Attentat de Nice : Lahouaiej Bouhlel a-t-il pratiqué la
taqiya, «l'art» de la dissimulation ? (22.07.2016)
Le camion utilisé par Mohamed Lahouaiej Bouhlel.
Par Anne Jouan
Mis à jour le 22/07/2016 à 20h10 | Publié le 22/07/2016 à
19h56
VIDÉO - La taqiya est enseignée dans les camps d'al-Qaida.
Elle permet aux terroristes d'enfreindre les règles de l'islam pour mieux se
fondre dans la population et ainsi cacher le plus longtemps possible leurs
projets criminels.
Une semaine après la tuerie de Nice qui a vu mourir 84
spectateurs lors de la fête nationale, l'enquête progresse. Jeudi soir, le
procureur de la République de Paris, François Molins, a expliqué que Mohamed
Lahouaiej Bouhlel, le tueur de Nice, se préparait en réalité depuis des mois.
Les 400 enquêteurs mobilisés ont découvert «des clichés révélateurs» dans son
téléphone, notamment des feux d'artifice du 14 juillet et du 15 août 2015 à
Nice ou d'un article de Nice-Matin du 1er janvier 2016 intitulé «Il fonce
volontairement sur la terrasse d'un restaurant». Deux jours après l'attentat,
Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur, avait estimé que la
radicalisation du tueur avait été très rapide.
«Jusqu'à présent, je n'ai jamais vu de cas de radicalisation
express. Chez les enfants et les adolescents, oui, mais pas chez les adultes,
explique Farhad Khosrokhavar, directeur d'études à l'EHESS. On ne peut parler
de radicalisation que s'il y a une composante idéologique. Seule, l'action
violente ne suffit pas. Dans le cas de Nice, il s'agit plutôt pour moi, d'un
désespoir à la glorification de soi, couplée à une très forte perturbation
psychique».
Romain Caillet, spécialiste du djihadisme estime pour sa part que
dans ce milieu, tout est possible. Et de rappeler qu'il y a, notamment dans le
djihad médiéval des exemples de convertis express, des hommes partis se battre
sur un coup de tête.
L'intérêt du jeune homme pour l'islam radical, pour
«certain» qu'il soit, selon François Molins, semble «récent». Depuis huit
jours, selon des témoignages recueillis pendant l'enquête, il s'était notamment
laissé pousser la barbe, l'expliquant par une «signification religieuse» et
évoquant l'État islamique, toujours selon le magistrat parisien.
Aurait-il pratiqué la taqiya, cet «art» de la dissimulation
de la foi? Cette méthode, enseignée dans les camps d'al-Qaida à partir du
milieu des années 1990, permet aux terroristes d'enfreindre les règles de
l'islam pour mieux se fondre dans la population et ainsi cacher le plus
longtemps possible leurs projets criminels. Or jusqu'à récemment, Lahouaiej
Bouhlel ne faisait pas le ramadan, buvait de l'alcool et prenait de la drogue.
«Les attaques de janvier et novembre 2015 à Paris ont été perpétrées par des
jeunes gens qui revenaient de Syrie, souligne Romain Caillet. L'État islamique
les avait formés et ils s'étaient entraînés sur place, pour Nice, rien de tel.»
Selon lui, Daech a peut-être inspiré Mohamed Lahouaiej Bouhlel, mais le fait que
l'organisation ait mis deux jours pour revendiquer l'attentat de Nice témoigne
«du temps qu'il leur a fallu pour identifier des gens de son entourage et dont
Daech pouvait se revendiquer».
«S'il n'y avait pas eu Daech, Lahouaiej Bouhlel aurait
trouvé autre chose. Le sentiment de toute-puissance est l'orgasme terroriste,
car il s'agit d'être à la fois le représentant et le bourreau de Dieu»,
explique Farhad Khosrokhavar, qui pense que le tueur de Nice faisait très
certainement preuve d'un «sentiment de décolonisation mal dégrossi».
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