Turquie : Merkel n'exclut pas des sanctions (21.08.2017)
Le bras de fer se durcit entre Berlin et Ankara (26.07.2017)
La brouille entre Berlin et Ankara est sévère (21.07.2017)
Voir aussi :
Turquie : Merkel n'exclut pas des sanctions
(21.08.2017)
Par Nicolas
Barotte
Mis à jour le 21/08/2017 à 19h14 | Publié le 21/08/2017 à 19h04
Prête à durcir le ton contre le régime d'Erdogan, la
chancelière allemande s'est réjouie de la libération de l'écrivain germano-turc
Dogan Akhanli, arrêté en Espagne sur demande du gouvernement d'Ankara.
L'avocat de Dogan Akhanli a rendu hommage à Angela Merkel.
La chancelière a immédiatement «pris une position claire», s'est réjoui Ilias
Uyar lundi. Deux jours auparavant, son client, écrivain allemand d'origine
turc, opposant au régime de Recep Tayyip Erdogan, avait été interpellé en
Espagne à la demande du gouvernement d'Ankara, déclenchant la colère de Berlin.
Puis il avait été relâché aussitôt. «On ne doit pas abuser d'organisations
internationales comme Interpol», a regretté Angela Merkel dimanche soir en
tançant Ankara.
En campagne électorale, la chancelière est prête à durcir sa
ligne politique contre la Turquie. Elle envisage des sanctions. «Nous devons
toujours nous en réserver la possibilité», a-t-elle expliqué en soulignant que
Berlin avait déjà «sévèrement réagi». L'affaire Akhanli «n'est malheureusement
qu'une parmi d'autres», a-t-elle déploré.
Frapper au portefeuille
Jusqu'à présent, Recep Tayyip Erdogan a toutefois semblé
insensible aux avertissements de Berlin. Ce week-end, il a exhorté les Turcs
vivants en Allemagne à ne voter ni pour Angela Merkel le 24 septembre ni
pour son adversaire du SPD, Martin Schulz. Samedi, le chef de l'État turc a
aussi sermonné le ministre des Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, en lui
demandant de «surveiller ses limites». «Qui êtes-vous pour parler avec le
président de la Turquie?», a-t-il lancé comme s'il parlait à un domestique.
Les importations allemandes dans la péninsule s'élevaient
à 22 milliards d'euros en 2016 et les exportations vers l'Allemagne à
15 milliards d'euros
Depuis plusieurs semaines, et notamment le
retrait des troupes allemandes de la base d'Incirlik, Berlin a décidé de
riposter aux provocations
de Recep Tayyip Erdogan en frappant au portefeuille. L'Allemagne
entend rappeler à la Turquie qu'elle est son principal partenaire commercial et
mérite quelques égards. Les importations allemandes dans la péninsule
s'élevaient à 22 milliards d'euros en 2016 et les exportations vers
l'Allemagne à 15 milliards d'euros.
Fin juillet, le ministère des Affaires étrangères allemand a
adressé une mise en garde «à tous les ressortissants» allemands désireux de
voyager en Turquie. La destination touristique était prisée avant la tentative
de putsch du 15 juillet 2016. Il a aussi «déconseillé» aux entreprises
d'investir dans la péninsule. Du côté de la Chambre de commerce, le message a
été entendu. On note une retenue des entrepreneurs, qui «retardent leurs
investissements» potentiels. Environ 7000 entreprises allemandes sont
installées sur le territoire turc.
Au sein de la CDU, le président du groupe au Bundestag,
Volker Kauder, plaide pour «augmenter la pression». Le gouvernement dispose
d'instruments: supprimer les garanties offertes aux investisseurs ou encore
freiner le versement d'aides. Les négociations entre l'UE et la Turquie pour
élargir les accords douaniers à l'agriculture ou aux services sont ainsi
suspendues.
Les négociations d'adhésion à l'UE au point mort
Angela
Merkel n'a pas indiqué jusqu'où elle pourrait aller pour faire pression sur
Ankara. Elle ne s'est pas prononcée sur la fin des négociations d'adhésion
à l'Union européenne, l'arme ultime, comme le réclame la CSU, l'allié bavarois
de la CDU. Bien qu'elle soit opposée à une adhésion, la chancelière ne veut pas
être celle qui ferme définitivement la porte.
Elle n'est pas la seule à rester prudente. Le SPD, tout en
haussant aussi le ton contre Erdogan, ne veut pas non plus franchir ce cap.
«Les responsables de l'éloignement de la Turquie de l'Europe se trouvent à
Ankara. Erdogan doit être celui qui referme les discussions», a déclaré lundi
le député Niels Annen, responsable des questions internationales au SPD.
Personne ne veut non plus toucher à l'accord
sur les réfugiés conclu en mars 2016. Trois milliards d'euros avaient
alors été accordés à la Turquie pour financer des projets d'aide aux réfugiés.
Trois milliards d'euros supplémentaires pourront être versés à partir de
l'année prochaine. En échange, la Turquie a fermé la route des migrants.
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Le bras de fer se durcit entre
Berlin et Ankara (26.07.2017)
Par Nathalie
Steiwer
Mis à jour le 26/07/2017 à 18h30 | Publié le 26/07/2017 à 18h25
VIDÉO - Malgré les menaces de
sanctions économiques brandies par l'Allemagne, la Turquie ne bouge pas d'un
iota.
À Berlin
Rien ne semble préfigurer un
apaisement des relations entre l'Allemagne et la Turquie, au contraire. Mardi
encore, le président Recep Tayyip Erdogan a accusé Berlin d'envoyer des espions
«s'ébattre dans ses hôtels et diviser le pays», lors d'une réunion de son parti
l'AKP, à Ankara. Une pierre de plus dans
la série d'échanges musclés entre les deux capitales. «Les tensions
étaient dans l'air depuis la répression du coup d'État raté en Turquie en
juillet 2016», constate Kristian Brakel, spécialiste du Proche-Orient au DGAP,
l'un des principaux instituts allemands de recherche sur les relations
extérieures.
Elles sont montées d'un cran avec
le référendum constitutionnel turc. Recep Tayyip Erdogan avait alors
qualifié de «méthode nazie» l'interdiction de réunions politiques turques en Allemagne. Il avait
interdit dans la foulée la visite de parlementaires allemands sur
les bases de l'Otan en Turquie. Peu après, les Allemands découvraient avec
consternation que des imams proches de l'AKP étaient chargés d'espionner les
Turcs d'Allemagne.
L'arrestation, la semaine
dernière, d'un militant allemand des droits de l'homme, Peter Steudtner, a été
la goutte qui a fait déborder le vase. Désormais, neuf ressortissants allemands
sont emprisonnés en Turquie, dont le journaliste du quotidien Die Welt Deniz Yücel,
détenu depuis février.
Mesures économiques
Il n'est pas exclu que la Turquie
ait voulu faire de ses prisonniers allemands une «monnaie d'échange» pour
négocier l'extradition des opposants turcs réfugiés en Allemagne depuis l'échec
du coup d'État, estime Kristian Brakel. Face à une telle manœuvre, «l'Allemagne
a sans doute voulu réagir immédiatement». «Notre patience a des limites», a
tonné Sigmar Gabriel, le ministre allemand des Affaires étrangères, vendredi
devant la presse. L'Allemagne
ne peut plus accepter la situation, «c'est une question d'amour-propre», a
renchéri le président allemand, Frank-Walter Steinmeier, sur la chaîne publique
ZDF dimanche.
Sigmar Gabriel a annoncé une série
de mesures économiques que le pays serait prêt à prendre devant l'aggravation
de la situation, dont la suspension du système de garantie pour les entreprises
allemandes en Turquie et le gel des aides.
Le ministre a également prévenu
les touristes allemands du «risque» qu'ils prennent en partant en Turquie.
L'alerte n'est pas bénigne : les Allemands y représentent 15 % du tourisme.
Déjà, 85 % d'entre eux n'envisagent plus d'y passer leurs vacances,
indique un sondage YouGov diffusé mercredi.
Lettre ouverte aux trois
millions de Turcs d'Allemagne
Le président turc, Recep Tayyip
Erdogan, a pourtant balayé la menace en sommant l'Allemagne de ne «pas se mêler
des affaires intérieures». Son ministre des Affaires étrangères, Mevlüt
Çavuşoğlu, a remis de l'huile sur le feu à l'issue de la rencontre entre
l'Union européenne et la Turquie mardi à Bruxelles. «Personne ne peut nier que
la Turquie est une démocratie», a-t-il commenté en jetant la pierre aux «faux
journalistes» qui soutiennent «des organisations terroristes comme le PKK».
À Bruxelles, la réplique
européenne reste très mesurée. «La Turquie reste un pays candidat à l'adhésion
à l'Union européenne» et «le dialogue doit continuer», a expliqué la
représentante de l'Union européenne pour les relations extérieures, Federica
Mogherini.
«La Turquie reste un pays
candidat à l'adhésion à l'Union européenne et le dialogue doit continuer»
Federica Mogherini, représentante
de l'Union européenne pour les relations extérieures
Malgré ses protestations
rhétoriques, le gouvernement allemand reste lui aussi modéré. Mais les
«avertissements» allemands ne sont pas pris à la légère par Ankara, dont Berlin
est le premier partenaire commercial. Quelque 6000 entreprises allemandes sont
présentes en Turquie, indique Volker Treier, président de la Chambre de
commerce et d'industrie allemande. Elles ne se retirent pas encore du pays,
«mais elles n'augmentent pas non plus leurs investissements», précise-t-il.
L'Allemagne peut aussi difficilement claquer la porte d'un pays où travaillent
beaucoup des sous-traitants de son industrie automobile.
De son côté, «la Turquie n'a pas
beaucoup de marge de manœuvre parce qu'elle n'a pas de marché alternatif dans
la région», remarque Kristian Brakel du DGAP. L'Allemagne est son premier
exportateur et deuxième importateur.
Pour Berlin, il s'agit aussi
d'une affaire intérieure : plus de 3 millions de Turcs vivent sur son sol.
Sigmar Gabriel leur a adressé dimanche une «lettre ouverte» pour tenter de
calmer le jeu et faire la distinction entre le gouvernement Erdogan et son
peuple. Selon le sondage YouGov diffusé mercredi, huit Allemands sur dix
souhaitent que le gouvernement garde une «attitude ferme» à l'égard d'Ankara.
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La brouille entre Berlin et Ankara est sévère (21.07.2017)
Par Delphine
Minoui
Mis à jour le 21/07/2017 à 19h39 | Publié le 21/07/2017 à 19h02
VIDÉO - Le ministre allemand des
Affaires étrangères, Sigmar Gabriel, a estimé que les violations des droits de
l'homme en Turquie «ne peuvent rester sans conséquences».
L'Allemagne perd patience. Excédée par la détention prolongée d'un de ses ressortissants, un militant
des droits de l'homme, arrêté près d'Istanbul au début du mois de juillet, elle
envisage une «réorientation» complète de sa politique à l'égard de la Turquie.
«Nous devons être plus clair que jusqu'à présent», en disant que les violations
des droits de l'homme «ne peuvent rester sans conséquences», a souligné le chef
de la diplomatie, Sigmar Gabriel. «Ces derniers temps, un certain nombre
d'Allemands se sont vus priver de liberté pour des raisons ou pour une durée
qui ne sont pas compréhensibles», a-t-il ajouté, alors que neuf citoyens
allemands, dont certains ont la double nationalité, sont actuellement détenus
dans le pays, au motif qu'ils soutiennent le «terrorisme». Le ministre allemand
des Finances, Wolfgang Schäuble, est allé plus loin : «La
Turquie procède désormais à des arrestations arbitraires et ne respecte plus
les règles consulaires élémentaires. Cela me rappelle la façon dont les choses
se passaient en RDA.»
Neuf citoyens allemands, dont
certains ont la double nationalité, sont actuellement détenus en Turquie, au
motif qu'ils soutiennent le « terrorisme »
Cette
réorientation allemande inclut un réexamen des crédits, garanties ou
aides financières de Berlin aux exportations et investissements d'entreprises
allemandes en Turquie. «Il n'est plus possible de recommander des
investissements dans un pays» qui ne respecte pas l'État de droit, a précisé M.
Gabriel, qui envisage aussi d'évoquer la question avec ses partenaires
européens. Vendredi, Berlin a ainsi annoncé un réexamen de ses livraisons
d'armements prévues à Ankara, et des chaînes de télévision ont stoppé la
diffusion de publicités sur ce pays.
Mais Ankara ne veut rien
entendre. «Les déclarations allemandes sont inacceptables», déclare le ministre
turc des Affaires étrangères dans un communiqué. Pour lui, «elles sont une
interférence directe dans la justice turque qui dépasse les limites».
«Ils ne peuvent pas nous faire
peur avec ces menaces», a renchéri vendredi le président Erdogan, dont le pays
a fourni à Berlin une liste de plus de 680 entreprises allemandes accusées de
soutenir le terrorisme. Selon le quotidien Die Zeit cette
liste comprend de grands groupes comme Daimler ou BASF AG.
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