Les communes à la peine face à la radicalisation islamiste (10.04.2017)
Radicalisation : une note décrit l'infiltration des salafistes dans les quartiers (07.04.2017)
Les communes à la
peine face à la radicalisation islamiste (10.04.2017)
Par Paule
Gonzalès
Mis à jour le 10/04/2017 à 21h59 | Publié le 10/04/2017 à 17h51
VIDÉO - Les collectivités locales, bien placées pour repérer
les dérives, devraient faire plus de prévention, selon un rapport rédigé par
les sénateurs Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas.
Il y a urgence. Un
nouveau rapport sénatorial sur «Les collectivités locales et la
prévention de la radicalisation», proposé dans le cadre de la délégation
sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, est sans
appel: la France est face à une situation sociétale grave, celle d'une
radicalisation islamiste devant laquelle les acteurs publics sont
démunis. Le texte tire la sonnette d'alarme et incite plus que jamais
l'État à mieux ordonner ses partenariats avec les collectivités locales pour
faire face à ce phénomène.
Le rapport rédigé par Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas,
respectivement sénateurs UDI du Haut-Rhin et socialiste du Val-de-Marne, pointe
du doigt l'erreur des élus comme de l'État d'avoir pensé «les courants les plus
fondamentalistes comme peu agressifs», à commencer par les salafistes. Au point
que «leur présence a pu rassurer certains élus dans la mesure où ils pouvaient
sembler participer du contrôle social de certains quartiers». Or «le poids des
réseaux amicaux, sportifs ou associatifs dans la constitution de communautés
salafistes radicalisées» serait «bien plus important que celui des convictions
idéologiques».
«Les collectivités locales sont les premières,
confrontées aux difficultés liées au communautarisme ainsi qu'aux risques de
radicalisation»
Extrait du rapport
Les collectivités locales sont ainsi les têtes de pont de la
prévention contre la radicalisation. Elles sont en effet «le premier échelon de
proximité des institutions, et le premier lieu d'accès aux valeurs
républicaines. Ce sont elles qui, les premières, sont confrontées aux
difficultés liées au communautarisme ainsi qu'aux risques de radicalisation. Le
premier engendre une multiplicité de demandes qui peuvent paraître bénignes
prises isolément, mais qui, considérées dans leur ensemble, font système et
vont à l'encontre des principes qui régissent notre société. Le second peut
déboucher sur une violence qui va directement à l'encontre de tout ce que
représente les collectivités en termes de vie sociale et de communauté citoyenne».
En ligne de mire, donc, la détection des signaux faibles que «les instruments
juridiques de la répression pénale», notamment, «n'offrent pas la possibilité
de saisir et de prendre en compte».
Accès aux fichiers
«71% des élus locaux interrogés affirment manquer
d'information sur les risques induits par la radicalisation sur leur
territoire»
Extrait du rapport
Les auteurs proposent «une prévention primaire», celle du
contrôle des embauches, des partenariats associatifs et des subventions. Mais
aussi «une prévention secondaire» en lien avec l'aide à l'enfance et «les
services académiques», afin de détecter «la déscolarisation des enfants et,
concomitamment, l'ouverture et le fonctionnement des écoles hors contrat». Ainsi
se repose la question de l'accès aux fichiers par les élus locaux. «71 %
de ceux interrogés affirment manquer d'information sur les risques induits par
la radicalisation sur leur territoire». Le rapport insiste sur la nécessité
«d'engager une réflexion sur la constitution d'un fichier spécialisé destiné à
permettre aux présidents d'exécutifs locaux de disposer des informations
nominatives nécessaires», «d'une structure d'échanges sur l'identification des
individus radicalisés».
Par ailleurs, les auteurs font clairement le lien entre
bandes délinquantes et dérives radicales. «Les dérives de comportements à
repérer et à traiter dans le cadre de la prévention de la radicalisation sont,
dans une large mesure, équivalentes aux classiques problèmes d'incivilité»,
affirment-ils. Et d'inciter à calquer le modèle de la prévention de la
radicalisation sur celui de prévention de la délinquance. Cela suppose une plus
grande articulation avec l'État régalien. Il est donc proposé de créer des
postes de référents «en lien avec les responsables de la prévention de la
délinquance et avec [ceux] des services de l'État». Enfin, pour faire gagner du
temps aux collectivités encore démunies de programme de prévention, il est
préconisé «de mettre en place un protocole d'évaluation de certaines
initiatives locales».
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Radicalisation : une note décrit l'infiltration des salafistes dans les quartiers (07.04.2017)
Mis à jour le 07/04/2017 à 14h15 | Publié le 06/04/2017 à 19h13
La Direction centrale de la sécurité publique alerte sur «le développement de l'emprise religieuse dans les quartiers».
«Régulièrement sont rapportées des pressions exercées dans les quartiers sur des résidents par des salafistes.» Une note de la Direction centrale de la sécurité publique (DSCP), dontLe Figaroa eu connaissance, alerte sur «le développement de l'emprise religieuse dans les quartiers». Ce document daté de la fin de l'année 2016 porte sur «l'ambiance dans les quartiers sensibles (hors Paris et petite couronne)».
Ses rédacteurs pointent les «méthodes utilisées, par les salafistes notamment», évoquant «de véritables stratégies locales». Et la police de souligner les «pressions exercées sur les familles et notamment les femmes», mais aussi «le contrôle de l'offre commerciale en passant par la “conquête” des instances de représentation des quartiers».
«Les commerces sont rachetés un à un, et une ambiance délétère s'installe, qui pousse les riverains à partir et à céder leurs biens, rachetés à vil prix. C'est un vrai système qui s'est mis en place»
Daniel Dugléry, maire LR de Montluçon
Autre mise en garde: «Dans le cadre du dispositif de prévention de la radicalisation, plusieurs personnes suivies par le service ont décidé de quitter leur logement pour s'installer dans les quartiers sensibles, “pour y vivre leur religion en toute tranquillité”», révèlent les analystes de la DCSP. L'opacité de certains quartiers offre ainsi la meilleure des protections contre le regard inquisiteur de l'État.
Ce n'est plus seulement une affaire de mosquées. En France, le ministère de l'Intérieur a décidé depuis longtemps de resserrer le contrôle sur la centaine de lieux de culte susceptibles d'être perméables aux thèses rigoristes de cet «islam des origines». Ils représentent environ 5 % des 2.500 lieux de prière répertoriés dans l'Hexagone. Pour une mouvance de purs et durs estimée entre 20.000 et 40.000 croyants.
Mais ces dernières années, le salafisme s'est insinué dans la vie économique et sociale des quartiers, avec une incroyable vivacité. Même dans une ville paisible comme Montluçon (Allier), on évoque un «climat changeant». «Je ne sais pas si c'est du salafisme, mais je constate depuis peu que le communautarisme gagne du terrain en ville. Les commerces sont rachetés un à un, et une ambiance délétère s'installe, qui pousse les riverains à partir et à céder leurs biens, rachetés à vil prix. C'est un vrai système qui s'est mis en place», déplore le maire LR de la ville, Daniel Dugléry.
À Aulnay-sous-Bois, par exemple, un « fiché S » a récemment réussi à se faire élire président de l'association des locataires de sa cité
La «conquête» des instances de quartier par les salafistes évoquerait presque, quant à elle, les techniques d'entrisme de la gauche révolutionnaire. À Aulnay-sous-Bois, par exemple, un «fiché S» - individu faisant l'objet d'une mise en attention des services de renseignements - a récemment réussi à se faire élire président de l'association des locataires de sa cité.
«Il a fait un superbe lobbying et personne ne se doutait de rien. Alors qu'il est parti en Syrie et qu'il s'est illustré à plusieurs reprises dans des faits de violence qui lui ont valu un contrôle judiciaire qu'il n'a même pas respecté», confie un officier de police. Le fonctionnaire l'assure: «Il y a d'autres cas, notamment dans la ville de Saint-Denis.» On comprend mieux l'enjeu pour les élus d'obtenir un minimum d'informations de l'État sur les «fichés S» dans leur commune…
«Les policiers sont dépassés, car ils ne vivent plus dans les quartiers et ne savent plus bien ce qui s'y passe. Le salafisme gagne du terrain»
François Pupponi, député maire socialiste de Sarcelles
Le député maire socialiste de Sarcelles, François Pupponi, confirme ces évolutions «insidieuses». Au-delà d'une offensive en cours pour la prise contrôle de la troisième mosquée historique de sa ville, les salafistes infiltrent, selon lui, les milieux culturels. «Il y a quatre mois à peine, ils ont essayé de prendre le pouvoir à la MJC de Sarcelles!», assure l'édile.
Il décrit ainsi un jeu de provocations et de séductions de «diverses personnes, qui, sous couvert d'associations de soutien scolaire, ont profité d'une assemblée générale pour improviser un vote bidon et déclarer le lendemain même à la préfecture qu'ils étaient les nouveaux patrons!»
Pour François Pupponi, la situation est sans doute «plus grave» que ce que décrivent les rapports de police. Et pour cause, selon lui: «Les policiers sont dépassés, car ils ne vivent plus dans les quartiers et ne savent plus bien ce qui s'y passe.» Leur conclusion, en tout cas, rejoint celle des élus concernés: «Le salafisme gagne du terrain.»
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