Les prisons pour mineurs saturées (10.07.2017)
Quatre détenus islamistes d'Osny préparaient une nouvelle agression (22.09.2016)
L'Administration pénitentiaire face à la poudrière islamiste (08.09.2016)
Regroupement des détenus islamistes : la contrôleure des prisons dit non (30.06.2015)
Prison : des doutes sur l'efficacité des quartiers pour islamistes (19.03.2015)
Charles Pasqua propose de recréer les travaux forcés pour les islamistes (08.03.2015)
Radicalisation en prison : un plan fourre-tout (18.02.2015)
Prisons : le regroupement des islamistes en question (14.01.2015)
Isolement des djihadistes : l'expérience de Fresnes peine à convaincre (14.01.2015)
La prison de Fresnes teste le regroupement des islamistes radicaux (13.11.2014)
Vers des micros dans les prisons françaises ? (22.10.2014)
Un rapport explosif sur l'islam radical dans les prisons françaises (23.10.2014)
Les deux visages de la radicalisation islamiste en France (16.06.2014)
Le plan Taubira pour réformer les prisons (07.05.2014)
Des armes retrouvées dans la prison d'Alençon (14.08.2017)
Mis à jour le 14/08/2017 à 19:38
Des armes artisanales, un téléphone portable, des produits
stupéfiants et du matériel informatique ont été retrouvés samedi dans une salle
commune de la prison d'Alençon-Condé-sur-Sarthe, spécialisée dans les détenus
difficiles, selon une source syndicale.
Les surveillants ont découvert près d'une vingtaine de pics
artisanaux, vraisemblablement fabriqués à partir de grilles de four, lors de la
fouille d'une pièce de 20m2, "salle de convivialité", faisant office
de buanderie et de cuisine pour une dizaine de détenus. Elle a été
immédiatement placée sous scellés avant d'être rouverte ce matin. "Comment
peut-on autoriser la réouverture de cette salle sans même conduire des
entretiens avec les détenus de l'aile (concernée de la prison), sans enquête
préalable, sans chercher à mettre en sécurité les surveillants qui travaillent
au quotidien au contact de ces armes ?", s'interroge dans un communiqué le
syndicat FO, qui demande à la direction une fouille complète du bâtiment.
Il souhaiterait aussi une révision de l'article 57 de la loi
pénitentiaire, qui permettrait de rétablir les fouilles systématiques à la
sortie des parloirs. Un délégué syndical confie son "ras-le-bol"
après cette saisie de "matériel destiné à faire couler le sang. Tout le
personnel est épuisé, nous nous rendons au travail la peur au ventre. Nous
n'hébergeons pas des enfants de choeur".
Le Conseil d’Etat refuse d’agir face à la surpopulation carcérale de la prison de Fresnes (28.07.2017)
Le Monde.fr avec
AFP | 28.07.2017 à 18h02
C’est l’une des prisons les plus
difficiles de France. Estimant que le juge administratif ne peut remédier aux
violations des droits des détenus que par des mesures d’urgence, le Conseil
d’Etat a néanmoins refusé, vendredi 28 juillet, d’ordonner un vaste plan contre
l’insalubrité et la surpopulation carcérale à la prison de Fresnes (Val-de-Marne).
Environ 2 500 détenus y sont
incarcérés. Outre les rats et les punaises de lit qui infestent
l’établissement, la surpopulation de la maison d’arrêt des hommes y dépasse 200
%. Plus de la moitié des détenus sont enfermés à trois dans une cellule de 10 m
2.
Lire aussi : A la prison de Fresnes, alerte sur le «
traitement inhumain » et « dégradant » des détenus
La situation, déjà dénoncée par
des rapports officiels, avait poussé l’Observatoire international des prisons
(OIP) à réclamer un « plan d’urgence » pour rénover l’établissement vétuste et
baisser le nombre de détenus.
L’association avait obtenu en
avril que le tribunal administratif de Melun (Seine-et-Marne) ordonne en
urgence la dératisation et la désinsectisation de la prison sous trois mois.
Elle réclamait aussi une vaste rénovation de la maison d’arrêt, et des moyens
supplémentaires pour les services judiciaire et pénitentiaire afin de réduire
la population carcérale, mais avait été déboutée sur ces points.
Lire aussi : Prison de Fresnes : l’Etat assigné en
justice
Le rôle du juge administratif
limité aux mesures d’urgence
Saisi du dossier, le Conseil
d’Etat a confirmé ce rejet en appel. Les conditions de détention à Fresnes «
sont de nature à porter atteinte à la vie privée des détenus et de les exposer
à des traitements inhumains et dégradants », a reconnu la juridiction
administrative suprême, dans un communiqué expliquant sa décision.
Mais l’atteinte aux libertés
fondamentales « doit s’apprécier en tenant compte des moyens de l’autorité
administrative compétente et des mesures (...) déjà prises », estime le Conseil
d’Etat.
Dans le cas de Fresnes, « aucune
atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ne peut
être retenue » selon lui : l’administration pénitentiaire reste dépendante de
l’autorité judiciaire qui détermine l’afflux de détenus. Et la lutte contre les
nuisibles est déjà en cours.
Le Conseil d’Etat a également
insisté sur le rôle du juge administratif, limité aux mesures d’urgence comme
celles ordonnées à Melun. Les travaux et les moyens réclamés par l’OIP « sont
des mesures d’ordre structurel, insusceptibles d’être mises en œuvre et d’avoir
des effets à bref délai », estime-t-il.
Lire aussi :
Avec 160 millions d’euros d’économies, la potion est amère pour une
justice en difficulté
« L’Etat refuse d’intervenir »
Cette décision est « contraire à
la jurisprudence européenne, qui considère que l’Etat ne peut pas se retrancher
derrière des arguments financiers ou procéduraux pour refuser d’intervenir face
à une violation des droits fondamentaux », a réagi Nicolas Ferran, responsable
juridique de l’OIP.
L’association soutient de
nombreux recours de détenus devant la Cour européenne des droits de l’homme
(CEDH), qui dénoncent leurs conditions de détention dans plusieurs prisons
françaises. Elle espère pousser la CEDH à prendre un arrêt-pilote contre la
France, qui la forcerait à agir contre sa surpopulation carcérale.
Le cas de Fresnes montre que « le
juge administratif s’estime impuissant, c’est désormais à la Cour européenne
des droits de l’homme (CEDH) de trancher », a conclu M. Ferran.
En savoir plus sur
http://www.lemonde.fr/police-justice/article/2017/07/28/le-conseil-d-etat-refuse-d-agir-face-a-la-surpopulation-carcerale-de-la-prison-de-fresnes_5166260_1653578.html
Les prisons pour mineurs saturées (10.07.2017)
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 10/07/2017 à 18h32 | Publié le 10/07/2017 à
18h28
Avec 851 jeunes incarcérés, le seuil est au plus haut depuis
quinze ans.
Un record qui inquiète. Le nombre de mineurs dans les
établissements pénitentiaires et les quartiers qui leur sont réservés explosent
et, pour certains d'entre eux, ont passé le cap de la surpopulation carcérale.
Au 1er juin dernier, 851 mineurs étaient incarcérés en France. «Un seuil qui
n'avait plus été atteint depuis quinze ans, avec une hausse de 16,2 % depuis
octobre 2016», notent la FSU-PJJ, la CGT-PJJ et le syndicat de la magistrature,
dans un communiqué.
Selon les statistiques de l'administration pénitentiaire,
plusieurs établissements présentent un taux d'occupation égal ou supérieur à
100 %, comme les établissements de Quiévrechain, dans la région de Lille, de
Baie-Mahault en Guadeloupe, ou de Nanterre, en Île-de-France. À Porcheville -
dont les personnels avaient déjà manifesté en mars dernier pour attirer
l'attention -, il a même fallu sacrifier aux matelas par terre pour accueillir
ces mineurs. Selon les syndicats, les cellules ont également été doublées à
Marseille.
Or, affirme François Lavergne de la CGT-PJJ, «dès que vous passez le
seuil de 50 % d'occupation, la situation devient explosive dans ces
établissements ou quartiers pour mineurs. Car des places sont toujours
sanctuarisées pour accueillir les nouveaux arrivants ou isoler les mineurs qui
ont des problèmes avec les groupes. Un taux d'occupation maximum veut dire que
tout le volet activités ou scolaire est menacé car les détenus sont trop
nombreux pour être suivis». «Ce suivi est encore plus compliqué par le fait
qu'il existe une majorité de détention préventive, peu propice à la mise en
place de dispositifs au long cours», insiste de son côté Anaïs Vrain, du
Syndicat de la magistrature.
Les raisons de cette surpopulation carcérale trouvent leur
source dans la sévérité accrue des peines infligées, mais aussi dans le
renforcement des lois pénales depuis les attentats de 2015.
«Les juges sont moins enclins à remettre les jeunes dans
leur milieu naturel pour tenter une réinsertion et préfèrent les laisser en
détention»
Sonia Ollivier de la FSU-PJJ
En moins de trois ans, pas moins de huit lois pénales ont
été votées qui touchent aussi les mineurs et renforcent l'arsenal et l'échelle
des peines. «À délits comparables, comme le trafic de stupéfiants, les juges
vont souvent relâcher les majeurs et incarcérer les mineurs. Vingt grammes de
cannabis ne sonnent pas de la même manière pour l'un ou pour l'autre, souligne
Sonia Ollivier de la FSU-PJJ. À cela s'ajoute une politique plus sécuritaire
pour des mineurs. Les mandats de dépôt sont plus longs que par le passé.
Limités à 15 jours, il n'est pas rare qu'ils s'étendent à trois mois désormais.
On note une escalade des peines plutôt qu'une graduation, et une révocation
plus systématique, par exemple, des sursis avec mise à l'épreuve.» Des délais
qui concernent tout de même des délits dont la peine encourue est égale ou
supérieure à sept ans. «Les juges sont moins enclins à remettre les jeunes dans
leur milieu naturel pour tenter une réinsertion et préfèrent les laisser en
détention.»
Le volet de lutte contre le terrorisme joue également, même
si aujourd'hui le nombre de mineurs incarcérés à ce titre n'est pas supérieur à
la dizaine.
Le cas des mineurs isolés est aussi à retenir. Selon les syndicats,
«le défèrement de ces derniers représente au TGI de Paris 40 % des défèrements
de mineurs».
Enfin, de l'avis général, cette détention croissante des mineurs
est aussi liée à la diminution des structures de placement. «25% auraient été
supprimées en cinq ans au profit de la création de places dans les
établissements pénitentiaires pour mineurs et dans les centres éducatifs
fermés, soit un tiers supplémentaire de jeunes enfermés par rapport à 2011»,
conclut Sonia Ollivier.
La rédaction vous conseille :
Comment sont enfermés les criminels mineurs
http://lefigaro.fr/actualite-france/2016/09/05/01016-20160905ARTFIG00216-enquete-du-parquet-antiterroriste-apres-l-agression-de-deux-surveillants-de-prison.php
Quatre détenus islamistes d'Osny préparaient une nouvelle
agression (22.09.2016)
En faisant leur inspection, deux gardiens ont entendu les
détenus évoquer leur plan d'attaque (illustration).
Actualité France
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 22/09/2016 à 12h20 | Publié le 19/09/2016 à
14h48
INFO LE FIGARO - À peine deux semaines après l'agression de
deux surveillants, quatre détenus de l'unité de déradicalisation de la prison
du Val-d'Oise ont été transférés après «des menaces».
De justesse. Sans la vigilance des surveillants lors de leur
ronde de nuit, vendredi, le scénario qui a conduit à l'agression sauvage de deux personnels il y a quinze jours dans l'unité de déradicalisation de la
prison d'Osny, aurait pu se reproduire ce week-end. C'est en faisant en effet
leur inspection que deux gardiens ont entendu quatre détenus évoquer leur plan
d'attaque. Ces quatre mandats de dépôts terroristes - des retours de Syrie et
des individus en lien avec l'Etat islamique - «discutaient entre eux de la
manière de dévisser les tiges d'aluminium entourant les bouches d'aération de
leurs cellules», apprend-on parmi les personnels de l'établissement
pénitentiaire.
Le lendemain matin, au cours d'une fouille de cellule, deux
tiges dévissées ont bien été retrouvées dans deux cellules. «Ils n'avaient pas
eu encore le temps de les aiguiser. Mais c'est exactement le même mode
opératoire qu'il y a deux semaines. Y compris dans le choix de la date du
week-end, car les effectifs sont toujours un peu moins nombreux. Cela tend bien
à prouver que la première agression n'était pas un acte isolé, mais bien
concerté entre les détenus de cette Unité dédiée».
De quoi remettre en question l'évaluation des détenus
incarcérés dans l'unité dédiée d'Osny. Selon les évaluations, doivent y être
envoyés des individus ayant la meilleure chance d'être déradicalisés. Autrement
dit, les moins dangereux. Sur un effectif de 18 il y a encore quinze jours,
neuf d'entre eux auraient donc quitté Osny pour être dispersés vers d'autres
établissements.
Durant le week-end dernier, les quatre détenus impliqués
dans cette nouvelle tentative d'attentat en détention ont été transférés dans
différents quartiers d'isolement de région parisienne . «Aujourd'hui, fait
remarquer Samuel Déhont, représentant de FO Pénitentiaire Paris, il n'y a plus
une seule place disponible en quartier d'isolement ou disciplinaire dans les établissements
franciliens. Nous avons d'autres détenus très dangereux qui mériteraient d'y
être pour la sécurité de nos établissements», continue-t-il, alors que le
blocage de la prison d'Osny par les personnels se poursuivait toujours à la
mi-journée. Le directeur de cabinet du ministre de la justice s'est déplacé
pour rencontrer les personnels ce matin, en promettant des annonces du Garde
des sceaux, mardi matin.
Depuis plusieurs semaines, les personnels d'Osny vivent dans
un climat d'insécurité permanent. Outre l'agression des deux surveillants, un
surveillant, menacé puis coursé à proximité de son domicile, a dû déménager
avec sa famille précipitamment et sous escorte. «Enfin dans l'unité dédiée, les
appareils de musculation ont été fixés au sol. Et les miroirs ont été
supprimés», souligne le représentant syndical. Lors de la précédente agression,
à l'issue des fouilles, il avait été retrouvé des bris de miroir destinés à
servir d'arme.
«Une nouvelle population pénale»
Plus globalement, c'est la prise en charge de ces individus
en lien avec le terrorisme qui pose problème.
Ainsi, les quatre mineurs
interpellés la semaine dernière seraient actuellement en détention à
l'établissement pour mineurs de Porcheville qui accueille une cinquantaine de
jeunes délinquants. Une mixité qui, aux yeux de nombre de professionnels, pose
question.
Il en est de même en ce qui concerne la détention des femmes en lien
avec le terrorisme. La plupart sont incarcérées en détention classique au
quartier femmes de Fleury-Merogis, sans pouvoir être isolées du reste de la
détention. «Même si c'est compliqué en termes de transfert pour les auditions
avec les magistrats, il va falloir désengorger la région parisienne qui a du
mal à faire face à l'afflux de cette nouvelle population pénale. Il faut un
vrai effort national de la part des autres établissement», conclut le
représentant de FO Pénitentiaire.
La rédaction vous conseille :
L'Administration pénitentiaire face à la poudrière islamiste (08.09.2016)
La maisons d'arrêt des hommes, à Fleury-Mérogis.
Actualité France
Par Paule Gonzalès et Caroline Piquet
Mis à jour le 08/09/2016 à 19h12 | Publié le 08/09/2016 à
19h02
L'attaque dimanche de deux surveillants par un détenu placé
dans l'unité de prévention de la radicalisation de la prison d'Osny révèle les
errements de la stratégie actuelle.
«Nos ministres répètent que nous sommes en guerre contre
l'islamisme, mais si l'on connaissait avec quelle mollesse l'Administration
pénitentiaire la mène, tout le monde serait atterré.» Ce surveillant de prison
de la région Rhône-Alpes s'inquiète. Il y a quelques jours, son établissement a
reçu de région parisienne un prévenu pour terrorisme particulièrement signalé.
«Nous l'avons tout de suite mis à l'isolement. Mais ce n'est pas le cas
partout. Et de toute façon, les quartiers d'isolement ne sont jamais complètement
étanches.» Un autre détenu a été également transféré de la région parisienne
vers la région lyonnaise. Par hélicoptère cette fois-ci, du fait de sa
dangerosité. Une débauche de luxe bien inutile: à son arrivée, la direction de
la prison n'a rien trouvé de mieux que de l'affecter en détention classique.
«Autant dire qu'avec ce traitement VIP, il va briller parmi les autres
détenus», souligne ce personnel pénitentiaire. «La population pénitentiaire du
Rhône se caractérise par son extrême violence. Il y a un terreau favorable ici
pour les gros bonnets de l'islamisme qui mis sous les feux des projecteurs
peuvent avoir de l'influence et faire leur marché. Il ne faut pas oublier que
Khaled Kelkal vient d'ici.»
Les états-majors sont sur les dents après la «détection de
signes inquiétants»
Des propos qui résument les deux plus grosses inquiétudes du
milieu pénitentiaire. À commencer par les menaces récurrentes d'agression de
personnel sur fond de menace terroriste comme l'attaque de deux surveillants
par un détenu placé dans l'unité de prévention de la radicalisation de la
maison d'arrêt d'Osny vient de le révéler . «Tous les matins, j'ai connaissance
d'une dizaine d'agressions de personnels partout en France. Une majorité sont
en lien avec le phénomène de radicalisation», souligne Philippe Campagne,
représentant de FO-pénitentiaire. Des établissements comme Toulouse, Béziers,
Nîmes, Rennes ou Strasbourg sont aux premières loges d'un risque qui n'a cessé
de s'aggraver depuis que l'assassin du couple de policiers de Magnanville en
juin dernier a appelé à «planter» les surveillants de prison. Et que dire de la
région parisienne. Au moins deux de ses grandes maisons d'arrêt sont
concernées. Les états-majors sont sur les dents après la «détection de signes
inquiétants». Si un premier drame a éclaté à Osny, c'est en détention classique
que prospère la radicalisation violente. «Soit par l'instrumentalisation de
détenus qui deviennent les otages des prévenus pour terrorisme qui ne sont pas
isolés. Soit parce qu'ils sont désormais suffisamment nombreux pour se
restructurer en réseau», souligne ce bon connaisseur du dossier.
Cet été, à Fleury-Mérogis, alors que les deux unités dédiées
à la prévention de la radicalisation comptaient 16 individus, ce sont plus
d'une centaine d'islamistes qui évoluaient en détention classique. D'où la
décision d'en transférer un peu moins d'une dizaine dans des établissements aux
quatre coins de la France. Mais cette poudrière née de cette porosité entre les
populations radicalisées et la délinquance classique prend également ses
racines au sein des unités dédiées. «Il ne faut pas croire qu'elles soient
étanches du reste de la détention», peste Jean-François Forget, le secrétaire
général du principal syndicat qui, après Osny, a fini par obtenir d'être reçu
par la Chancellerie… dans les prochains jours. «Il y a des activités communes
avec les autres détenus, c'est aussi le cas des cours de promenades».
Matériels téléphoniques ou clés USB, lors des fouilles
À Fleury, les deux unités dédiées sont un petit quartier
situé dans une aile de bâtiment. «Autant dire que les conversations de cellule
à cellule et les yoyos (système d'échange d'objets, NDLR) n'ont de cesse». À
Fresnes comme à Osny ou Fleury, les fouilles de cellules livrent leurs lots de
matériels téléphoniques ou de clés USB. Pour l'Ufap-Unsa comme pour
FO-pénitentiaire «il est urgent d'isoler complètement les radicalisées. Mieux
vaut un établissement entièrement dédié à ces prévenus. C'est mieux que de
vivre sous la menace latente de cette gangrène». Et tous de citer l'exemple de
la Grande-Bretagne qui constatant l'échec de la déradicalisation version douce
réfléchirait à la création d'établissements spécialisés.
Certaines organisations syndicales commencent à lever un
voile pudique sur plusieurs cas de radicalisation au sein des personnels
«Les unités dédiées sont de vrais capharnaüms, dénonce ce
syndicaliste. Non seulement, il n'y a aucune classification des différents
profils islamistes par degré de dangerosité, mais certaines d'entre elles
mélangent allègrement prévenus et condamnés pour terrorisme. Ce qui est
parfaitement interdit par la loi.» Pire, à Osny, pour cause de surpopulation
carcérale, il serait même arrivé que de nouveaux arrivants aient été
momentanément hébergés au sein de ces unités dédiées. Ce phénomène de gangrène
ne touche d'ailleurs pas seulement les détenus. Certaines organisations
syndicales commencent à lever un voile pudique sur plusieurs cas de
radicalisation au sein des personnels. «Nous travaillons sur de l'humain.
Comment imaginer que ce qui se passe à l'extérieur n'advienne pas en interne»,
plaide-t-on. Au lendemain des attentats de janvier 2015, pressé par l'urgence
et de mauvaise grâce, la Chancellerie avait concédé la création de quartiers
dédiés à Fresnes pour isoler les détenus radicaux. Elle avait alors imposé
plusieurs assouplissements à «un schéma qui aurait dû être fondé sur
l'isolement», affirme-t-on à FO-pénitentiaire. Il en est de même des activités
mises en place et qui relèvent pour beaucoup, des programmes de resocialisation
classiques - sports de combat, thérapie animalière. Aujourd'hui, les personnels
pénitentiaires attendent de leur tutelle une réflexion plus tournée vers
l'action que l'analyse philosophique…
Des détenus soupçonnés d'avoir commandité l'assassinat d'un
surveillant
Après l'agression à la prison d'Osny, où un détenu a
violemment blessé deux surveillants, une autre affaire secoue la maison d'arrêt
de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault). Deux détenus, dont un fiché S pour
radicalisation, auraient eu pour projet d'assassiner un surveillant, selon
plusieurs sources pénitentiaires. Ils ont été mis en examen mercredi pour
«instigation à commettre un assassinat non suivie d'effet» et placés en
détention provisoire. Une infraction passible de dix ans de prison et de 150
000 euros d'amende. Les deux détenus, qui contestent les faits, sont soupçonnés
d'avoir proposé à un autre prisonnier d'attaquer un surveillant à l'arme
blanche en échange de plusieurs milliers d'euros et de stupéfiants. C'est ce
détenu qui aurait finalement alerté l'administration pénitentiaire il y a
quelques jours. Dans la foulée, une enquête confiée à la SRPJ de Montpellier a
été ouverte. Un téléphone a été retrouvé dans la cellule d'un des deux mis en
cause. La piste terroriste n'a pas été retenue. «Aucun élément objectif, à
l'issue de l'enquête, n'a permis de montrer qu'il s'agissait d'un projet
terroriste», a commenté le parquet de Montpellier. Les deux mis en examen, âgés
de 32 ans, avaient déjà été condamnés pour des faits de violences. Le détenu
fiché S, incarcéré depuis plusieurs mois, «était quelqu'un de discret, correct
avec le personnel et qui n'avait jamais fait parler de lui», commente une
source pénitentiaire. Selon nos informations, l'un d'eux était sur le point de
sortir de prison.
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Surveillants agressés: Bilal T., du djihad raté à la prison
d'Osny
Surveillants agressés : Bilal T., du djihad raté à la prison
d'Osny (08.09.2016)
http://lefigaro.fr/actualite-france/2016/09/07/01016-20160907ARTFIG00226-surveillants-agresses-bilal-t-du-djihad-rate-a-la-prison-d-osny.php
Le procès de Bilal T. s'est tenu en février dernier. Il a
été condamné à cinq ans de prison ferme.
Par Caroline Piquet
Mis à jour le 08/09/2016 à 10h25 | Publié le 07/09/2016 à
16h32
VIDÉO - Dimanche, au moment de son départ en promenade,
l'agresseur présumé, détenu dans l'unité de prévention de la radicalisation,
avait blessé deux surveillants avec un couteau artisanal.
Bilal T., qui a blessé dimanche deux surveillants à laprison d'Osny dans le Val-d'Oise, était toujours entendu par les enquêteurs ce
mercredi. Depuis ce week-end, le profil de cet homme se dessine peu à peu. Des
sources judiciaires le décrivent comme «manipulateur» et «menteur». Car Bilal
T. est bien connu de la justice. En mars 2016, il avait été condamné à cinq ans
de prison pour avoir voulu rejoindre la Syrie.
Originaire de Trappes, le jeune homme de 24 ans a commencé à
se radicaliser au cours de l'été 2014, selon Le Monde. Titulaire d'un CAP de
cuisinier, Bilal T. avait vu ses deux frères partir avant lui en Syrie. Début
2015, il croise deux autres jeunes qui souhaitent rallier les terres du djihad.
Tous trois décident de partir ensemble. Bilal T. embarque sa compagne et son
enfant âgé de deux mois, d'après l'Express. Leur départ est fixé le 17 janvier
2015, dix jours après les attentats de Charlie Hebdo . À bord d'un Renault
Scénic, ils traversent l'Europe. Dans leurs bagages, ils ont pris soin de
glisser de faux cartons d'invitation à un mariage en Turquie, persuadés que
cette technique leur permettra de passer les frontières sans encombre. Mais
leur périple s'arrête net le 21 janvier 2015 en Turquie, lorsque la voiture
fait plusieurs tonneaux, à 400 kilomètres de la frontière syrienne. Ils sont
hospitalisés, puis placés en centre de rétention avant d'être renvoyés vers la
France, en mars 2015.
«Heureusement qu'il y a eu l'accident»
En février 2016, tous les quatre comparaissent devant la 16e
chambre correctionnelle de Paris. À la barre, la compagne de Bilal T., qui
n'est autre que la nièce d'Ahmed Laidouni, un vétéran du djihad, raconte leur
rencontre en 2013, leur mariage religieux, leur fils. Elle éprouve des remords:
«Comment j'ai pu être assez bête pour vouloir partir là-bas?», lance la jeune
femme de 22 ans. «Quelque part, heureusement qu'il y a eu l'accident». Ses
propos sont rapportés par Le Monde, qui a assisté à l'audience. Devant les
juges, Bilal T. nie avoir voulu rejoindre l'Etat islamique. La mort, en
novembre 2014, d'un de ses deux frères en Syrie, l'en aurait dissuadé. Il
explique au contraire qu'il a voulu partir pour convaincre son autre frère, Abdelhafid,
de rentrer en France. Dans ce cas, pourquoi partir avec femme et enfant ? «C'est
difficile à croire, je comprends bien», répond-il.
Le président du tribunal l'interroge aussi sur son avenir. À
cette question, Bilal T. répond laconiquement: «Je ne sais pas». «Vous
envisagez de quitter à nouveau la France ?», avait insisté le président. «Non»,
avait assuré le jeune père de famille, selon L'Express. Les juges suivent les réquisitions du parquet et le condamnent à cinq ans de prison, pour association
de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes. Incarcéré à la maison
d'arrêt de Bois-d'Arcy dans les Yvelines, il sera finalement transféré à la
maison d'arrêt d'Osny dans le Val-d'Oise en 2016.
Une enquête a été ouverte pour «tentative d'assassinat sur
personne dépositaire de l'autorité publique en relation avec une entreprise
terroriste». En dehors de Bilal T., trois autres détenus ont été placés en
garde à vue. Les policiers veulent notamment savoir s'ils avaient une
éventuelle connaissance d'un projet d'agression. Ils se demandent aussi si
Bilal T. avait des liens avec Larossi Abballa, le tueur du couple de policiers de Magnanville le 16 juin 2016. Ce dernier avait, dans une vidéo, incité à
exécuter des policiers et... des surveillants pénitentiaires.
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Caroline Piquet
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concertée (06.09.2016)
La maison d'arrêt d'Osny, dans le Val d'Oise, où s'est
déroulée avant-hier l'agression des personnels pénitentiaires.
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 06/09/2016 à 07h32 | Publié le 05/09/2016 à
19h37
VIDÉO - Un surveillant a été agressé à l'arme blanche
dimanche par un détenu islamiste, aidé par plusieurs complices. Des précisions
obtenues par Le Figaro éclairent les circonstances de l'attaque.
Pas un acte isolé mais concerté entre plusieurs détenus... À
la prison d'Osny, dans un quartier dédié supposé accueillir les candidats à la
déradicalisation, l'agression dimanche de deux surveillants dont l'un gravement
atteint fait froid dans le dos. Le détenu auteur des faits, Bilal T., a frappé
sa victime à l'aide d'«une lame de 25 cm très fine et très aiguisée qui a
transpercé de part en part la gorge du surveillant à 2 mm de la carotide puis
est passée à quelques millimètres du poumon», affirme-t-on de sources
pénitentiaires.
Selon ces dernières, l'individu bénéficiait de fortes
complicités parmi les autres détenus avec lesquels cette agression aurait été
programmée. Les enquêteurs auraient trouvé sur un autre détenu des liens qui
font penser que l'idée était de procéder à une «exécution» telle que Daech a
l'habitude de les pratiquer. Selon des personnels pénitentiaires, l'auteur de
l'agression «aurait badigeonné l'une des portes de cellules du sang du
surveillant et aurait levé les mains afin de prier».
Enfin, un téléphone
portable a été retrouvé dans l'une des cellules de cette unité dédiée. Tous ces
éléments ont conduit le parquet antiterroriste de Paris à ouvrir une
information judiciaire pour terrorisme. D'autant que Bilal T., a toujours été
considéré par les magistrats, dès son interpellation, comme un élément
dangereux avec des finalités très claires. Il aurait été arrêté en Turquie, il
y a plusieurs mois, en route pour la Syrie et serait un prosélyte violent qui
n'aurait pas tout à fait sa place dans ces unités dédiées. Celle d'Osny serait
particulièrement déstabilisée par l'arrivée de deux individus à forte
dangerosité. Par ailleurs, les enquêteurs s'interrogent sur des liens éventuels
entre l'auteur de l'agression et Larossi Abballa, le tueur du couple de
policiers de Magnanville le 16 juin 2016. Ce dernier avait, dans une vidéo,
incité à exécuter des surveillants de prison au même titre que des policiers.
Jean-François Forget, secrétaire général de l'UFAP-UNSa, le
principal syndicat de surveillants de prison, ne décolère pas. «Les
établissements pénitentiaires sont assis sur une véritable poudrière. Ils
comptent 300 détenus prévenus pour faits de terrorisme et un millier en voie de
radicalisation. Bien avant l'ouverture de ces unités, l'UFAP a demandé que la
sécurité prévale et que ces quartiers soient totalement étanches du reste de la
détention. Autrement dit, ces individus ne doivent pas se rencontrer, et il
faut qu'il y ait au moins trois surveillants par détenu. Mais l'on préfère
mettre en place des programmes qui n'ont ni queue ni tête. Nous sommes fatigués
de ce mot de déradicalisation qui ne veut rien dire», s'insurge Jean-François
Forget. «À Osny», poursuit-il, «ces détenus reçoivent des massages de masseurs
professionnels et des cours d'escrime... De plus, le quartier arrivants de
cette maison d'arrêt est tellement débordé par la surpopulation qu'il n'est pas
rare que des détenus soient affectés dans l'unité dédiée alors qu'ils n'ont
rien à y faire. À l'inverse, les détenus qui sont accueillis dans l'unité
dédiée sont régulièrement remis en détention classique puisque les sessions ne
durent pas plus de 8 semaines. Certes, depuis dimanche soir, des mesures ont
été prises mais pour combien de jours?», s'interroge-t-il.
La rédaction vous conseille :
Enquête du parquet antiterroriste après l'agression de deux
surveillants de prison (05.09.2016)
Par Le figaro.fr et AFP agence
Mis à jour le 05/09/2016 à 17h30 | Publié le 05/09/2016 à
17h22
VIDÉO - Les deux surveillants ont été agressés par un détenu
dimanche, au moment de la promenade. L'agresseur a été condamné cette année
dans un dossier lié au terrorisme.
Au lendemain de l'agression de deux surveillants pénitentiaires à la maison d'arrêt d'Osny dans le Val-d'Oise, dimanche, le
parquet antiterroriste de Paris s'est saisi de l'enquête. L'auteur de
l'agression est un détenu placé dans l'unité de prévention de la radicalisation. L'enquête de flagrance est ouverte pour «tentative d'assassinat
sur personne dépositaire de l'autorité publique en relation avec une entreprise
terroriste».
Les faits se sont déroulés au moment de la promenade. «Lors
du départ en promenade, le détenu a agressé avec une arme artisanale le
surveillant venu le chercher», a précisé dans un communiqué le ministère de la
Justice. Le deuxième surveillant, «posté à l'entrée de la cour de promenade,
est aussitôt venu secourir son collègue et a lui aussi été blessé».
Les deux agents sont parvenus à s'enfuir et le détenu a été
«rapidement maîtrisé» grâce à «une arme non létale», une balle de caoutchouc.
Les faits se sont déroulés alors que cinq autres détenus étaient présents et
sans qu'ils ne prennent «part à l'action violente».
Le détenu condamné pour terrorisme
Le détenu a été placé en garde à vue pour tentative
d'homicide volontaire. Il avait été condamné cette année dans un dossier
d'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, selon
une source judiciaire à l'AFP.
Transportés à l'hôpital, les surveillants sont hors de
danger: l'un d'eux a été touché au thorax et à la gorge, son collègue au bras.
Il et est sorti de l'hôpital dimanche en fin d'après-midi. Le garde des Sceaux
s'est entretenu avec eux et a salué «le sang-froid et le professionnalisme des
surveillants et de l'ensemble du personnel de l'administration pénitentiaire»,
les remerciant «de leur contribution à la sécurité du pays».
Les unités de prévention de la radicalisation critiquées
Critique envers les Unités de prévention de la
radicalisation (UPRAD), le syndicat pénitentiaire UFAP-Unsa Justice a demandé
«l'arrêt immédiat de cette hérésie» et «la mise en place de structures adaptées
et sécurisées», dans un tract national publié lundi sur son site. «Finalement,
ce que l'UFAP-Unsa Justice redoutait tant depuis la mise en oeuvre des unités
dédiées est arrivé», a regretté le syndicat.
La maison d'arrêt d'Osny a été ouverte en 1990. Elle compte
579 places et 916 détenus au 1er août 2016. Une unité de prévention de
radicalisation, qui accueille 18 détenus, tous en cellule individuelle, a été
ouverte le 25 janvier 2016, d'après la Chancellerie.
La rédaction vous conseille :
Radicalisme : le rapport pessimiste du contrôleur des
prisons (06.07.2016)
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 06/07/2016 à 17h32 | Publié le 06/07/2016 à
11h57
VIDÉOS - Recrutement difficile de personnes compétentes,
tâtonnement dans les programmes, manque de relations avec les magistrats, et
phénomène en croissance exponentielle... Pour Adeline Hazan, la direction de
l'administration pénitentiaire n'en est qu'aux balbutiements en matière de
déradicalisation.
Un bilan inquiétant. Adeline Hazan, contrôleur général des
lieux de privation de liberté (CGLPL), est très critique sur les premiers
regroupements d'islamistes en prison. Jugeant «insatisfaisantes» les réponses
apportées à «un phénomène sans précédent», elle déplore une organisation et une
prise en charge par trop balbutiante.
D'emblée, le rapport (voir ci-dessous) dénonce la difficulté
de recruter des personnels capables de faire face à cette population
particulière que trop souvent ils ne connaissent pas, quand ils n'ignorent pas
tout simplement le monde de la prison : «peu de binômes de soutien recrutés ont
à ce jour une expérience en milieu pénitentiaire et/ou de la prise en charge
des phénomènes de radicalisation».
«On envoie au front des jeunes qui ne sont
pas armés pour cela, n'ont pas les bagages nécessaires et peuvent facilement se
faire abuser par des personnes incarcérées dont le fonctionnement n'a rien à
voir avec celui des détenus de droit commun. Il s'agit de combattants, de
militants pour qui la prison n'a pas le même sens : pour beaucoup, c'est un passage
presque obligé qui fait d'une certaine façon partie de leur formation et de
leur lutte. Ils ne baisseront pas la garde», poursuit le rapport citant un
chercheur.
Manipulation
À cette difficulté d'un personnel aguerri, s'ajoute la
question de «programmes disparates et des personnes détenues mal informées».
«Comment les programmes sont-ils élaborés? Sur la base de quels travaux
scientifiques? Nous n'en avons aucune connaissance et n'avons jamais été
consultés, alors que nous sommes sans doute ceux qui connaissent le mieux ces
personnes», s'interroge un magistrat auditionné par les contrôleurs.
Et le
rapport de soulever la question de la manipulation: «Je voudrais bien voir à
quoi ressembleront ces évaluations. Pour certains détenus que je connais bien,
et dont bon nombre sont dans la manipulation, je suis certaine qu'ils vont
duper leurs évaluateurs: si l'évaluation est positive, je saurai que ceux qui
l'ont produite se sont fait berner», réagit un autre magistrat.
Côté directeurs pénitentiaires, le flottement est tout aussi
palpable. «On a défini un contenant, mais pour quel contenu?»: c'est, selon un
directeur d'établissement, la question majeure qui s'est posée. «Il ne s'agit
pas de mettre ces personnes dans une machine à laver, et de penser qu'elles
vont en ressortir plus propres!», a ainsi commenté un responsable de la DAP.
D'autant que comme le souligne un autre directeur d'établissement: «On ne sait
pas bien qui on a en face de nous, et donc où on va avec eux». Ces personnes
«sont dans une logique très opposante à l'idée de s'engager dans une démarche
qui les amènerait à s'interroger sur leur engagement».
À cela s'ajoute le manque de communication entre les quatre
unités existantes : Osny, Fleury-Mérogis, Fresnes et Lille-Annoeullin qui gène
les professionnels qui tâtonnent encore sur les évaluations comme sur les
programmes. Des programmes dont la teneur a d'ailleurs souvent été dénoncée au
cours de l'année par les personnels pénitentiaires et que le rapport pointe à
nouveau. À Osny, «des activités «innovantes» ont été mises en place, comme
l'atelier d'escrime thérapeutique, animé par un maître d'armes épaulé d'un
ostéopathe : déjà expérimentée avec un public d'auteurs d'infraction à caractère
sexuel, cette activité a pour but de faire réfléchir les participants au
respect du corps de l'autre».
«À Lille-Annoeullin, on nous a demandé de faire preuve
d'imagination, a ainsi expliqué une personne chargée de sa mise en place. Mais
nous aurions aimé avoir un cadre plus précis. Que devons-nous faire : de
l'accompagnement, du désengagement?» Des activités étaient au stade du projet au
moment de la visite des contrôleurs : des ateliers de «peinture spontanée», de
«photo-expression», de «modelage», «un ciné-débat», «une activité
psycho-corporelle» avec un professeur de yoga, «un atelier graffiti» dans les
«cours de promenade», relate le rapport.
Mais ce dernier pose la question que nul n'a encore tranchée
même dans des pays plus avancés en la matière que la France : celle de
l'opportunité du regroupement.
Premier constat: «l'étanchéité entre les quartiers au sein
d'un même établissement pénitentiaire apparaît comme un vœu pieux». Des
documents appartenant à un individu détenu dans ces quartiers «ont été
retrouvés dans la cellule d'une personne détenue dans une autre division ; un
mois après l'installation d'un brouilleur, deux téléphones portables ont été
saisis en cellule ; des courriers indiquant la bonne façon de prier ont été
interceptés. Des pressions ont été exercées au sein de l'Unité dédiée sur des codétenus
au point que ceux-ci ont décidé de ne plus aller en promenade. La vigilance à
l'égard d'un intervenant en UD a provoqué l'ouverture d'une enquête interne à
la suite de laquelle il a été découvert que cette personne présentait «un fort
ancrage dans les milieux prosélytes radicaux».
«Son autorisation d'entrer en
détention a été suspendue», souligne le rapport.
«En vérité, ici tout est fait pour qu'on se radicalise -
comme ils disent - davantage, et pour qu'on les déteste»
Un ancien condamné
Certains détenus de ces unités estiment aussi être des
«pestiférés». «Soi-disant, c'est pour éviter le prosélytisme, a ainsi déclaré
une personne condamnée pour la préparation d'un attentat. Mais on est isolés
comme si on était des virus». «Je n'étais pas du tout volontaire, a expliqué un
prévenu de vingt ans, détenu depuis un an pour sa participation à une filière
de départ pour la Syrie, ils regroupent des profils complètement différents :
quelqu'un comme moi et des types qui ont combattu pendant deux ans en Syrie et
ont du sang sur les mains», continue-t-il.
D'autres au contraire se félicitent de ce regroupement, qui
leur permet, ont-ils dit, «d'être entre nous», ce qui montre bien l'ambiguïté
de leur positionnement. «En fait, ça m'arrange, a confié un homme déjà condamné
dans le passé et prévenu pour sa participation à un important réseau. J'ai tout
ici pour prouver que je ne suis pas un terroriste. En vérité, ici tout est fait
pour qu'on se radicalise - comme ils disent - davantage, et pour qu'on les
déteste».
Les magistrats ont également quelques réticences face à
l'ensemble de ces programmes. Nombre d'entre eux dénoncent la mauvaise
communication et l'absence de connection avec le monde pénitentiaire: «Au mois
de décembre 2015, précise le rapport, quelques jours avant l'ouverture des
premières UD, des juges d'instruction de la section antiterroriste ont reçu,
selon les propos tenus devant les contrôleurs, «un listing de personnes que
l'AP souhaitait y transférer». «Nous ne comprenions pas les critères qui
avaient présidé à la constitution de cette liste. Il nous était donc difficile
d'expliquer à certaines des personnes détenues dont nous instruisions le
dossier, les raisons de ce changement», relate le rapport tout en notant
cependant que depuis mars 2016, il est prévu que «la synthèse de l'évaluation
de la personne détenue sera communiquée aux magistrats et versée dans la cote
“détention” du dossier d'instruction».
Enfin et surtout, la direction de l'administration
pénitentiaire est confrontée à un phénomène de masse face auquel elle fait ce
qu'elle peut. «À la fin du mois d'avril 2016, un millier de personnes venues de
France ont été «enrôlées» dans les filières djihadistes syro-irakiennes,
«incluant une arrivée sur zone». La France représente le «contingent européen
sur place» le plus important. 635 personnes sont recensées comme étant
présentes en Syrie et en Irak, dont deux tiers de combattants présumés. 171
sont présumées y avoir trouvé la mort. 44 sont revenues sur le territoire
national, ce qui place la France au 3e rang européen, après la Grande-Bretagne
et l'Allemagne. 147 d'entre elles font l'objet d'une procédure judiciaire ; 97
autres «faute d'éléments suffisants», «sont uniquement suivies dans un cadre
administratif de renseignement».
Enfin 9300 personnes sont signalées «pour
radicalisation violente».
Dans sa réponse au rapport d'Adeline Hazan, le ministre de
la Justice, Jean-Jacques Urvoas, répond à plusieurs critiques et souligne «qu'à
ce jour, aucune décision d'extension de ces unités dédiées n'a été prise. Ce
dispositif, très récemment mis en oeuvre, demeure expérimental tant que
l'évaluation de sa cohérence, de son opérationnalité et de sa pertinence n'aura
pas été conduite».
Déradicalisation : quelles sont les réponses en prison ? (05.05.2016)
http://lefigaro.fr/actualite-france/2016/09/05/01016-20160905ARTFIG00297-agression-a-la-prison-d-osny-une-attaque-djihadiste-concertee.php
http://lefigaro.fr/actualite-france/2016/09/05/01016-20160905ARTFIG00297-agression-a-la-prison-d-osny-une-attaque-djihadiste-concertee.php
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 05/05/2016 à 19h53 | Publié le 05/05/2016 à
19h00
Les prisons françaises comptent 266 détenus inculpés pour
des faits de terrorisme, liés, à une écrasante majorité, au djihadisme.
Confrontée à la radicalisation, l'administration pénitentiaire multiplie les
initiatives pour contrer ce phénomène.
• Des quartiers dédiés
Cinq unités ont été créées. Ouvertes au début de l'année
2016, elles commencent à trouver leurs marques. L'établissement de
Lille-Annoeullin est dévolu aux détenus posant les problèmes de sécurité les
plus importants, tandis que Fresnes et Fleury font office de centres
d'évaluation. À Osny, qui développe les premiers programmes de
déradicalisation, on prend conscience que ces derniers ne porteraient leurs
fruits que dans des relations contractualisées avec les détenus. Ailleurs, dans
les autres établissements, on gère les détenus radicalisés soit par le biais de
la mise à l'isolement, soit en les associant en cellule à des détenus à forte personnalité comme à Villepinte. Les premières expérimentations effectuées dans
la précipitation ont défrayé la chronique par des projets fantaisistes dénoncés
par les syndicats de surveillants.
• De nouvelles fiches d'évaluation
Pour mieux identifier ceux qui pourraient être tentés par la
face noire de l'islam, l'administration pénitentiaire propose à ses agents des
nouvelles fiches d'évaluation. Soixante-dix questions qui tentent de croiser
des critères allant de l'apparence aux antécédents judiciaires, sans oublier
les incidents en détention, la pratique religieuse ou encore le rapport aux
personnels féminins. Trois profils ont été retenus : les vulnérables, les prosélytes
et les dissimulateurs. Le tout a pour ambition de diagnostiquer suffisamment
tôt la radicalisation violente.
• L'exemple de Fleury-Mérogis
La plus grande prison d'Europe a ouvert deux unités dédiées :
l'une dévolue à l'évaluation, l'autre dotée d'un programme en propre de
désembrigadement. C'est une approche pluridisciplinaire qui a été développée
avec une forte implication de l'Éducation nationale et des services d'insertion
et de probation. Nadine Piquet, la directrice de Fleury-Mérogis, a choisi d'utiliser
les outils de la lutte contre la récidive. «Nous travaillons beaucoup sur cette
donnée, et sur la problématique du passage à l'acte et de sa prise de
conscience. Nous contournons la case religieux. Dire aux détenus “nous allons
vous déradicaliser” n'a aucune efficacité», soulignait-elle mardi en marge de
la visite du député LR de l'Yonne Guillaume Larrivé.
La rédaction vous conseille :
À la maison d'arrêt de Villepinte, l'astronomie pour lutter
contre l'islamisme radical (26.04.2016)
Maison d'arrêt de la Seine Saint Denis à Villepinte.
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 26/04/2016 à 21h01 | Publié le 26/04/2016 à
18h10
Malgré les critiques concernant les programmes de
déradicalisation dénoncés par les syndicats de surveillants, la directrice
entend ainsi «recréer un lien».
Dans le gymnase couvert de la maison d'arrêt de Villepinte
(Seine-Saint-Denis), une vingtaine de détenus sont sagement penchés sur un
travail de découpage qui leur permet de réaliser un cadran solaire en carton.
«Le même que vous retrouvez sur tous les bâtiments publics, les églises et les
mosquées», glisse Halim Bennadja, qui anime pour l'association Ensemble contre
la récidive ce nouveau programme consacré à l'astronomie. Il est censé apporter sa petite pierre à la lutte contre le radicalisme religieux. Sur les tables, de
la colle et des ciseaux. Une arme redoutable dans l'univers carcéral. «C'est
notre programme le plus chaud», souffle Pierre Botton, qui dirige
l'association.
«Recréer un lien»
Parmi les volontaires, des condamnés et des prévenus, des
gros calibres de la grande délinquance et des détenus pour faits de terrorisme.
«Nous avançons à petits pas, comme on peut», sourit Lea Poplin, la directrice
de la maison d'arrêt de Villepinte. Tel «détenu détournait la tête quand il me
croisait dans le couloir et refusait de me serrer la main. Ce n'est plus le
cas. Notre premier défi est de recréer un lien par tous les moyens»,
affirme-t-elle, imperméables aux critiques concernant les programmes de
déradicalisation dénoncés par les syndicats de surveillants ces dernières
semaines. Parmi les détenus, certains sont en détention provisoire depuis 17
mois pour complicité avec des islamistes partis en Syrie et dont certains sont
revenus. L'un d'entre eux n'a pas caché être prêt à «se faire sauter», quand il
sortira. «Contre des militaires, pas des civils», a-t-il précisé. De quoi faire
froid dans le dos quand on sait que poursuivi en correctionnel, il devrait
écoper d'une peine qui ne devrait pas excéder cinq ans.
Lea Poplin, directrice de la maison d'arrêt de Villepinte
Sur le mur qui leur fait face, une reproduction d'une carte
chinoise du ciel datant de la dynastie Tang au VIIIe siècle, celle du Livre des
étoiles de l'astronome persan al-Sufi et à gauche, un extrait de l'Almagest
grec. Au cours de quatre sessions d'une heure trente, la cinquantaine de
volontaires s'initie aux rudiments de l'astronomie. Au milieu du gymnase
ronronne la soufflerie qui permet de soutenir un planétarium gonflable, payé par
des mécènes comme Lagardère, M6 ou Ariane Espace. Si le programme se déroule
sans encombre, il se déplacera à Meaux-Chauconin, Osny, Bois d'Arcy, Nanterre
et Fresnes.
Le médiateur, originaire de Seine-Saint-Denis, comme aussi
la plupart des détenus, détaille les constellations, souligne l'étoile du Nord.
«Celle qui permet de donner l'heure des prières particulières - celles du soir
(NDLR)-», s'exclame fièrement l'un des détenus. Le formateur ne relève pas et
continue de distiller son petit précipité de science, s'adaptant à la capacité
de concentration d'un public qui excède difficilement les quatre à cinq minutes
d'affilée.
Un contexte de surpopulation carcérale
«Nous bénéficions depuis quelques mois d'une recherche-action au même titre que les établissements d'Osny ou de Fleury-Mérogis. Nous
attendons le résultat. Mais il est sûr qu'il est difficile de développer des
programmes et des activités alors que nous avons franchi les limites de nos
capacités d'accueil.» Lea Poplin a bien conscience d'être assise sur une
Cocotte-Minute sur le point d'exploser.
Comme tous les établissements de région parisienne, elle
doit gérer la problématique des détenus pour faits de terrorisme dans un
contexte de surpopulation carcérale jamais atteint jusqu'ici. Ce lundi matin,
Villepinte affiche 1048 détenus pour 587 places, dont un quartier mineur de 40
places - le plus important de France après Fleury-Merogis. Bien que la
directrice ait pris la décision de doubler 50 cellules individuelles,
Villepinte compte 30 matelas par terre. «Depuis l'âge de 15 ans, j'en suis à
mon onzième passage en prison. Je n'ai jamais connu une telle situation. On
incarcère à tour de bras et on bourre les cellules. C'est à cause des
attentats, mais ils ne se rendent pas compte de ce qu'il se passe à
l'intérieur», soupire ce détenu.
Pas de quartiers spécifiques
«Nous battons tous nos records», reconnaît la directrice.
«Mais vous comprenez, nous ne pouvons pas dire à l'autorité judiciaire que
l'hôtel est complet», sourit-elle. À Villepinte, la situation est d'autant plus
tendue que 25 % des détenus ont moins de 25 ans et que les deux tiers moins de
30 ans. Par ailleurs, 66 % de la population pénale fait le ramadan. «Ceux qui
recrutent pour les départs en Syrie vont plutôt puiser dans le vivier de gens
dont la violence est un mode de fonctionnement, assure-t-elle. Mais c'est
rarement en prison qu'ils se sont radicalisés.» Une petite quinzaine de ces
détenus pour faits de terrorisme sont incarcérés à Villepinte.
«Toute la difficulté, c'est que nous trouvons sur le même
plan des vendeurs de drapeaux de Daech et des individus qui ont égorgé 15
personnes en Syrie», poursuit-elle. Contrairement à Fresnes, Villepinte n'a pas
fait le choix de quartiers spécifiques. «Nous n'avons pas l'architecture pour
cela. Je crois aussi que c'est leur accorder trop d'aura. Je préfère le système
de codétenus à forte personnalité, étanches à toute préoccupation religieuse ou
capables de leur apporter un contre-discours fort», conclut-elle.
La rédaction vous conseille :
Regroupement des détenus islamistes : la contrôleure des
prisons dit non (30.06.2015)
Mis à jour le 30/06/2015 à 06h14 | Publié le 30/06/2015 à
06h09
La contrôleure générale des lieux de privation de liberté,
Adeline Hazan, se dit "défavorable" au regroupement des détenus
islamistes dans le cadre de la lutte contre la radicalisation en prison et
pointe le caractère "potentiellement dangereux" de cette mesure.
La contrôleure publie aujourd'hui un rapport d'enquête
fouillé sur la prise en charge de la radicalisation islamiste en milieu
carcéral et un avis au Journal officiel.
Le premier ministre Manuel Valls avait annoncé en janvieraprès les attentats de Paris sa décision de regrouper les détenus islamistes dans des quartiers dédiés, dans le prolongement d'une expérience menée à
Fresnes depuis octobre 2014, pour éviter le prosélytisme religieux radical et
favoriser la prise en charge des personnes radicalisées.
Pour mieux comprendre ce phénomène, des contrôleurs se sont
rendus, de janvier à avril, dans quatre établissements de la région parisienne
- Fresnes, Réau, Osny et Bois-d'Arcy - pressentis pour accueillir des unités de
regroupement. Ils y ont interrogé chefs d'établissement, gardiens, détenus mais
aussi des magistrats, avocats, sociologues ou membres des services de
renseignement.
Dans ses conclusions, la contrôleure générale estime que
"le regroupement des détenus radicalisés présente des risques qui ne
paraissent pas avoir été pris en compte, notamment la cohabitation de personnes
détenues présentant des niveaux d'ancrage très disparates dans le processus de
radicalisation".
"Les difficultés d'identification des personnes visées
ne sont pas résolues", souligne Adeline Hazan selon qui "la grille
d'évaluation de la 'dangerosité' n'est plus adaptée à l'évolution du
phénomène".
La contrôleure juge ainsi "discutable" le seul
critère d'une condamnation pour des faits terroristes retenu à Fresnes, où 22
détenus ont déjà été isolés. Ce critère "ne prend pas en compte les cas
d'autres personnes détenues pour d'autres motifs, susceptibles d'être davantage
ancrés dans un processus de délinquance", selon Mme Hazan. Et,
"depuis 2014", les comportements des islamistes en prison ont changé,
souligne le rapport, selon lequel "une consigne de dissimulation semble
avoir été donnée pour cesser d'arborer des signes ostensibles de
fondamentalisme".
L'expérience de Fresnes "ne démontre pas que cette
pratique nouvelle ait eu un effet apaisant sur le reste de la détention. A
l'inverse, les personnes regroupée ont pour la plupart confié leur crainte
d'être étiquetées durablement islamistes radicaux, et de ne pouvoir se défaire
de l'emprise de leurs codétenus", explique la contrôleure. "Ce
regroupement sera tout bénéfice pour les recruteurs", juge dans le rapport
un fonctionnaire pénitentiaire pour qui, "si on veut vraiment les séparer,
il faudrait construire un 'Guantanamo'. Est-ce cela que l'on souhaite?".
Car "la question de la suite de leur parcours pénal doit se poser et l'une
des difficultés de la mesure, c'est de savoir comment on en sort",
souligne la hiérarchie pénitentiaire.
Dispersion plutôt que regroupement
Autre effet induit par ces regroupements en région
parisienne, la coupure des détenus avec leur famille dont tous les experts
soulignent l'importance pour "les convaincre de changer de voie".
Alors, plutôt qu'un regroupement, plusieurs intervenants prônent une
"dispersion", une option déjà retenue en Grande-Bretagne ou en
Belgique.
Parmi les autres critiques, Adeline Hazan dénonce
"l'absence de cadre légal précis" du nouveau régime qui ne peut
"faire l'objet d'aucune des voies de recours habituelles". Elle
regrette l'absence de "formation particulière" des personnels
affectés à ces unités, le manque "d'informations sur les modalités
d'encadrement" et "les conditions de détention" qui
"laissent craindre "un éventuel glissement vers un isolement de facto
de ces personnes. Elle demande enfin "qu'une réflexion soit engagée sur la
prise en charge des jeunes de retour des zones de conflit (...) l'incarcération
ne (pouvant) pas être le mode de traitement indifférencié d'un phénomène qui
touche plusieurs centaines de personnes au degré d'engagement disparate".
Prison : des doutes sur l'efficacité des quartiers pour
islamistes (19.03.2015)
À la prison de Fleury-Mérogis (Essonne).
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 19/03/2015 à 18h54 | Publié le 19/03/2015 à
18h32
Après Fresnes, la prison de Fleury-Mérogis accueillera à son
tour en avril un quartier dévolu aux
islamistes. Avocats et magistrats antiterroristes s'interrogent sur
l'efficacité du dispositif.
Les critiques pleuvent. Des avocats et certains juges
antiterroristes contestent les nouveaux quartiers dévolus aux seuls islamistes
dans les établissements pénitentiaires. Selon l'Observatoire international des
prisons (OIP), un rapport de l'Inspection des services pénitentiaires du 27
janvier 2015 aurait mis un sérieux bémol à l'expérimentation de Fresnes. Selon
ce dernier, cité par l'OIP, «parmi les 22 détenus regroupés au 15 janvier 2015,
un seul s'était ainsi fait connaître pour un “incident lié à des faits de
prosélytisme” (appel à la prière)». Toujours selon l'OIP, la découverte, dans
la cellule de deux détenus écroués pour des faits de droit commun, d'un
document de 150 pages «évoquant la création de l'État islamique» et contenant
des photos de Syrie, n'a en revanche pas déclenché de dispositif de
surveillance ou de suivi spécifique. Il faut dire qu'à l'époque, pour se border
juridiquement, le patron de Fresnes s'était fondé sur le strict mandat de dépôt
pour terrorisme pour regrouper les détenus.
Nécessaire réversibilité
Enfin, le rapport dénoncerait l'absence de «mécanisme de
sortie» de l'unité. Les inspecteurs insisteraient sur la nécessaire
réversibilité «en cas d'erreur manifeste et dès lors que le comportement évolue
dans le bon sens». Depuis le 1er mars, cependant, une commission
pluridisciplinaire a été instaurée pour évaluer les situations.
En rodage à la prison de Fresnes, le système doit s'étendre
dès avril à d'autres établissements de région parisienne, à commencer par
Fleury-Mérogis. Au lendemain des attentats de janvier dernier, la Chancellerie
a dû élaborer en catastrophe un plan, puis un appel d'offres auprès
d'associations pour lutter contre la radicalisation en prison. Christiane
Taubira qui, à l'automne, s'était montrée très réservée quant à la création des
quartiers islamistes à Fresnes, n'a pas pu s'y opposer. À Fresnes, 23
islamistes sont depuis trois mois dans un quartier dédié, les isolant en partie
des 2500 détenus. Si l'administration pénitentiaire a noté le retour au calme
dans le reste de l'établissement, en revanche la tension demeure dans le
quartier réservé. Un magistrat de la section antiterroriste affirme même qu'une
prière collective aurait été organisée en cour de promenade.
Surtout, leur regroupement a commencé à poser des problèmes
lors de certaines auditions. «J'avais jusque-là de bonnes relations avec un des
jeunes prévenus pour terrorisme», raconte ce magistrat. «Mais il est arrivé un
matin en disant qu'il ne me parlerait plus car j'étais un juge mécréant! C'est
dramatique.» Et de poursuivre: «Nous ne sommes pas en capacité de faire des
enquêtes longues pour séparer le bon grain de l'ivraie et de juger, à moyen
terme, de la dangerosité de ceux qui cèdent à l'islamisme, pour les isoler des
autres. Nous arrêtons vite, sans réellement avoir les moyens de surveiller». Il
redoute par ailleurs qu'à l'instar des deux Savoyards de 26 et 27 ans arrêtés
début novembre à leur retour de Syrie, écroués à Meaux et Fleury-Mérogis et
libérés début mars par le juge des libertés contre l'avis du parquet, les
peines soient courtes sans qu'aucun travail de déradicalisation n'ait pu se
faire réellement : «Ils seront dehors, sans que l'on sache ce qu'ils sont
devenus en détention, s'inquiète le magistrat. Ce sont parfois des petits
jeunes que l'on arrête avant leur départ. Ce sont eux qui sont le plus à risque.
Pourquoi ne pas réserver l'isolement pour les plus nocifs ?»
Des responsables de prison remontés
Une position que partagent des avocats pénalistes.
«Plusieurs de mes clients ont écrit pour être extraits de ces quartiers de
regroupement, où ils ont le sentiment de servir de cobaye, assure Me Florian
Lastelle, qui suit une dizaine de djihadistes. Ils redoutent d'être stigmatisés
alors que beaucoup d'entre eux sont revenus volontairement après avoir été
confrontés à une réalité qu'ils n'imaginaient pas. Ils craignent de tomber dans
un système religieux mafieux alors qu'ils sont en demande de réponse des
institutions et de la République».
Côté pénitentiaire, la réaction est d'autant plus
épidermique que les dirigeants d'établissement n'ont d'autre choix que d'appliquer
le plan gouvernemental: «La prison n'est pas une colonie de vacances. Si
certains ne méritent pas d'y être, pourquoi les incarcérer?», souligne ce
responsable d'établissement pénitentiaire, aussi remonté que pragmatique.
«Quant à l'isolement, c'est très simple, j'ai douze places, pour 45 détenus
radicaux et 70 nouveaux en passe d'être hébergés chez nous», rappelle-t-il. «Le
tri par profil n'a rien d'exceptionnel, conclut un autre responsable
pénitentiaire de région parisienne. Nous avons appris par d'autres détenus
islamistes qui souhaitaient se démarquer que, depuis les parloirs, se
préparaient des actions à l'extérieur.»
La rédaction vous conseille :
Charles Pasqua propose de recréer les travaux forcés pour
les islamistes (08.03.2015)
L'ancien ministre de l'Intérieur, Charles Pasqua
Par Tristan Quinault-Maupoil
Mis à jour le 08/03/2015 à 17h30 | Publié le 08/03/2015 à
16h28
LE SCAN POLITIQUE/VIDÉO - L'ancien ministre de l'Intérieur
estime souhaitable d'isoler les condamnés radicaux sur une île pour leur faire
exécuter des travaux forcés.
Charles Pasqua n'a pas la réputation d'être un tiède. Et il
le prouve une nouvelle fois. Interrogé sur France 2 dans l'émission «13h15 le
dimanche», l'ancien ministre de l'Intérieur a réagi à la volonté du
gouvernement de généraliser l'isolement des islamistes radicaux.
Celui qui assure que la menace du terrorisme islamiste «est
beaucoup plus radicale» que lorsqu'il était au pouvoir livre quelques
commentaires. «Qu'est-ce-que j'apprends moi? Je lis le journal comme tout le
monde. J'apprends qu'on va regrouper tous les détenus islamistes dangereux au
même endroit», commence l'ancien ministre avant d'ironiser: «Bravooo». «Et
c'est où cet endroit? C'est sur le sol de la métropole? Non ce n'est pas
sérieux», poursuit Charles Pasqua.
«Tous les moyens dont nous pouvons disposer»
«Qu'on les mette sur une île, qu'on les mette loin, bien
entendu», ajoute l'ex-sénateur des Hauts-de-Seine, répondant à la question du
journaliste qui demandait s'il fallait un Guantanamo à la française. «On a qu'à
recréer les travaux forcés», poursuit l'homme âgé de 88 ans.
«Si on ne veut pas prendre un certain nombre de mesures
alors il faut passer la main. Il ne faut pas rester au pouvoir», relève encore
Charles Pasqua pour qui la situation «nécessite l'utilisation de tous les
moyens dont nous pouvons disposer».
Radicalisation en prison : un
plan fourre-tout (18.02.2015)
La prison de Fleury-Mérogis va
bénéficier de la création d'un quartier dédié, de «20 à 25 places», pour les
détenus concernés par le terrorisme islamiste.
Actualité France
Par Paule Gonzalès
Mis à jour le 18/02/2015 à 21h27
| Publié le 18/02/2015 à 20h52
Demandé par Matignon après les
attentats, ce texte mise sur l'embauche de conseillers d'insertion et de
probation.
Un texte un peu fourre-tout qui
laissera sur leur faim les tenants d'une politique pénitentiaire dure en
matière de lutte contre le terrorisme. La Chancellerie vient de finaliser son
«plan pour la lutte contre la radicalisation» en prison qui avait été demandé
par Manuel Valls après les attentats de janvier dernier. Il donne la part belle
à l'amélioration des conditions de vie, à l'intervention des services
d'insertion et de probation et en profite pour combler les manques de
personnels dont souffre l'Administration pénitentiaire en matière de sécurité
des établissements.
Première mesure spectaculaire, le
plan prévoit la création de «cinq quartiers dédiés à Fleury-Mérogis,
Lille-Annoeullin, Osny et deux à Fresnes», de «20 à 25 places» - chacun «pour
les détenus concernés par le terrorisme islamiste, hors individus les plus
radicaux». L'administration a défini «26 établissements ayant vocation à recevoir
des détenus radicalisés».
Ces créations s'accompagneront
d'une augmentation importante des effectifs. Mais ce sont les services
d'insertion et de probation qui seront les mieux dotés. Si le plan prévoit
d'embaucher 18 surveillants supplémentaires pour ces quartiers, en revanche ce
sont cent éducateurs et psychologues - 74 en 2015 et 26 en 2016 - qui seront
nommés dans le but de renforcer les services pénitentiaires d'insertion et de
probation à qui l'on a beaucoup reproché le manque de suivi des délinquants-terroristes
au moment des attentats. À ces 100 personnes s'ajouteront un directeur et un
conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation (CPIP) qui, sans plus de
détail, ont vocation à être «référents antiterrorisme Paris pour les magistrats
et les services pénitentiaires».
«Par principe, un radical est un
gros menteur. Un conseiller pénitentiaire d'insertion et de probation qui le
voit une heure par semaine ne saura rien. Nous, en détention, nous lui
opposerons ses visionnages des vidéos de Daech, ses lectures salafistes et ses
discussions avec les éléments les plus radicalisés»
Un bon connaisseur de l'univers
carcéral
Même le renseignement
pénitentiaire - qui dans le plan occupe seulement quatre paragraphes - fait le
plein de CPIP. Quarante-quatre officiers de renseignements seront certes
recrutés d'ici à 2016 «au profit des maisons centrales, de certains
établissements de plus de 600 places et certains établissements parisiens».
Dans le même temps, les effectifs augmentent au niveau des délégations
interrégionales du renseignement pénitentiaire qui se consacrent
essentiellement aux remontées de terrain. Vingt-deux informaticiens seront
recrutés pour procéder à des fouilles informatiques. «Pourquoi pas, mais les
ordinateurs ne sont pas censés être si nombreux que cela en détention»,
relativise un proche du dossier qui se félicite toutefois des quatorze
analystes veilleurs qui seront également embauchés afin de surveiller les
réseaux sociaux. Si la mesure est nécessaire, elle est à mettre en regard au
même nombre de CPIP qui seront embauchés «pour appuyer les officiers de
renseignement pour les personnes suivies en milieu ouvert». «Par principe, un
radical est un gros menteur. Un CPIP qui le voit une heure par semaine ne saura
rien. Nous, en détention, nous lui opposerons ses visionnages des vidéos de
Daech, ses lectures salafistes et ses discussions avec les éléments les plus
radicalisés», note un bon connaisseur de l'univers carcéral.
De même, au niveau de
l'administration centrale, sur les trois postes créés pour le bureau du
renseignement pénitentiaire en 2015, on compte encore «un directeur
pénitentiaire d'insertion et de probation, un conseiller d'insertion et de
probation, un coordinateur de la veille sur les réseaux sociaux et les questions
informatiques». Une surreprésentation qui laisse perplexe quant à son utilité
en matière de renseignement terrain.
«Le tout, c'est que ces
personnels dont on a besoin ne nous soient pas enlevés plus tard»
Un chef d'établissement
Dans son volet prévention, le
plan propose l'embauche de 60 nouveaux aumôniers pour 181 actuellement. De quoi
doubler le budget à 1,23 million d'euros «ce qui représentera 41 % des dépenses
d'aumônerie. Ce qui est plus en rapport avec la part des musulmans dans la
population carcérale», note la direction pénitentiaire. Cinq programmes de
déradicalisation, budgétés à 1 million d'euros, sont également prévus. De quoi
permettre d'affiner les outils.
L'Administration pénitentiaire
profite des budgets qui ont été débloqués - une enveloppe de 80 millions
d'euros en tout - pour combler les manques de personnels, d'infrastructures et
d'activités. De quoi, sur ces deux derniers points, accompagner la réforme
pénale votée en août dernier sous couvert de lutter contre le terrorisme.
Enfin, en matière de sécurité
dans les établissements, 70 surveillants ERIS (unités antiémeutes) et 182
surveillants seront recrutés dont 140 sont spécialisés dans les fouilles de
cellules. «C'est très bien même si cela n'a pas grand-chose à voir avec la
lutte contre le terrorisme», note un chef d'établissement. «Le tout, c'est que
ces personnels dont on a besoin ne nous soient pas enlevés plus tard.» En
revanche, rien n'est prévu en matière de création de fichiers ou de
sonorisation de cellules, comme certains syndicats pénitentiaires, tel FO
direction, l'avaient suggéré.
La rédaction vous conseille :
Prisons : le regroupement des islamistes en question (14.01.2015)
Christiane Taubira à l'Assemblée nationale le 14 janvier.
Par Paule Gonzalès
Publié le 14/01/2015 à 21h36
Poussée par les événements tragiques de la semaine passée et
le volontarisme de Manuel Valls, la garde des Sceaux Christiane Taubira prépare
la mise en œuvre des mesures annoncées mardi par Matignon.
La chancellerie accélère le mouvement. Poussée par les événements
tragiques de la semaine passée et le volontarisme de Manuel Valls, la garde des
Sceaux prépare la mise en œuvre des mesures annoncées mardi par Matignon. À
commencer par la création de quatre quartiers spéciaux en région parisienne qui
devraient regrouper les 152 détenus actuellement incarcérés pour des faits
d'association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste et suivis
par le renseignement pénitentiaire. Cette mesure prend appui sur l'expérience de Fresnes: le principe serait de ne pas laisser ensemble les fondamentalistes
et les prosélytes les plus endurcis avec les détenus dont l'administration
estime qu'ils peuvent rompre avec le radicalisme religieux. À Fresnes, ces
derniers sont au nombre de 22.
De leur propre initiative, les directeurs pénitentiaires ont
déjà adopté ce type de mesure en mettant régulièrement à l'isolement ceux qui
sont considérés comme des leaders charismatiques. Par ailleurs, des
responsables pénitentiaires comme Jimmy Delliste, directeur de la maison d'arrêt
de Nanterre et secrétaire général de SNP-FO Direction, estiment nécessaire de
distinguer les détenus ayant été sur des terrains d'opération comme la Syrie ou
l'Irak. À ce jour, 87 détenus sont liés à une filière djihadiste en France. Il
reste à déterminer si les 39 islamistes incarcérés hors de la région parisienne
seront transférés dans ces nouveaux quartiers. La question se posera également
pour les 13 condamnés répartis actuellement dans 13 maisons centrales.
Cette politique de regroupement se doublera de la mise en
place d'un programme baptisé «Recherche et action» qui devra développer des
outils d'identification et de prise en charge des détenus radicaux. Une entité,
qui sera choisie vendredi, devra établir un premier audit sur l'efficacité du
renseignement pénitentiaire et les moyens de détection des détenus à risques.
Le but est de cibler à la fois les profils les plus vulnérables comme les plus
endurcis qui, souvent en détention, s'avèrent les plus discrets. Dans un second
temps, cette entité composée de sociologues, de médecins et de spécialistes des
phénomènes de radicalisation devra faire des propositions de prise en charge.
Un troisième module serait prévu pour qu'à terme, ces processus de
«déradicalisation» soient entièrement réalisés par l'Administration
pénitentiaire.
«Fichage» des mineurs
Par ailleurs, vingt imams devraient être nommés chaque année
jusqu'en 2017. Enfin, l'accent devrait être mis sur l'éducation de toutes les
personnes arrivant en prison : plusieurs heures d'instruction civique leur
seront imposées. Pour les moins de 25 ans, des programmes d'enseignement seront
mis en place en partenariat avec l'Éducation nationale. Enfin les services
d'insertion et de probation seront formés afin de détecter «les signaux
faibles» de radicalisation.
Si le plan semble à peu près défini pour le monde carcéral,
il l'est beaucoup moins en ce qui concerne la protection judiciaire de la
jeunesse. Matignon a annoncé la formation à la détection et à la prise en
charge du radicalisme par les personnels. Mais aussi et surtout la création
d'une unité de renseignement permettant de centraliser les informations
nominatives sur les mineurs pris en charge. En des termes moins choisis, il
s'agit de constituer un fichier d'identification. De quoi prendre de court la
Chancellerie et la direction de la PJJ, qui mercredi ne semblaient pas très au
fait d'un tel dispositif. La mise en place d'un «fichage» des mineurs est en
tout cas aux antipodes de la vision actuelle de la place Vendôme sur la
question de la justice des plus jeunes. Et il ne serait pas étonnant, qu'une
fois l'émotion retombée, Christiane Taubira fasse entendre une voix légèrement
discordante sur le sujet.
La rédaction vous conseille :
Isolement des djihadistes : l'expérience de Fresnes peine à
convaincre (14.01.2015)
Aujourd'hui, 22 détenus sont regroupés dans une dizaine de
cellules, situés au même étage d'une centaine d'autres de détenus.
Par Caroline Piquet
Mis à jour le 14/01/2015 à 16h50 | Publié le 14/01/2015 à
14h20
VIDÉO - Le gouvernement veut étendre un dispositif mis en
place à la prison de Fresnes début novembre. Cette décision, qui consiste à
isoler les détenus dans des quartiers spécifiques, a été prise trop rapidement,
selon les syndicats.
Alors que le premier ministre Manuel Valls souhaite
généraliser l'isolement de tous les détenus islamistes radicaux dans les
prisons, l'expérience de Fresnes, sur le terrain, peine à convaincre. Depuis le
mois d'octobre, le centre pénitentiaire de Fresnes qui accueille 2000 détenus
dans le Val-de-Marne teste un nouveau dispositif. L'objectif : endiguer les
phénomènes de radicalisation en prison en regroupant les prisonniers les plus
radicalisés. Retour sur cette expérimentation, peu satisfaisante selon les
syndicats.
Des individus mal identifiés
Actuellement, 22 détenus - des prévenus et des condamnés -
participent à cette expérimentation. Ils ont été choisis sur la base de leur
dossier pénal en lien avec des affaires de terrorisme. Mais ce test est loin de
réunir les détenus les plus radicalisés, expliquent les syndicats. «Un grand
nombre d'entre eux sont encore mélangés aux autres, continuant à propager leurs thèses salafistes. Les autres détenus sont donc loin d'être à l'abri», s'exclame
Yoan Karar, secrétaire local du syndicat SNP FO de la prison de Fresnes. Le
syndicaliste pense que la mise à l'écart de certains détenus hyper radicalisés
est volontaire: «Je pense qu'ils ont laissé de côté les plus durs, pour pouvoir
présenter à la fin une expérience réussie».
Des détenus partiellement isolés
Le directeur de la prison de Fresnes Stéphane Scotto le dit
clairement. Il ne s'agit pas d'un isolement pur et simple, mais bien d'une mise
à l'écart. Dans les faits, les individus sont regroupés dans une dizaine de
cellules, situées au même étage que d'autres détenus. «Rien ne les sépare
vraiment des autres, mis à part les promenades et la douche où ils sont seuls»,
commente Christopher Dorangeville, secrétaire national de la CGT pénitentiaire.
En effet, ils partagent avec les autres détenus toutes les activités, qu'elles
soient sportives, socio-éducatives ou professionnelles. «Des moments qui
restent propices au prosélytisme», poursuit le syndicaliste.
Un regroupement «dangereux»
Pour les syndicats, le rapprochement de ces détenus est même
contre-productif. Au lieu de dissuader la propagation de thèses radicalistes,
ce dispositif pourrait les attiser. «Les autres détenus, sensibles à ce genre
de discours, vont chercher à rejoindre cette unité d'élites», anticipe le
syndicaliste CGT qui redoute la formation d'un groupe encore plus radicalisé.
Pour l'heure, aucun incident particulier n'a été relevé. Mais «en regroupant
les mêmes profils, on ouvre la porte à la création d'un mouvement collectif
plus large et plus dur, avec l'occasion pour ces derniers de croiser leurs
réseaux». Et qu'en pensent les principaux concernés? «Ils sont contents d'être
ensemble», ironise Yoan Kara, du SNP FO. Pour lui, mieux vaut les isoler
complètement sans qu'ils aient de contact entre eux.
Aucune prise en charge particulière
La journée de ces détenus n'a rien de spécial. Ils se lèvent
le matin, prennent leur petit déjeuner, participent à des activités la journée,
vont se promener, se rendent au parloir... «Rien n'est fait pour les prendre en
charge», regrette Christopher Dorangeville. Seul un surveillant supervise
l'étage où ils se trouvent et qui comprend en tout une centaine de détenus. Les
aumôniers musulmans n'ont pas plus de contact avec eux. «Il faut savoir que le
détenu qui cherche à radicaliser les autres s'auto-proclame lui-même Imam. Il
refuse de voir un quelconque aumônier», explique-t-il encore. Mardi, les
syndicats ont alerté la garde des sceaux Christiane Taubira, en visite à la
prison de Fresnes: «Il faut aussi un programme de déradicalisation dans un
établissement spécifique, avec une équipe pluridisciplinaire, regroupant des
psychiatres, psychologues, imams modérés, etc», a insisté Yoan Karar auprès de
la ministre de la Justice. Une recommandation qui va dans le sens des
recommandations faites par le député UMP Guillaume Larrivée, auteur d'un
rapport publié sur le sujet fin 2014.
Des détenus difficiles à repérer
Il est de plus en plus difficile de détecter les candidats à
la radicalisation. «Ils évitent ainsi de changer de codes vestimentaires ou de
se faire pousser la barbe, ils ont compris qu'il fallait se faire discrets pour
ne pas se faire repérer», reprend Christopher Dorangeville. Quant au
renseignement pénitentiaire, il reste insuffisant. «On a une personne pour 2000
détenus à Fresne, c'est impossible d'identifier tous ceux tombés dans la
radicalisation», réagit pour sa part Yoan Karar. Pour FO pénitentiaire, il faut
davantage de moyens pour détecter et prévenir la radicalisation en prison.
Aucune formation des surveillants pénitentiaires
Dernier problème avec cette expérimentation: l'absence de
formation et un manque de moyen humain. D'après Le Parisien ,le directeur de
Fresnes a diffusé auprès de son personnel une note de service confidentielle
détaillant les signaux de radicalisation, comme le changement de code vestimentaire,
le rejet des aumôniers agréés, une forme d'hostilité envers les femmes, etc.
«Nous n'en avons pas vu la couleur», réagit Yoan Karar. «On ne sait pas du tout
ce qu'il faut faire avec ce genre de détenus en particulier».
Une décision trop hâtive
Pour les syndicats, la décision de généraliser ce dispositif
sur l'ensemble du territoire est précipitée. «Alors que le dispositif n'a
toujours pas été évalué, on cherche à l'étendre», soupire l'un deux. En effet,
aucun rapport, aucune note officielle n'a encore été produite. En visite à la
prison de Fresnes mardi, la ministre de la Justice Chritiane Taubira a déclaré
qu'une inspection de cette expérimentation serait rapidement effectuée. «Cela
ne fait que deux mois qu'on expérimente ce dispositif, je pense qu'il faut se
donner le temps de réfléchir et ne pas tomber dans le piège de l'urgence»,
alerte Christopher Dorangeville de la CGT.
La prison de Fresnes teste le regroupement des islamistes
radicaux (13.11.2014)
Un détenu musulman prie dans sa cellule, pendant le ramadan,
à la prison de Fleury-Mérogis.
Actualité France
Par Jean-Marie Guénois
Mis à jour le 13/11/2014 à 21h04 | Publié le 13/11/2014 à
19h40
Les surveillants s'inquiètent de ce que la Place Vendôme
qualifie d'expérimentation.
L'administration pénitentiaire réalise actuellement un
«test» dans la prison de Fresnes (Val-de-Marne) pour tenter de contenir les
visées «prosélytes» de certains détenus de religion musulmane, notamment en les
regroupant dans une «unité de vie» relativement isolée.
Cette expérience, montée en toute discrétion il y a trois
semaines, a été révélée jeudi à la suite d'un incident survenu vendredi 7
novembre - qui s'est renouvelé lundi 10 novembre - dans le quartier de cette
prison regroupant ces détenus.
Pour protester précisément contre cette mesure, douze des
vingt détenus concernés ont en effet refusé de réintégrer leurs cellules après
la promenade.
La direction de la prison (2500 détenus), soucieuse de ne
pas ébruiter l'affaire, a alors choisi de gérer la situation avec les personnels
habituels. Ils ont fini par calmer la situation sans faire appel à des unités
spécialisées. Mais l'un d'eux a été physiquement agressé. Quatre de ces détenus
ont finalement été placés en quartier disciplinaire.
Se concentrer sur l'extrémisme
Interrogée par Le Figaro, la directrice adjointe de
l'établissement, Mme Moretti, s'est refusée à tout commentaire. C'est Pierre
Rancé, porte-parole du ministère de la Justice, qui a finalement confirmé
l'existence de cette expérimentation. Et sa philosophie : «C'est un simple test
mené dans un seul établissement pénitentiaire. Il est même possible qu'il soit
interrompu la semaine prochaine s'il ne menait à rien. Il s'inscrit dans le
cadre général d'une réflexion menée au niveau de l'administration pénitentiaire
et du gouvernement. Il ne préjuge donc d'aucune décision. Mais pour réfléchir
avec des éléments concrets et non théoriques, il s'agit de savoir si le
regroupement de détenus - repérés comme des prosélytes et des recruteurs -
serait pertinent en termes d'efficacité mais aussi de sécurité.»
Yoan Karar, secrétaire local du syndicat SNP FO de la prison
de Fresnes, est dubitatif: «Il faut faire quelque chose pour éviter des effets
de contagion, explique-t-il, mais la méthode employée n'est pas la bonne. Ce
regroupement a été monté en catimini sans que le personnel soit consulté et
sans moyens supplémentaires. On n'a pas assez de recul pour juger si c'est une
bonne ou une mauvaise solution, mais on risque de renforcer le phénomène, car
le rapport de forces a changé. Ces éléments ne sont plus disséminés, il y a un
effet de groupe.»
Il se passe en effet «quelque chose depuis quelques
semaines, ajoute-t-il. On n'avait jamais vu cela à Fresnes en particulier, qui
est réputé pour être strict, car les règlements y sont appliqués. On n'avait
jamais vu des appels à la prière criés en arabe par les fenêtres et des prières
collectives pendant la promenade.» Ce surveillant âgé de 30 ans et qui totalise
dix années d'expérience conclut: «Notre rôle est de nous concentrer sur l'extrémisme
qui est potentiellement criminel. Il n'est donc pas question pour nous de faire
des amalgames entre ces détenus et la religion musulmane, qui est honorable en
soi. Mais les prisonniers sont informés comme tout le monde de la situation
internationale.»
Son confrère de la CGT, Ahmed El Hoummass, qui travaille
dans le même établissement, est plus inquiet encore: «L'administration se
trompe. Ce n'est pas du tout une punition pour ces détenus, au contraire. C'est
pain bénit pour eux, ils me l'ont dit. Leur rôle est d'endoctriner les autres.
Cet isolement entre eux agit comme un véritable centre de perfectionnement. Les
uns vont apprendre aux autres comment s'améliorer dans la diffusion du
radicalisme. De plus, les vraies têtes pensantes n'apparaissent jamais, ceux-là
sont sans histoire. Ce sont les plus vulnérables qui se sont fait repérer comme
extrémistes.»
Cet homme de longue expérience prévient: «Ce qu'ils
attendent, ce n'est pas un quartier où ils sont ensemble mais un bâtiment
complet pour être chez eux… Avec plus de 60 % de détenus de religion musulmane,
ce sera ingérable.»
Auteur d'un rapport remarqué sur le sujet, le député UMP
Guillaume Larrivé avait préconisé ce genre de mesures, mais à deux conditions
qu'il rappelle au Figaro :«Il faut aussi isoler ces détenus extrémistes les uns
des autres et les encadrer avec des personnels spécialisés formés à
l'antiradicalisation.»
La rédaction vous conseille :
Vers des micros dans les prisons françaises ? (22.10.2014)
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 29/10/2014 à 14h42 | Publié le 22/10/2014 à
18h09
C'est l'une des idées émises par Guillaume Larrivé dans son
plan contre la radicalisation islamiste en prison : sonoriser les lieux de
détention propices au prosélytisme religieux, des salles de sport aux cours de
promenade.
Des micros partout dans les prisons au nom de la lutte
anti-djihadistes? Dans son rapport pour un «plan d'action global
anti-radicalisation islamiste en prison», le député UMP de l'Yonne, Guillaume
Larrivé, n'hésite pas à proposer de «permettre le recours à la sonorisation des
locaux de détention».
Selon lui, «les représentants de l'ambassade de
Grande-Bretagne en France» lui ont indiqué «que, dans chaque établissement
pénitentiaire anglais et gallois, des policiers en charge des questions de
terrorisme et de criminalité organisée étaient chargés de recueillir des
renseignements, en ayant la possibilité d'effectuer des enquêtes et de
recourir, le cas échéant, à la sonorisation des locaux, c'est-à-dire à la
captation et à l'enregistrement des conversations qui s'y déroulent.»
Une proposition jugée provocatrice
Sans complexe, le député français préconise donc d'offrir à
l'administration pénitentiaire la possibilité de recourir à la «sonorisation
des locaux de détention pouvant constituer des lieux propices au prosélytisme
radical: salles de culte, bibliothèques, salles de sport, cours de promenade,
ateliers, etc.»
Pour mettre en oeuvre «cette nouvelle possibilité
d'investigation, les directeurs d'établissement et certains officiers de
l'administration pénitentiaire» devraient, dit-il, «se voir reconnaître la
qualité d'officier de police judiciaire, et certains personnels de surveillance
acquérir la qualité d'agent de police judiciaire.»
Reste que l'actuel ministère de la Justice n'est guère
enclin à donner suite à cette proposition considérée, par certains magistrats,
comme une «pure provocation». Guillaume Larrivé, lui, assure que «cette
évolution rejoint une préconisation déjà formulée en 2013 par Sébastien Huyghe, alors rapporteur
pour avis de la commission des lois sur le budget de l'administration pénitentiaire, dans l'avis qu'il avait consacré au thème de la
sécurité des établissements pénitentiaires.»
Un rapport explosif sur l'islam radical dans les prisons françaises (23.10.2014)
Prière en cellule à la maison d'arrêt d'Osny, dans le
Val-d'Oise, en compagnie d'un aumônier musulman.
Par Jean-Marc Leclerc
Mis à jour le 23/10/2014 à 11h24 | Publié le 22/10/2014 à
17h57
INFO LE FIGARO - Un rapport du député UMP Guillaume Larrivé
pointe des centaines d'individus dangereux dans les établissements
pénitentiaires, sur un total estimé, selon lui, à «40.000 détenus de culture ou
de religion musulmane».
« Alors qu'environ 60 % de la population carcérale en
France, c'est-à-dire 40.000 détenus, peuvent être considérés comme de culture
ou de religion musulmane, la radicalisation islamiste est aujourd'hui
susceptible de concerner plusieurs centaines de détenus. » C'est le constat
établi par le député UMP de l'Yonne, Guillaume Larrivé, dans un rapport «pour
un plan d'action anti-radicalisation islamiste en prison» dont Le Figaro publie
les meilleurs extraits.
L'élu, qui a travaillé sur le budget de l'administration
pénitentiaire pour 2015, préconise une thérapie choc: «création d'Unités
spécialisées anti-radicalisation (USAR) pour les détenus de retour du djihad»,
«sonorisation des prisons», «rétablissement des fouilles» et «blocage des
portables non autorisés».
Guillaume Larrivé rappelle que, dans les prisons aujourd'hui,
les «signes extérieurs de radicalisation ont presque totalement disparu,
laissant la place à une radicalisation et à un prosélytisme beaucoup plus
discrets et, partant, plus difficiles à repérer.» Il ajoute: «Cette stratégie
de dissimulation ou de camouflage est théorisée par certains radicaux sous le
nom de Taqyia.»
Les dangers de la loi Taubira
L'élu met en cause la politique de la ministre de la justice, Christiane Taubira: «l'essentiel des marges de manœuvre créées par la
loi de finances pour 2015 au sein du budget de l'administration pénitentiaire
se trouvent, en réalité, absorbées par la mise en œuvre de la «loi Taubira»,
c'est-à-dire par la volonté de privilégier une approche de «traitement social»
des délinquants, en dehors de l'enceinte pénitentiaire», déplore-t-il.
Et Guillaume Larrivé de mettre en garde: «Votre rapporteur
pour avis ne peut que regretter vivement que le gouvernement ait fait le choix
de privilégier le maintien en liberté, dans le cadre de la contrainte pénale,
de délinquants dont la place est en prison et de procéder à des augmentations
des effectifs de conseillers d'insertion et de probation qui ne permettront pas
d'assurer un contrôle sérieux des condamnés.»
Selon lui, cette politique se fait «au détriment de la
poursuite d'un programme immobilier adapté aux besoins de notre pays et de la
sécurisation de nos établissements pénitentiaires.» Les crédits seraient mieux
employés, conclut-il, «s'ils étaient affectés à la mise en place d'un véritable
plan de lutte contre la radicalisation islamiste dans les prisons qui reste à
bâtir. »
La rédaction vous conseille :
Les deux visages de la radicalisation islamiste en France (16.06.2014)
Manifestation à Paris en 2010 au moment du vote de la loi
sur la burqa intégrale.
Par Marc Trévidic
Mis à jour le 16/06/2014 à 17h21 | Publié le 16/06/2014 à
08h58
FIGAROVOX/OPINION - Thibault de Montbrial, Marc Trévidic et
Jean-Charles Brisard analysent les menaces que les revendications
communautaires des musulmans les plus radicaux font peser sur la société
française.
Thibault de Montbrial est avocat au barreau de Paris
Marc Trévidic est juge d'instruction antiterroriste au
tribunal de grande instance de Paris
Jean- Charles Brisard est consultant international en
matière de terrorisme
Si les événements récents ont attiré l'attention sur la
gravité de la menace directe représentée par les centaines de djihadistes de
retour de Syrie, la multiplication des revendications communautaristes sur
notre territoire constitue une facette moins spectaculaire, mais tout aussi
inquiétante, de la radicalisation d'une partie de la jeunesse musulmane de
France.
Le parcours de Mehdi Nemmouche a focalisé le débat sur la
radicalisation en prison, mais il convient de ne pas occulter l'ensemble des
autres facteurs et lieux d'expression de cette radicalisation ; si on a
beaucoup parlé d'Internet, il est également nécessaire de mentionner les foyers
salafistes qui se développent de façon inquiétante sur certaines parties de
notre territoire (Yvelines, région toulousaine ou Sud-Est notamment).
Cette radicalisation n'est nullement l'expression d'un
«mal-vivre» sociétal de la part d'une communauté parfaitement intégrée, mais
l'outil politique d'une frange extrémiste qui livre une guerre idéologique
insidieuse sur notre sol.
Son principal vecteur est la revendication politique, arme
de destruction massive de nos valeurs et notre fondement républicain.
Il faut entendre les contrevenantes à la loi de 2011
interdisant le voile intégral (souvent converties de fraîche date) expliquer
placidement à leurs juges qu'elles considèrent que la charia prime sur la loi
de la République française. Il faut écouter les témoignages de ces élus locaux
confrontés à des exigences communautaires toujours plus importantes.
Face à ces comportements offensifs, il est essentiel de
conserver à l'esprit que la Loi régit les règles de vie au sein de la société.
Ce qui relève de l'organisation sociale relève donc par essence du domaine
politique. On comprend dès lors que sous le vernis des droits précités, les
revendications judiciaires ou administratives en question ont en réalité un
caractère politique et comme telles, devraient pouvoir faire l'objet d'un débat
sur ce terrain. L'enjeu est majeur.
On mesure ainsi le piège habilement tendu par ceux qui
brandissent la discrimination comme anathème pour discréditer à la racine les
lanceurs d'alerte sur cet enjeu majeur. De fait, le piège fonctionne, puisque
ce débat demeure largement tabou au nom de l'injonction selon laquelle «il ne
faut pas stigmatiser», navrante autocensure qui paralyse tant d'acteurs et de
responsables publics, à commencer par ceux de la communauté musulmane qui,
rechignant à dénoncer et bannir l'instrumentalisation de la religion à des fins
de violence politique au nom du même principe, font involontairement le jeu des
extrémistes qui sont pourtant les principaux ennemis de l'islam.
La polémique née aux États-Unis de la projection d'un film
par le Musée du 11 Septembre sur l'histoire du terrorisme islamiste l'a
récemment montré. Des associations musulmanes réclamaient ni plus ni moins la
suppression des termes «islamiste» et «djihad». De la réécriture de l'histoire
au révisionnisme, il n'y a qu'un pas auquel le musée n'a pas cédé, fût-ce au
nom d'une prétendue «stigmatisation».
Il est désormais crucial que tous, aussi bien les magistrats
de l'ordre judiciaire ou administratif que les élus de la République, prennent
conscience de ce que chacun de ces comportements constitue un test de résistance
de la détermination de notre corps social à défendre son système de valeurs.
Ceux qui seraient tentés de céder - l'arrêt dit «Baby-Loup» rendu le 19 mars
2013 par la Cour de cassation apparaît à cet égard très inquiétant - au
prétexte du caractère apparemment mineur ou anodin de telle ou telle
revendication, conforteront les intéressés dans leur conviction de la faiblesse
de notre système. Ils se heurteront demain à l'argument du précédent ainsi
créé, et à la force du communautarisme que chaque renoncement contribue à
renforcer. Face à de tels comportements, Alexis de Tocqueville nous enseigne de
toujours «rester forts». La République doit demeurer ce socle commun et
intangible qui éteint les feux du fanatisme.
Céder à de telles revendications au nom de l'invocation
dévoyée des valeurs, principes et libertés qui sont le résultat de siècles de
construction de notre civilisation occidentale, qu'au contraire il nous
appartient à tous de défendre, c'est exposer notre société à des
bouleversements radicaux susceptibles de remettre en cause notre paix sociale.
Qu'elle déborde sur une dérive terroriste ou qu'elle se
contente de revendications politiques, cette radicalisation islamiste constitue
une menace réelle que l'on aurait bien tort de sous-estimer par aveuglement ou
de minorer par convenance.
Le plan Taubira pour réformer les prisons (07.05.2014)
Christiane Taubira lors d'une visite à la prison de
Nanterre, fin avril.
Par Angélique Négroni
Mis à jour le 07/05/2014 à 13h35 | Publié le 07/05/2014 à 13h28
Le 28 avril dernier, le personnel surveillant des prisons a
été invité à plancher sur des pistes de travail que leur ont soumis leur
administration. Objectif : réformer le fonctionnement des maisons centrales en
France. Des pistes de réflexion ont été proposées et sont diversement
appréciées.
Faire jardiner les prisonniers dangereux, les mettre en
contact avec des animaux pour les calmer et les faire travailler sur des
activités de patience comme l'horlogerie ou la marqueterie…. Le 28 avril
dernier, le personnel surveillant des prisons a été invité à plancher sur des
pistes de travail que leur ont soumis leur administration.
Cette première réunion, qui sera suivie de plusieurs autres
avant l'été, est destinée à mettre sur pied un projet en vue de réformer le
fonctionnement des maisons centrales en France, comme l'envisage la ministre de
la justice, Christiane Taubira.
Fin du régime «des portes ouvertes»
Dévoilé par Le Parisien, ce rapport qui renferme donc
diverses suggestions prévoit notamment de créer des maisons centrales en
fonction du profil de dangerosité des détenus. Quatre niveaux seraient
envisagés avec à chaque fois un encadrement disciplinaire adapté. Il est
également prévu de mettre fin au régime «des portes ouvertes», en maison
centrale qui permet parfois aux détenus de circuler librement dans les
coursives. En parallèle, il s'agirait de développer des activités avec au
programme jardinage, horlogerie, marqueterie. Dans le but de calmer les
détenus, ces derniers pourraient être mis en contact avec des animaux.
Autre point proposé : l'attractivité du travail en maison
centrale par le biais d'une meilleure rémunération. Difficile, la mission
entraîne aujourd'hui un turnover important du personnel et, boudée, elle est
attribuée aux stagiaires sortis d'école.
À ce jour, le principe d'une réflexion pour améliorer les
maisons centrales est favorablement accueilli par les syndicats même si
l'Ufap-Unsa-Justice critique la méthode. «Nous aurions préféré partir d'une
page blanche plutôt que de travailler dans un cadre défini», souligne son
secrétaire général adjoint, Claude Tournel.
Poudre aux yeux
Le contenu de ce rapport est par ailleurs diversement
apprécié. Pour Emmanuel Gauthrin, secrétaire général FO-personnel en tenue,
l'attribution de catégories décernées aux établissements va dans le bons sens.
«On ne peut proposer le même encadrement et les mêmes activités à tous les
détenus qui offrent de profils bien différents», dit-il. Ainsi le jardinage qui
existe déjà dans certains établissements ne peut être généralisé, la pioche et
la pelle ne pouvant être remises entre toutes les mains… Or pour Jimmy
Delliste, secrétaire général du SNP-FO-direction, cette annonce est de la
poudre aux yeux. «Les établissements sont déjà répertoriés selon des
catégories. On met ainsi des profils plus lourds à Moulins et des profils plus
légers à Poissy», dit-il en mettant en garde contre la fin des portes ouvertes.
«En principe, elles doivent rester closes mais, on le sait, il y a des
glissements. C'est le signe sans doute qu‘on ne peut empêcher parfois ce mode
de fonctionnement. Annoncer une fermeture pure et dure peut dangereusement
augmenter un climat de tension». Un point de vue que ne partage pas son
collègue du même syndicat pour le personnel en tenue. «Il faut fermer ces
portes et harmoniser le règlement. C'est déstabilisant pour un détenu d'aller
d'un centre à l'autre et d'être soumis à des régimes différents», estime
Emmanuel Gauthrin qui ajoute: «des détenus veulent aussi garder les portes
fermées pour se protéger des autres».
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