En Centrafrique, les casques bleus sont devenus des cibles (26.07.2017)
En Centrafrique, les
casques bleus sont devenus des cibles (26.07.2017)
Par Tanguy
Berthemet
Mis à jour le 26/07/2017 à 15h29 | Publié le 26/07/2017 à 15h11
Après un premier mort dimanche, deux soldats de la paix
marocains ont été tués mardi à Bangassou, dans une embuscade tendue par des
miliciens chrétiens anti-Balakas. Ces pertes illustrent les extrêmes
difficultés que rencontre la mission de l'ONU dans le pays au moment où il
renoue avec la violence religieuse.
Bangassou est entré dans un nouveau cycle de violence.
Dernier épisode, la mort, mardi matin, de deux casques bleus marocains, tués
dans une embuscade attribuée aux anti-Balakas, des miliciens essentiellement
chrétiens. «L'attaque a eu lieu alors que les casques bleus se ravitaillaient
en eau pour les besoins humanitaires de la ville», précise, dans un communiqué,
la Mission de l'ONU (Minusca).
Les militaires tentaient d'acheminer une citerne d'eau vers la cathédrale où
sont massés environ 2000 réfugiés, pour l'immense majorité des musulmans.
Dimanche, un autre soldat marocain avait été abattu dans des circonstances
parfaitement similaires.
La tension est remontée vendredi dans cette petite ville
située à 700 kilomètres de Bangui. Ce matin-là, une jeune fille aurait été
kidnappée dans le camp de réfugiés par des éléments anti-Balakas. Un nouveau
signe de harcèlement que les déplacés ne vont pas tolérer. Eux, qui campent
dans des conditions très précaires depuis la fin mai et une vaste attaque
anti-Balaka qui a laissé 115 morts, prennent alors en otage quelques membres
d'ONG. Une petite partie des réfugiés sort ensuite des armes et s'en prend aux
locaux de l'évêché, qui pourtant tente de les protéger, et brûle des maisons.
Ce groupe, sans doute conduit par un jeune local, serait depuis caché dans
Tokoyo, le quartier musulman de la ville. «Les réfugiés accusent non sans
raison l'ONU de ne pas assez les protéger. Ils veulent changer de sites, fuir
plus loin. Ils s'énervent», explique une source catholique à Bangui.
Les musulmans perçus comme des complices de leurs
coreligionnaires
La situation a immédiatement servi de prétexte aux nombreux
mouvements anti-Balaka qui contrôlent de facto la ville pour intensifier leurs
raids sanglants contre les civils musulmans, mais aussi contre l'ONU. Dimanche,
la base de la Minusca, située un peu en dehors de Bangassou, a subi des tirs.
Puis dans les jours suivants, trois casques bleus ont été tués. Des morts qui
portent à sept les pertes essuyées par la Minusca à Bangassou.
«C'est simple, ils ne peuvent plus sortir sans se faire
attaquer. Ils sont incapables de remplir en ce moment leur mission. Les
anti-Balakas tentent de priver d'eau et de vivres les réfugiés», résume un
membre d'une ONG qui se dit «très inquiet». La Minusca a annoncé l'envoi de
renforts à Bangassou, sans autre précision. Il n'est pas du tout certain que ce
nouveau contingent soit à même de réellement rétablir l'ordre. Les casques
bleus marocains sont en effet extrêmes décriés par ceux qu'ils sont censés
aidés. «Comme ils sont musulmans et qu'ils ont commis quelques erreurs, ils
sont perçus par les chrétiens comme des complices de leurs coreligionnaires. Et
comme les réfugiés musulmans subissent toujours des attaques, ils accusent
aussi les casques bleus de complicité», se lamente un militaire occidental.
Les difficultés des soldats de la paix pourraient avoir de
graves conséquences. Selon plusieurs sources, des milices ont opéré ces derniers
temps des groupements autour de Bangassou. Des hommes en armes de l'UPC, le
groupe peul dirigé par le général Ali Darassa, sont à l'est de la ville, tandis
qu'un parti Séléka, la rébellion à dominante musulmane, a été vu au nord.
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