«L'automobiliste et l'usager du bus parisiens vivent un enfer à cause d'Anne Hidalgo» (12.07.2017)
«L'automobiliste et l'usager du bus parisiens vivent un
enfer à cause d'Anne Hidalgo» (12.07.2017)
Un embouteillage sur l'avenue des Champs-Élysées.
Par Serge Federbusch
Publié le 12/07/2017 à 16h31
TRIBUNE - Pour l'essayiste Serge Federbusch, les décisions
de la maire de Paris transforment en calvaire la vie quotidienne des Parisiens
et des banlieusards qui se déplacent en voiture, en taxi ou en bus dans la
capitale.
Il est de millénaire observation que plus un dogme échoue,
plus il se raidit. Si le réel se rebiffe, le dogmatique accuse ses adversaires
et persiste, toujours plus loin, toujours plus fort, comme si l'absurdité était
devenue discipline olympique.
Tel est le cas de la politique de circulation de la Ville de
Paris, qui plonge peu à peu la cité dans l'embolie et la menace d'apoplexie.
Les premiers à se plaindre furent les commerçants, entravés
dans leurs livraisons. Puisque souvent ils n'habitent pas Paris et n'y votent
pas, ils furent considérés comme quantité négligeable. Vinrent ensuite tous
ceux pour qui la ville est un cadre de travail, le lieu de leurs activités
productives et non pas le fantasme hédoniste d'une vie rêvée de bobo.
Quelle est l'origine du mal? Il nous faudra être un peu
technique. C'est un antidote nécessaire face à une politique de pure
communication qui verse souvent dans la propagande et la manipulation des
chiffres.
Paris et sa région sont structurés depuis des siècles selon
une logique radioconcentrique qui fait converger leurs forces vives de la
périphérie vers le centre. C'est d'ailleurs pour cela que Paris a échappé au
destin de nombreuses métropoles dont le cœur historique s'est nécrosé, soit
qu'il ait concentré des populations marginales, soit qu'il se soit transformé
en musée sans habitants.
Négligeant cette logique et cet héritage, la mairie entama
en 2001, dès l'élection de Bertrand Delanoë, un rétrécissement des chaussées
(boulevards Magenta, Saint-Marcel, Montparnasse, rue de Rivoli, etc.) au nom
d'une prétendue priorité aux bus et aux vélos. Il en fut bientôt de même des
boulevards des maréchaux, sacrifiés au prétendu renouveau du tramway. Puis
cette politique fut mise en œuvre dans un nombre croissant de voies. Les
grandes places distributives de la circulation, comme celle de la République,
ont été retraitées en dalles pour rollers et rassemblements politico-festifs.
Les quais de Seine, essentiels à la traversée Ouest-Est, ont
enfin été interdits en grande partie à la circulation, le dernier tronçon
menacé étant celui qui va de Boulogne au pont de Bir-Hakeim.
Le résultat, en termes de congestion, est catastrophique.
Depuis des années, tous les usagers des transports individuels ou des bus
constatent qu'ils passent un temps croissant dans les embouteillages. Malgré
toutes les astuces de présentation et les chiffres que la mairie fait concocter
par ses propres services, les audits indépendants comme ceux de la région
Île-de-France, l'index de congestion calculé tous les ans par la société de GPS
Tom-Tom ou l'indice Inrix, élaboré par une organisation internationale pour le
monde entier, démontrent une dégradation sensible de la circulation à Paris.
Sur une seule année, entre 2015 et 2016, l'Inrix a calculé que Paris est passé
de la 15e à la 10e place parmi les près de 2000 métropoles étudiées en termes
de temps gaspillé dans la congestion du trafic (Le lecteur est invité à se
reporter au site inrix.com, rubrique «scorecard», pour plus de détails). Et
c'était avant la fermeture de la voie Pompidou!
Selon Tom-Tom, 155 heures cumulées sont perdues par
automobiliste et par an contre 117 à Marseille, deuxième victime selon ce
critère, car la circulation parisienne est difficile à toute heure de la
journée et pas seulement aux seules périodes de pointe du matin et du soir,
comme c'est le cas dans la Cité phocéenne à qui Paris dispute le titre peu
envié de ville la plus embouteillée de France.
Plus d'encombrement produit plus de rejets toxiques.
Le seul résultat dont la maire se vante est celui de la
baisse de la circulation automobile, véritable trompe-l'œil car le trafic a
basculé vers les deux-roues motorisés et aussi et surtout parce que cette
réduction, calculée sur le nombre de véhicules passant sur un kilomètre de
voirie en une heure, intègre précisément la congestion! C'est tirer parti de sa
propre turpitude, comme disent les juristes.
N'allez pas non plus tenter de trouver une raison d'être
satisfaits sur le terrain de la pollution. Les seuls progrès réels sont dus aux
nouvelles motorisations et aux nouveaux carburants. Plus d'encombrement produit
plus de rejets toxiques, qui l'eût cru?
Si l'on examine les principaux dossiers un à un, comme celui
du tramway des maréchaux ou celui des voies sur berge, l'échec de la mairie est
patent. Le tramway n'est pas plus rapide que l'ex-bus PC ni ne transporte
beaucoup plus de voyageurs. Il est plus confortable, voilà tout. Mais cela pour
un coût total qui dépasse déjà allègrement les 3 milliards d'euros. Quant à la
voie Pompidou, aucune des craintes qui avaient conduit la commission d'enquête
publique à émettre un avis défavorable au projet, cas quasi unique dans
l'histoire du droit de l'urbanisme, n'a été levée. L'embouteillage se répand
comme une infection dans les nervures du système sanguin.
Mais alors, quels sont les vrais motifs d'Hidalgo, en cela
digne successeur de Delanoë?
Il y a d'abord la com, la com, la com, véritable idole du
politicien, qui se prosterne face à ses scintillements. La lutte contre
l'affreuse bagnole est un identifiant, une bannière commune derrière laquelle
on peut rassembler socialistes, communistes et écologistes, qui ont si peu en
commun par ailleurs, si ce n'est la ferme intention de se partager le plus
longtemps possible le magot parisien.
Et puis les instituts d'études d'opinion et les résultats
électoraux ont montré à ces braves gens que leur clientèle les suit sur cette
voie. L'idéal-type du Parisien selon Hidalgo vit dans une HLM, n'a pas de
voiture et vote pour elle. Un vrai parangon de bien-pensance contemporaine qui
ne s'intéresse qu'aux discours et aux intentions, jamais aux résultats et aux
réalités, surtout quand elles frappent d'autres que lui. Très peu de crédits seront
donc alloués au métro: il ne se voit pas, se prête difficilement à la
communication et est principalement utilisé par les banlieusards. Pourtant,
dans cette fameuse ville radioconcentrique, c'est de loin le mode de transport
en commun le plus massif et pertinent.
Enfin, malgré ces échecs persistants, nonobstant cette
montagne d'argent et d'énergie gaspillés depuis seize ans, on voit désormais
Hidalgo engagée dans une véritable fuite en avant. Qu'importe si les résultats
font défaut. Il faut aller toujours plus loin, s'obstiner dans l'erreur.
Qu'importe aussi si les principales innovations techniques et
organisationnelles de ces vingt dernières années, Uber, l'autopartage, la
propulsion électrique et bientôt la pile à combustible, bénéficient au premier chef
au transport individuel. Comme souvent, le modèle théorique d'une société
administrée par des bureaucrates a été pris à contre-pied par des innovations
qu'ils n'ont pas anticipées.
La lutte contre la voiture menée par Hidalgo et Delanoë est
donc l'histoire d'un fiasco que seuls l'égoïsme de ses quelques bénéficiaires
et la complaisance d'une partie des médias ont pu prolonger. Les autres auront
encore beaucoup de temps pour le méditer, engoncés dans les embouteillages que
connaît du reste Hidalgo de temps à autre. Il est vrai qu'elle dispose d'un
chauffeur et d'un véhicule de fonction pour accepter plus facilement son sort.
Serge Federbusch est animateur du site d'information
Delanopolis et président du parti des Libertés. Dernier ouvrage paru: Nous, fossoyeurs.
Le vrai bilan d'un fatal quinquennat (Plon, 2017, 264 p., 15,90 €).
Cet article est publié dans l'édition du Figaro du
13/07/2017. Accédez à sa version PDF en cliquant ici
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