long terme, il
n'est pas exclu que certains accueillent des djihadistes de retour de Syrie ou
d'Irak.
Ces unités de déradicalisation, qui ne portent guère leur
nom, ne sont qu'un «étage de la fusée», rappelle Muriel Domenach, secrétaire
générale du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la
radicalisation (CIPDR). Ancienne consul de France à Istanbul, cette diplomate
qui connaît les arcanes du djihad a pour tâche de coordonner l'action des
quelque dix-huit ministères désormais impliqués dans la lutte contre
l'embrigadement et de développer ce qu'elle nomme des «anticorps». Comment ? Par
la mobilisation autour des préfectures d'un maquis de 120 structures, dont 90
associations jusqu'ici spécialisées dans les dérives sectaires,
l'accompagnement psychologique ou encore de prévention de la délinquance.
Constituées de thérapeutes, de travailleurs sociaux et d'experts de tout
acabit, elles se sont greffées sur le champ du désembrigadement au gré des
circonstances.
Aux représentants de l'État qui convoquent l'«empirisme» et le
«pragmatisme» pour justifier leur méthode, certains experts disent leur
scepticisme et brandissent l'épouvantail de l'apprenti sorcier. «Sans méthode,
la prise en charge telle qu'imaginée par le gouvernement n'est pas raisonnée,
ni réfléchie, assène ainsi Fethi Benslama, psychanalyste et professeur de
psychopathologie clinique à l'université de Paris-Diderot. Quand apparaît un
fléau comme le sida, les experts travaillent en laboratoire pour en décortiquer
les causes et constituer un savoir avant de traiter et prévenir. Il doit en
être pareil dans le domaine des fléaux sociaux, de la réinsertion psychologique
et sociale.» Spécialiste réputé de l'islam qui a observé très tôt la poussée de
la radicalisation, il exhorte les pouvoirs publics à «sortir de l'improvisation
en constituant un grand centre-ressource pour collecter les informations, les décrypter
et diffuser un savoir-faire». Dans cet esprit, il souhaite que les chercheurs
puissent avoir accès, sous les conditions de l'anonymat, au big data du fichier
de l'Unité de coordination de la lutte antiterroriste (Uclat), où sont fléchés
en détail tous les radicalisés ainsi que leur trajectoire personnelle. Une mine
d'or pour les futures épidémiologistes.
2375 jeunes et 950 familles font déjà l'objet d'un suivi
spécifique
Les subsides de l'État, rehaussés à 10,3 millions d'euros
cette année, aiguisent les convoitises, et donc les risques de charlatanisme,
tant le «marché» de la prise en charge des apprentis djihadistes a explosé.
Rappelant que les «dérapages sont rares», sans s'attarder sur l'expérienceavortée de la maison de la prévention et de la famille en Seine-Saint-Denis,
Muriel Domenach a les yeux rivés sur la feuille de route du plan d'action
contre la radicalisation et le terrorisme (Part). Ce catalogue de 80 mesures,
détaillé en mai dernier par Manuel Valls pour endiguer une «idéologie du chaos»
qui «glorifie la mort», prévoit en particulier de «doubler, d'ici à deux ans,
les capacités de prise en charge des personnes radicalisées». Une gageure,
sachant que, selon nos informations, 2375 jeunes et 950 familles font déjà
l'objet d'un suivi spécifique. Soucieux d'«infuser partout les bonnes
pratiques» sans laisser en jachère la moindre parcelle de territoire, l'État
entend déployer en renfort des «équipes mobiles d'intervention» mobilisant
jusqu'à une dizaine de spécialistes pour mener des «opérations flash» au cas
par cas, notamment en zone rurale. Mais, là encore, ces défricheurs navigueront
souvent à vue à mesure qu'enfle la marée radicale.
La rédaction vous conseille :
En Seine-Saint-Denis, la cellule de déradicalisation tourne
au fiasco (07.09.2016)
Par Caroline Piquet
Mis à jour le 07/09/2016 à 13h14 | Publié le 07/09/2016 à
10h24
VIDÉO - Lancée à l'été 2014, cette structure implantée à
Aulnay-sous-Bois aura fonctionné moins d'un an. Dans un livre publié jeudi,
Julien Revial, qui a participé à ce projet soutenu par les pouvoirs publics,
raconte l'envers du décor.
C'est un livre qui risque d'embarrasser le ministère de
l'Intérieur. Ce jeudi, Julien Revial, un étudiant de 24 ans, publie Cellule de
déradicalisation. Chronique d'une désillusion* dans lequel il raconte les mois
mouvementés qu'il a passés au sein d'une structure de déradicalisation ouverte
à l'été 2014, en Seine-Saint-Denis. Surexposition aux médias, manque d'argent,
souffrances des familles… Sous la forme d'un journal de bord, l'ancien
«coordinateur administratif» de cette cellule énumère les dysfonctionnements de
cette association, pourtant appuyée par les autorités.
Tout commence au printemps 2014. Le gouvernement lance le numéro vert antidjihad pour inciter les familles à signaler des cas de radicalisation dans leur entourage. Voyant que le sujet prend de l'ampleur,
Sonia Imloul, militante associative, décide de créer une structure qui
permettrait de déradicaliser les enfants, tout en soutenant les parents. Si la
préfecture de Seine-Saint-Denis ne veut pas en entendre parler, Sonia Imloul
parvient à convaincre le préfet Pierre N'Gahane, alors secrétaire général du
Comité interministériel pour la prévention de la délinquance (CIPD) et chargé
du numéro vert. Ce dernier valide l'idée et accepte de lui accorder des
subventions pour un montant de 35.000 euros.
Plus de journalistes que de familles
Entre-temps, Sonia Imloul a recruté via les petites annonces
un étudiant pour l'aider dans son projet. Julien Revial s'embarque dans cette
aventure, sans rien connaître des problématiques de la radicalisation.
L'association, baptisée «La Maison de la prévention et de la famille», commence
à travailler à l'été 2014 et reçoit les premières fiches de signalement émanant
du numéro vert antidjihad. Sans local, ni moyens, la responsable associative
donne des rendez-vous aux familles dans des cafés. Puis, en octobre, la
structure s'installe à Aulnay-sous-Bois dans un appartement de 150 m² avec
terrasse.
Julien Revial, 24 ans, était «coordinateur administratif» à
la «Maison de la prévention et de la famille». - Crédits photo : Editions
Michalon
À peine lancée, la cellule attire déjà les médias, moins les
familles concernées. «Nous recevions plus de journalistes que de familles», se
remémore Julien Revial. Télévision, radio, presse écrite, tout le monde y
passe. Et parfois, les familles se retrouvent devant le fait accompli, sans
avoir été prévenues au préalable des visites des journalistes. Cette
surmédiatisation le dérange. D'autant que Sonia Imloul n'hésite pas à gonfler
les chiffres. À L'Express , elle affirme ainsi avoir traité une trentaine de
cas et déclare au Parisien qu'elle travaille avec «une dizaine» de personnes
aux compétences variées (juristes, psychologues, éducateurs, etc). Dans les
colonnes du Figaro, elle évoque même la présence d'un
«criminologue-victimologue».
Des chiffres «fantasques»
Mais pour Julien Revial, on est loin du compte: «Au mieux,
on a été cinq à travailler, Sonia Imloul incluse». Et «on n'a jamais eu non
plus de criminologue-victimologue dans l'équipe», soupire le jeune homme. Quant
à la prise en charge des familles, seuls trois dossiers de prévention de la radicalisation
ont réellement abouti, selon lui. «Les autres familles qui venaient - une
quinzaine - avaient déjà vu leurs enfants partir, on était plus vraiment dans
la prévention», poursuit-il. Les interviews défilent, sans que les autorités ne
viennent contester les chiffres avancés. Le ministre de l'Intérieur Bernard
Cazeneuve viendra même manger un couscous le 20 décembre 2014, encourageant
l'association à continuer son travail : «On développe et on duplique», aurait-il
lâché, une fois le repas terminé.
Au fil des mois, le jeune homme se rend compte que la
gestion de l'association devient de plus en plus opaque. Malgré les 35.000
euros de subvention, Julien Revial et les autres ne seront pas rétribués pour
leur travail. «Certes, la location annuelle de l'appartement s'élevait à 22.000
euros, sans compter l'entretien des locaux. Mais il restait quand même plus de
10.000 euros pour nous rémunérer un peu. Où est donc passé l'argent ?»,
interroge l'étudiant, qui n'a touché, en tout et pour tout, qu'une seule indemnité,
en août 2014.
«On était une vitrine médiatique pour l'État»
À l'écouter, Sonia Imloul n'est pas la seule responsable de
ce fiasco. Les autorités ont, elles aussi, failli. «On nous avait promis des
subventions en 2015. Un premier versement de 30.000 euros devait arriver en
début d'année, mais on ne l'a jamais eu dans les temps», reprend Julien Revial.
«D'ailleurs, à ce moment-là, Sonia était épuisée, prête à laisser tomber la
structure. Mais le préfet l'a convaincue de continuer». Les mois passent et les
subventions ne viennent pas. «En fait, on était une vitrine médiatique, qui
permettait à l'État de montrer qu'il agissait pleinement pour lutter contre la
radicalisation, sans y mettre les moyens», pense le jeune homme.
Faute d'argent, l'accompagnement individuel est laissé de
côté, la situation s'enlise et les tensions s'exacerbent au sein de
l'association. Pour Julien Revial, le «point de non-retour» est atteint lorsqu'il
comprend que «les familles pâtissent» de cette situation. Il raconte par
exemple les mensonges entendus par les familles ou encore la mise en ligne de
cette petite annonce qui propose à des étudiantes de sous-louer deux chambres
de la structure pour la somme de 550 euros! «La cellule de déradicalisation
ultrasecrète dont l'adresse devait rester secrète s'apprêtait donc à se
transformer en auberge de jeunesse», ironise le jeune homme.
La clé sous la porte
En juin 2015, les membres de l'équipe finissent par alerter
les autorités sur les dysfonctionnements de la structure. «On a monté un
dossier pour dire qu'il fallait stopper tout ça», même si la subvention tant
promise est sur le point de tomber. Julien Revial agit par «civisme», persuadé
qu'il finira par être indemnisé par les autorités. Dans la foulée, Sonia Imloul
est entendue par la préfecture de police et une enquête est ouverte. Deux mois
plus tard, l'État stoppe sa coopération avec l'association qui met fin à son
activité. Julien Revial, qui a dû s'asseoir sur ses indemnités, a été entendu
par la brigade financière en juin dernier. L'enquête est toujours en cours.
En attendant, l'étudiant continue de s'interroger, notamment
sur le profil de Sonia Imloul. Comment se fait-il que les autorités lui aient
laissé les rênes de ce projet? Celle qui se présentait tantôt comme juriste,
psychologue ou policière en fonction des circonstances, avait déjà fait l'objet
de plaintes dans ses expériences antérieures de responsable associative,
rapporte-t-il. Avec le recul, le jeune homme a quand même l'impression d'avoir
aidé des familles tout en ayant le sentiment d'un immense gâchis. «C'est pour
ça que j'ai écrit ce livre. Je voulais mettre en lumière l'envers du décor.
Montrer que la politique de prévention de la radicalisation est beaucoup moins
opérationnelle qu'on ne le pense». Aujourd'hui, il poursuit ses études et n'est
plus en contact avec Sonia Imloul.
* Cellule de déradicalisation. Chronique d'une désillusion, Julien Revial, aux éditions Michalon, 256 pages.
Les étranges façons d'une mère de djihadiste (14.06.2016)
Valérie de Boisrolin, présidente de l'association de
prévention de la radicalisation Syrie Prévention Familles, le 14 juin 2016.
Par Anne Jouan
Mis à jour le 30/06/2017 à 19h19 | Publié le 30/06/2017 à
19h14
Valérie de Boisrolin est accusée d'avoir détourné des fonds
d'une cellule de déradicalisation pour les envoyer à sa fille partie en Syrie.
La Fontaine en aurait tiré grande inspiration. Sauf qu'il
n'est pas question de fable dans cette histoire d'arroseur arrosé. Valérie de
Boisrolin a été mise en examen en fin de semaine dernière pour «association de
malfaiteurs terroristes, financement du terrorisme et abus de confiance en
relation avec une entreprise terroriste», et placée sous contrôle judiciaire.
En 2013, sa fille Léa, jeune convertie de 16 ans, part pour la Syrie.
Aujourd'hui, la mère est accusée de lui avoir envoyé de l'argent là-bas via une
association de lutte contre la radicalisation dont elle était devenue
présidente.
Fin 2016, une enquête préliminaire avait été ouverte à la suite
d'un signalement de Tracfin, l'office antiblanchiment du ministère des
Finances, qui avait détecté ces transferts de fonds.
Cette mère avait écrit un livre, Embrigadée, sorti en
septembre 2015. Elle y racontait le départ de Léa, six mois après avoir
rencontré un jeune homme de 22 ans dont elle disait être tombée amoureuse. À
son contact, la jeune fille s'était radicalisée. Or, le fiancé devenu, en
Syrie, le mari de Léa, est Yanis Belhamra, alias Abdoul Wadoud, son nom de
soldat de l'État islamique (EI). Un jeune bien connu des services de
renseignement car il apparaît sur une vidéo de l'EI diffusée une semaine après
les attentats du 13 novembre 2015, aux côtés d'un autre homme en treillis qui
explique: «Ça va arriver encore. Tant que vous êtes là (en Syrie), ça va
arriver chez vous (…). Là, c'est que le début.» Face caméra, Yanis Belhamra,
lui, menace François Hollande, qu'il compare à un «porc». En 2014, il fait
l'objet d'un mandat d'arrêt international, tandis qu'un mandat de recherche
pour association de malfaiteurs est délivré à l'encontre de Léa. Yanis Belhamra
est décédé lors d'un combat en Syrie en 2016.
Marché conclu
Et pourtant, elle présentait bien, Valérie de Boisrolin. Le
13 mars dernier, elle expliquait à la justice comment elle estimait avoir été
bernée par Sonia Imloul. Cette dernière, responsable de la première «cellule de
déradicalisation» en France, soutenue par Beauvau, était jugée pour avoir
employé trois personnes sans leur donner de salaire ni de contrats de travail
et pour avoir détourné 60.000 euros de subventions en falsifiant un RIB. C'est
Valérie de Boisrolin qui était allée dénoncer son ancienne patronne à la
police. Sur son procès-verbal du 12 juillet 2016, elle expliquait aux policiers
que Sonia Imloul était «complètement mythomane», «une pauvre fille qui
s'invente une vie».
Sauf qu'en mars dernier, quand elle témoigne au procès de
Sonia Imloul, Valérie de Boisrolin a déjà dévoyé de l'argent de l'association
pour l'expédier en Syrie à sa fille. Pour se faire embaucher par l'association
de Sonia Imloul, Valérie de Boisrolin avait passé un marché. Après le départ de
sa fille en Syrie, elle avait porté plainte contre l'État. Selon elle, le
garde-frontière n'avait rien fait pour retenir son enfant. Or, pour intégrer
l'association, Sonia Imloul lui avait expliqué que cette plainte était
incompatible avec ces aspirations. Marché conclu : avec la promesse du contrat
de travail, la plainte a disparu. Valérie de Boisrolin aurait-elle dénoncé
Sonia Imloul pour prendre sa place à la tête de l'association et avoir accès à
la caisse pour envoyer de l'argent à sa fille ?
Déradicalisation: «Des associations trop souvent dans
l'amateurisme» (06.05.2016)
Nathalie Bécache.
http://lefigaro.fr/actualite-france/2016/05/05/01016-20160505ARTFIG00149-deradicalisation-des-associations-trop-souvent-dans-l-amateurisme.php
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 06/05/2016 à 07h39 | Publié le 05/05/2016 à
18h31
INTERVIEW - Le Val-de-Marne est, avec les Yvelines et la
Seine-Saint-Denis, l'un des départements le plus touché par les départs en
Syrie. La procureur du TGI de Créteil, Nathalie Bécache, nous fait part de son
expérience depuis que le numéro vert et les premiers programmes de
déradicalisation ont été mis en place en 2013.
Le Figaro. - Par quels vecteurs le parquet de Créteil est-il
saisi des cas de radicalisation?
Nathalie Bécache. - L'essentiel des signalements de
personnes radicalisées transite par la plateforme du ministère de l'Intérieur.
L'Éducation nationale l'alimente également ainsi que les commissariats. Le
suivi des familles se décide au sein d'une cellule départementale coordonnée
par le préfet. Cette plateforme est une bonne chose dans le cas de familles
vertueuses, elle permet une analyse et une visibilité sans précédent du
phénomène. Mais nous savons que des familles entières sont radicalisées. Ces
dernières peuvent échapper à notre connaissance du phénomène faute de repérage.
Cette stratégie de signalement vous paraît-elle efficace?
Nous avons énormément progressé. Nous bénéficions d'une
meilleure connaissance des phénomènes de radicalisation. Mais c'est
insuffisant. Nous nous heurtons au cloisonnement entre les différentes entités
publiques. Quand se retrouvent autour de la table le préfet, le procureur, les
services de sécurité locaux, il est difficile de partager des secrets avec les
services de renseignements (DGSI ou renseignements territoriaux). Cela nous
coupe des connaissances concernant les territoires, les types de population
touchés et les modes opératoires. Nous sommes aussi confrontés à la gêne de
certains travailleurs sociaux du conseil départemental pour mettre en place des
structures contre la radicalisation. Certains éprouvent les plus grandes
réticences pour mener ce type d'action par méconnaissance souvent, mais aussi
pour des raisons idéologiques, de crainte de toucher à l'intimité religieuse
des familles.
Quels leviers vous permettent d'intervenir sur les majeurs?
Nous manquons d'outils sur le plan judiciaire pour
investiguer sur des personnes radicalisées. Parfois, une approche différente
peut s'avérer efficace grâce aux opérations menées par les comités
opérationnels départementaux antifraude. Grâce à ces procédures économiques,
nous avons pu enquêter sur des entités de restauration rapide et aussi sur les
conditions de l'emploi de personnes sur des sites sensibles.
Avez-vous plus de prise sur les populations mineures?
Depuis avril 2014, nous comptons environ 80 signalements
concernant des mineurs. Nous disposons de moyens beaucoup plus efficaces
puisque la justice a les moyens de mener des investigations sur le
fonctionnement familial jusqu'au placement des enfants considérés en danger
moral ou physique par exemple, et peut s'appuyer sur le savoir-faire des
cellules départementales de recueil des informations préoccupantes. Dans un
premier temps, nous avons tenté de travailler avec la protection judiciaire de
la jeunesse qui semblait à même de rassembler le plus d'éléments sur la
radicalisation d'un jeune dans l'urgence. Mais nous nous sommes heurtés à une
double difficulté: ces services se sont vite trouvés débordés. Il leur était
aussi difficile d'utiliser des moyens qui sont avant tout destinés aux jeunes
délinquants. Nous nous sommes donc tournés vers les services départementaux de
l'enfance en danger. Six interdictions de sortir de territoire ont été
prononcées et à notre connaissance une mineure serait partie sur zone.
Quel est votre retour d'expérience du travail effectué avec
les associations?
Nous nous heurtons aux manques de moyens. Il n'y a pas de
génération spontanée d'associations capables d'analyser le phénomène de
radicalisation et d'approcher les familles et les personnes concernées. Nous
sommes trop souvent dans une sorte d'amateurisme. Il faut construire un
savoir-faire en matière d'évaluation et de diagnostic. Et avoir une approche
pluridisciplinaire, associant des experts, des policiers, des professeurs, ou
encore des psychologues et des psychanalystes. Ici, nous travaillons avec une
seule association, la SOFI, spécialisée dans le désarroi familial face à
l'embrigadement sectaire. Cela a peu à voir avec la radicalisation violente
islamiste. S'il y a de la bonne volonté, il manque l'acuité nécessaire pour
comprendre et traiter les problématiques de départs, d'islam radical prôné,
pour définir les lieux où se propagent ces thèses ou encore pour acquérir la
connaissance très spécifique de l'embrigadement par Internet. Pour les mineurs,
nous avons un temps fait appel aux unités mobiles de Dounia Bouzar et je m'en
réjouissais. Mais elles ont vite été débordées par le nombre de cas et il était
difficile pour elles de répondre à une demande de cette ampleur.
Déradicalisation : la France au pied du mur (05.05.2016)
(photo) Un jeune homme visite un site de recrutement au djihad.
Par Christophe Cornevin et Paule Gonzalès
Mis à jour le 06/05/2016 à 08h00 | Publié le 05/05/2016 à 18h21
L'État veut professionnaliser le suivi des 13.000 personnes signalées comme islamistes radicaux.
Défriché par de rares pionniers il y a deux ans à peine, le champ du désembrigadement des personnes ayant basculé dans l'islamisme radical est désormais investi par un maquis de thérapeutes, de travailleurs sociaux et d'experts de tout acabit. «En 2014, il n'y avait guère qu'une paire de structures pour partir à l'aventure sur un terrain qui n'intéressait personne ou presque, rappelle le préfet Pierre N'Gahane, secrétaire général du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance (CIPD). Depuis les attentats de 2015, beaucoup d'acteurs s'y sont engagés dans une saine émulation et, parfois, pour des raisons d'opportunité.» Un document transmis cette semaine au ministère de l'Intérieur recense près de 75 structures reconnues et financées par l'État. Le montant global des subventions est passé de 500.000 à 6 millions d'euros entre 2014 et 2016, en augmentation de plus de 1 000 % ! Portant sur l'«accompagnement psychologique», l'«accompagnement éducatif et social des jeunes», le «soutien à la parentalité» ou encore l'«écoute et l'accompagnement des familles», elles sont animées par des associations, des mairies, des conseils départementaux, des antennes Pôle emploi, des centres hospitaliers ou encore psychiatriques.
Ce «marché» de la prise en charge des apprentis djihadistes et de leurs familles a explosé. Au risque que s'y engouffrent des charlatans et des structures qui s'entre-déchirent dans l'espoir de décrocher une partie de la manne étatique. «Le désendoctrinement risque de devenir un business, où tout le monde court après les subsides de l'État», redoute la sénatrice (EELV) Esther Benbassa qui mène avec sa collègue Catherine Troendlé (LR) une mission d'information sur les méthodes de «désendoctrinement, désembrigadement et de réinsertion» des anciens djihadistes ou candidats au djihad mises en œuvre en France et en Europe.
Dans le domaine, Paris a eu du retard à l'allumage. Dès juillet 2015, un rapport du groupe de diagnostic stratégique mené sous l'égide de l'Institut national des hautes études de la sécurité et de la justice (INHESJ) soulignait: «Bien que les départs en nombre vers les zones de combat irako-syriennes datent du milieu de l'année 2012, les pouvoirs publics français n'ont pris la mesure de l'ampleur de renouveau d'attrait pour le djihadisme qu'au printemps 2014, alors que nombre de nos partenaires européens, tels la Belgique, l'Allemagne, le Danemark ou le Royaume-Uni, étaient déjà dotés de politiques actives de prévention de la radicalisation.»
Désormais, tous les voyants sont au rouge avec plus de 13.000 individus radicalisés. Face à la déferlante, l'appareil d'État a formé quelque 12.000 policiers, gendarmes, agents préfectoraux et municipaux, enseignants, hauts cadres de la SNCF, de la RATP ou encore des Aéroports de Paris. «Désormais, il s'agit de professionnaliser avec de vrais psychologues, de vrais médiateurs et de vrais médiateurs sociaux», martèle le préfet N'Gahane qui ne cache pas sa «méfiance» face aux initiatives de certaines associations cultuelles musulmanes ou de quartiers qui tentent d'occuper le terrain sous prétexte qu'elles seraient «plus proches» des radicalisés. Conscient que «la bonne monnaie va chasser la mauvaise», le Centre interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) a lancé les grandes manœuvres. Partant du constat que «5 à 10 % des signalés présentent une pathologie psychiatrique» allant de la dépression à la schizophrénie en passant par la sociopathie de sujets décrits comme «border line», la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, présidée par Serge Blisko, a été mandatée pour réunir des collèges de psychologues, de psychothérapeutes et de psychiatres afin de plancher sur les questions de désembrigadement et forger enfin des outils de références dignes de ce nom mis à la disposition d'un réseau d'experts. L'État mise sur le déploiement de 300 à 400 «psys» spécialisés et labélisés d'ici à la fin de l'année. Reste à faire travailler ensemble des spécialistes qui avancent en ordre dispersé. Et à trouver des référents partout en France, sachant que le pays souffre de déserts psychiatriques notamment en zone rurale où, pourtant, pousse en germe le salafisme.
Dans le même esprit, les instances de coordinations fédérant quelque 13.000 travailleurs sociaux et éducateurs spécialisés ont été sollicitées pour réfléchir à la réinsertion de jeunes «sans père, ni repère». Là encore, l'objectif est de former 600 à 800 correspondants avant 2017. «Pour l'heure, la France n'a pas encore de doctrine stabilisée», reconnaît un préfet.
Rappelant que «la moitié des 2 000 Français concernés par les activités de Daech et d'al-Qaida ont fréquenté la barbarie, la décapitation, les violences extrêmes» et risquent de revenir «infiniment plus dangereux», Bernard Cazeneuve a considéré le 27 avril dernier, en clôture d'un colloque consacré à la prévention de la radicalisation, que «même si le ministère de l'Intérieur, doté de nombreux moyens administratifs, est en première ligne, les chercheurs, intellectuels, universitaires doivent nous aider à décloisonner nos méthodes de pensées».
Mardi dernier, devant l'Assemblée nationale, Manuel Valls a annoncé qu'il ferait «de nouvelles propositions pour faire en sorte que les dispositifs» de lutte contre la radicalisation de jeunes «soient encore plus efficaces». Sans fournir plus de précisions. D'ici à deux ans, une dizaine de centres de désendoctrinement gérés par l'État devrait ouvrir leurs portes pour accueillir les «velléitaires» qui seraient partis s'ils n'avaient pas été détectés à temps. Certains de ces sites accueillant des «volontaires» revenus de Syrie ou de Turquie feront cependant l'objet d'une surveillance renforcée.
Après plus de dix ans d'expérience sur le terrain et près de vingt ans de réflexion sur le sujet, Dounia Bouzar, et son association le Centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l'islam, est la seule à dresser un bilan annuel de son action menée auprès de 1 075 familles. Pour elle, une chose est sûre, «aucune démarche de désembrigadement ne peut se faire de manière frontale tant le jeune est convaincu de détenir la vérité par rapport aux autres endormis». Pour Dounia Bouzar, qui défend «l'utilité de recourir parfois à des systèmes comme les centres éducatifs fermés capables de créer de l'empathie et un cadre rassurant», la porte d'entrée est toujours «émotionnelle qui permet d'atténuer la paranoïa et faire réémerger l'humain». Actuellement, 1 679 jeunes signalés comme radicalisés et 782 familles sont pris en charge. Une cohorte appelée à enfler, à mesure que la gangrène radicale gagnera le pays.
Stage de plongée, cours le
boxe... Les étranges méthodes de déradicalisation (08.04.2016)
Intérieur de la prison de Fresnes
photographié en juin 2016, où ou plan de déradicalisation des prisons prévoyait
deux quartiers d'isolement pour détenus radicalisés.
Par Edouard de Mareschal
Mis à jour le 08/04/2016 à 23h22
| Publié le 08/04/2016 à 17h58
Une partie des fonds du plan de
lutte contre la radicalisation en prison a servi à financer des stages à
l'intitulé parfois déroutant pour les surveillants, qui doivent en assurer la
sécurité. La Cour des comptes préparerait un rapport.
La lutte contre la radicalisation en prison prend des tournures parfois étonnantes. Au lendemain des attentats de
janvier, 80 millions d'euros avaient été débloqués pour combler le manque de
personnel, d'infrastructures et d'activités dont souffre l'administration
pénitentiaire. La moitié de l'enveloppe a effectivement servi au recrutement
d'effectifs supplémentaires. Le reste a été investi dans le matériel, les
infrastructures... mais aussi dans des activités pour le moins contestables,
selon un syndicat de surveillants contacté par Le Figaro, confirmant une
information de RTL.
«On a vu des stages de plongée,
de catamaran, des balades en vélo...», énumère ce responsable syndical FO. «On
a vu partir des budgets colossaux pour les faire jouer au foot, en espérant
sûrement que 45 minutes de match leur fasse renoncer au djihad», ironise-t-il.
Un autre élu syndical confirme, et précise: «Les directions interrégionales ont
reçu de l'argent qu'il fallait dépenser rapidement. Ils ont donc multiplié les
propositions de projets, parfois sans lien avec la lutte contre la radicalisation. D'ailleurs, les détenus réellement visés ont systématiquement
refusé de participer...». Quand ils ne sont pas inutiles, certains projets
peuvent se révéler dangereux: «plusieurs prisons proposent des cours de boxe ou
des initiations aux sports de combat!»
Evasion lors d'une ballade à vélo
Dans un contexte de disette
budgétaire, où le garde des Sceaux Jean-Jacques Urvoas parle de justice «sinistrée», «en état d'urgence», ces dépenses passent mal. Surtout que
certaines activités présentent clairement des risques d'évasion, dénoncent les
syndicats. «A salon de Provence, nous avons récemment eu un détenu radicalisé
qui s'est échappé pendant une ballade à vélo», explique l'élu FO. «Dans ce type
d'activité, on n'a qu'un gardien pour dix détenus. Donc vous pensez bien que si
l'un d'entre eux fuit, on ne va pas quitter tous les autres pour lui courir
après...». En 2015, environ 300 évasions étaient liées aux activités
extérieures, assure-t-il.
Par ailleurs, le budget alloué
est aussi astronomique que l'intitulé des activités est flou. Florilège: En Loire-Atlantique,
un projet intitulé «lecture et citoyenneté» à la prison d'Orvault a été facturé
18.428 euros. A Brest, un «atelier de mobilisation citoyenne» a coûté 16.000
euros. A Caen, un projet baptisé «pallier à la sédentarité» aurait représenté 14.190
euros. «En réalité, ces sommes ne correspondent à rien», s'agace l'élu
syndical. «Dans plusieurs établissements, on s'aperçoit que ces ateliers
figurent bien sur la feuille de mouvement, mais soit l'intervenant n'est pas
là, soit il fait quelque chose de tout à fait différent avec les détenus...» En
réalité, cet argent sert à «reboucher une fuite, remplacer le filet de sécurité
de la cour de promenade... Voilà où passe l'argent dédié à la déradicalisation.
C'est dire dans quel état sont nos prisons.» La Cour des comptes préparerait un
rapport sur le sujet, ce qu'elle n'a pas souhaité confirmer au Figaro.
Le plan de déradicalisation
comporte un autre volet phare: la création de cinq quartiers d'isolement à
Fleury-Mérogis, Lille-Annoeullin, Osny et deux à Fresnes, réservés aux détenus
radicalisés. L'initiative est bien plus soutenue par les surveillants. Mais les
premiers retours d'expérience sont mitigés. «En réalité l'isolement n'est pas
total», regrette l'élu FO. «Les détenus se mélangent lors des promenades, et
peuvent parfois communiquer par fenêtres interposées. A l'heure actuelle, où
notre premier ministre dit que nous sommes en guerre contre le terrorisme, il
faudrait que ces gens-là soient réellement isolés. C'est une question de
sécurité.»
En Seine-Saint-Denis, la cellule de déradicalisation fermée (19.11.2015)
Commentaire : une très grande partie de ce qui est écrit ci-dessous est sujet à caution. Voir les articles suivants de 2016 et 2017.
Par Delphine de Mallevo
Publié le 19/11/2015 à 18h54
La structure qui « désendoctrinait » les candidats au djihad
de la région parisienne, créée en octobre 2014 et placée sous le contrôle de la
préfecture de police, n'est plus. Selon l'association, l'État n'a jamais versé
de quoi payer les salaires et les charges. Les autorités invoquent notamment
des problèmes administratifs.
Sa création, en octobre 2014, avait été annoncée à grands
coups de clairon médiatique, asseyant la volonté ferme du gouvernement de
prendre le terrorisme par les cornes. Cet été, seulement quelques mois après
les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, la «cellule de
déradicalisation» djihadiste, un des volets du plan anti-Daech, a fait pschitt.
Placée sous le contrôle de la préfecture de police de Paris,
en charge d'appliquer pour la région parisienne le plan antidjihad concocté par
le ministre de l'Intérieur, cette structure de désendoctrinement était la
première du genre en France. Elle a même eu valeur d'exemple pour d'autres
pays. Comme la Belgique, où s'est montée une structure identique après la
rencontre, le 24 février dernier à la préfecture de police de Paris, d'une
délégation de parlementaires belges avec la responsable de la cellule, Sonia
Imloul. Son association, la Maison de la prévention et de la famille (MPF), a
été désignée et subventionnée pour gérer cette plateforme inédite. Au
programme : l'accompagnement de familles victimes de la radicalisation
religieuse mais aussi des personnes signalées pour entamer un «processus de
désendoctrinement».
En huit mois, une trentaine de familles accompagnées, un
djihadiste interpellé
Dans un appartement dont l'adresse en Seine-Saint-Denis
était tenue secrète, une équipe composée d'éducateurs, de psychiatres, de
médiateurs, d'imams et de victimologues, œuvraient à cette action de prévention
«de terrain». En coopération avec les forces de l'ordre et les services de
renseignement. Une cellule expérimentale qui donnait satisfaction au ministère
de l'Intérieur, à en juger par différents documents que s'est procurés Le
Figaro et par la visite de la cellule par Bernard Cazeneuve, fin décembre 2014,
qui consolidait l'avenir du projet. En huit mois, selon les fiches de suivi
consultées, une trentaine de familles ont été accompagnées, des départs en
Syrie empêchés, des renseignements précieux recueillis grâce à la proximité
avec les familles, et même un djihadiste interpellé dans des conditions
hautement rocambolesques.
Pourquoi l'expérience a-t-elle alors avorté ? Le financement
de la cellule par l'État n'a jamais été versé à l'association chargée de son
fonctionnement. «La subvention 2015 dont l'attribution m'avait été notifiée en
début d'année n'a pas été versée à ce jour, écrit Sonia Imloul, la présidente
de l'association, au préfet de police et au ministère de l'Intérieur dans un
courrier daté du 17 juillet dernier. Ce retard, que je ne m'explique pas au vu
du travail et des rapports d'activité fournis (…) me met dans une situation
délicate vis-à-vis de mon équipe (…) C'est en raison de ces engagements non
tenus que je me vois dans l'obligation de mettre fin ce jour à mon action dans
le cadre de ce programme expérimental de “déradicalisation”, alors même que la
méthode originale employée a fait ses preuves en termes d'accompagnement humain
et de qualité du renseignement.» Le 4 août, le préfet de police «prend acte de
l'arrêt de (sa) participation à cette action».
Les quatre employés n'ont jamais pu être payés
En réalité, seuls 35.000 euros ont été payés en tout et pour
tout, à la création de la cellule, en octobre 2014. Mais rien des 90.000 euros
alloués pour l'année 2015 n'a été versé. Or avec un loyer de 23.500 euros
annuel payable en une fois en octobre 2014, la caution et les frais
incontournables de fonctionnement, le budget 2014 ne pouvait déjà suffire à
payer les premiers salaires. Les quatre employés n'ont ainsi jamais pu être
payés, tous les autres intervenants ponctuels partiellement défrayés. Dès
novembre 2014, la MPF s'émeut de la situation. En janvier 2015, Julien Revial,
un des membres de la cellule, écrit au préfet de police pour dénoncer les
délais d'obtention des subventions qui remettent en cause la poursuite de
l'activité. «Nous estimons que nous ne sommes pas une “simple” association devant
se confronter à une procédure classique pour obtenir les moyens de fonctionner
convenablement, dit la lettre. Comment faire accepter l'idée à nos
psychologues, éducateurs… de patienter jusqu'en juillet 2015 pour être
rémunéré ? Qui accepterait de travailler dans de pareilles conditions ?»
Vers une procédure judiciaire
Au fil des mois suivants, l'association multiplie les
courriers aux autorités, tout en continuant à faire fonctionner à plein
l'activité de la cellule: les services de police tout comme le numéro vert
«antidjihad» lui envoient de nombreuses «fiches» et signalements. En avril
2015, la préfecture de police de Paris envoie à l'association une notification
de paiement. 30.000 euros seront bientôt versés, deux autres créances du même
montant suivront. À la date où nous paraissons, ils ne l'ont toujours pas été.
«Faute de voie amiable», une procédure doit voir le jour «devant le tribunal
administratif de Paris», pour qu'injonction soit faite à l'État de payer,
indique Me Jessica Fargeon, avocate de l'association.
Les autorités font valoir, elles, que l'association «n'a pas
fourni tous les papiers» nécessaires au versement. «Parfaitement mensonger!,
affirme Me Fargeon, tous les éléments ont été donnés.» Il est notamment
question d'«un RIB», détaille dans un courrier du 30 juin dernier Patrice
Latron, directeur du cabinet du préfet de police, et de «fiches de paye de
[ses] salariés». «Ça ne manque pas d'ironie, comment y en aurait-il puisqu'ils
ne nous ont jamais payés et qu'ils le savent très bien?», s'indigne un membre
de l'équipe. En outre, écrit Patrice Latron, «il a été porté à mon attention
les critiques du personnel de l'association au sujet de l'accompagnement des
familles et de la gestion financière de la Maison de la prévention et de la
famille». Sonia Imloul exulte: «Pour tuer son chien, on dit qu'il a la rage. La
vérité, c'est que l'État n'a jamais eu l'intention de créer un véritable
dispositif de lutte contre la radicalisation, que c'est un écran de fumée, un
coup de com', une illusion à but politique voulant frapper les esprits mais pas les
terroristes.» Cette femme de droite, issue de l'immigration et des «quartiers»,
est investie depuis de longues années auprès de plusieurs ministères et élus
dans la politique de la Ville, de la famille et de la délinquance. «Depuis
toutes ces années sur le terrain, à voir son traitement de la délinquance et du
terrorisme, j'ai désormais une certitude : la gauche ne fait rien et ne veut
rien faire.» L'annonce faite jeudi, par Manuel Valls, d'une nouvelle structure
pour les jeunes radicalisés, montre que le gouvernement recherche toujours une
solution idoine.
Manuel Valls veut généraliser l'isolement des détenus
islamistes radicaux en prison (12.01.2015)
Manuel Valls dans la cour de l'Élysée, jeudi 8 janvier 2015.
Actualité Politique
Par Anne Rovan
Mis à jour le 12/01/2015 à 13h47 | Publié le 12/01/2015 à
10h24
VIDÉOS - Le chef du gouvernement souhaite également
«améliorer» le système d'écoutes administratives et judiciaires afin de le
rendre «plus performant».
Après l'émotion et le recueillement, les décisions. Le
gouvernement annoncera dans les prochains jours les premières mesures destinées
à mieux lutter contre le terrorisme. Manuel Valls, qui était lundi matin
l'invité de RMC et BFMTV, a indiqué qu'il s'exprimera mardi après-midi à
l'Assemblée nationale sur ce sujet, avant le débat sur l'intervention de la
France en Irak.
Il a d'ores et déjà donné quelques pistes lundi matin. Le
chef du gouvernement souhaite «généraliser l'isolement en prison des détenus
islamistes radicaux». «On sépare ces détenus du reste» des autres détenus en
prison. «Il faut, a-t-il poursuivi, généraliser» cette mesure mais «avec
discernement et intelligence».
Le premier ministre propose également d'«améliorer» le
système d'écoutes administratives et judiciaires afin de le rendre «plus
performant». «Il faudra donner le plus vite possible encore davantage de moyens
(aux) services. Il y a sans doute des problèmes juridiques pour effectivement
améliorer encore la possibilité des systèmes d'interception, parce qu'entre les
écoutes administratives et judiciaires, on peut encore être plus performant»,
a-t-il dit.
Des mesures attendues à l'école
Le gouvernement compte par ailleurs prendre des mesures à
l'école où, la semaine dernière, les minutes de silence ont parfois été perturbées par certains élèves. «Dans mon pays, je ne veux pas que l'on puisse
dire que l'ennemi, quand un élève répond à une question d'un enseignant, c'est
le Juif. Je ne veux pas qu'il y ait des jeunes qui fassent le V de la victoire
après ce qui s'est passé. Je ne veux pas qu'il y ait des jeunes qui se
reconnaissent dans ces terroristes barbares qui ont assassiné des journalistes,
des policiers, des juifs français parce qu'ils étaient juifs», a insisté Valls
ajoutant son souci d'«aller plus loin pour lutter contre l'antisémitisme, le
racisme, l'apologie de l'extermination des Juifs». Avec la ministre de
l'Éducation, Najat Vallaud-Belkacem, il rencontrera mardi les recteurs.
Ces mesures sont à l'ordre du jour de la réunion qui se
tient ce lundi matin à l'Élysée autour du président de la République. Et Manuel
Valls aimerait qu'il y ait, sur ces mesures, «concorde» entre la majorité et
l'opposition. L'exécutif pourrait-il s'inspirer, comme l'ont demandé dimanche
plusieurs membres de l'opposition, du Patriot Act mis en oeuvre après les
attentats du 11 septembre 2001? Le premier ministre n'y est pas favorable. «Si
c'est cela qui doit nous amener à ce qui s'est passé quelques années après en
Irak, je pense qu'il faut y réfléchir», a réagit Valls. «Attention à toutes ces
mesures d'exception», a-t-il mis en garde.
Plus immédiatement, et alors que le risque d'attentat reste
très important en France, le premier ministre a annoncé une augmentation sans
précédent des moyens en hommes dans le cadre du plan Vigipirate relevé la
semaine dernière au niveau «alerte attentat». Ainsi, ce sont au total 8500
militaires - un chiffre revu quelques heures plus tard à 10.000 par le ministre
de la Défense - qui seront déployés en France dans les prochains jours. «Un
niveau jamais atteint», selon le premier ministre. «Il y avait à peu près un
millier de soldats dans le cadre du plan Vigipirate, nous en avons déployé 2000
supplémentaires et dans les jours qui viennent, nous allons en déployer 6000 en
plus de l'engagement des forces de l'ordre, policiers et gendarmes, puisque
4100 gendarmes mobiles et CRS sont déjà déployés», a détaillé le premier
ministre. Ces effectifs permettront de renforcer la sécurité des «synagogues»,
«écoles confessionnelles juives» mais aussi des «mosquées» parce que, a rappelé
le premier ministre, il y a eu «ces derniers jours un certain nombre d'attaques contre les mosquées».
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