samedi 15 juillet 2017

Renaud Girard, Quelle diplomatie pour la France ? (2017)

Au dernier sommet du G-20, qui s'est tenu les 4-5 septembre 2016 à Hangzhou, en Chine, il était frappant de voir à quel point la voix de la France ne portait plus. On peut espérer que la voix de Paris se fasse davantage entendre sur les sujets diplomatiques classiques. Il n'en a rien été hélas au cours du quinquennat de François Hollande, comme l'a montré l'absence de la France dans le règlement du dossier de la Syrie, dont elle fut pourtant jadis la puissance mandataire. Pour qu'elle soit audible, une politique étrangère française doit viser la défense de nos intérêts à moyen et long terme ; elle doit regarder le monde sous l'angle des réalités et des rapports de force et non sous celui de la leçon de morale. Elle doit reposer sur cinq grands axes : - Savoir désigner notre ennemi principal (l'islamisme radical sunnite) et nouer toutes les alliances locales nécessaires pour le détruire ; - Jouer le médiateur entre Ryad et Téhéran, pour faire la paix entre sunnites et chiites (cette guerre de religion peut provoquer des dégâts secondaires imprévus et importants jusque dans notre monde occidental) ; - Ramener la Russie dans la famille européenne (afin de l'arracher des bras de la Chine) ; - Faire de l'UE une Europe puissance, capable de résister à l'hégémonie juridique et financière américaine, comme au dumping commercial chinois ; - Reconstruire une grande politique africaine, fondé sur des partenariats de développement agricole et industriel avec tous les Etats africains s'engageant à lutter contre le trafic d'êtres humains, à contrôler leurs frontières et à donner du travail à leurs jeunes. Plus avancera la campagne pour l'élection présidentielle de mai 2017, plus le débat sur la politique étrangère se fera intense.

Renaud Girard est géopoliticien, grand reporter et correspondant de guerre. Chroniqueur international du Figaro, journal pour lequel il a couvert les principaux conflits de la planète depuis 1984, il est également professeur de Stratégie à Sciences Po Paris. Il est notamment l'auteur de Retour à Peshawar (éd. Grasset, 2010), Le Monde en guerre (éd. Montparnasse, 2016) et vient de publier Quelle diplomatie pour la France? (éd. du Cerf, 2017).


Quels sont les grands dossiers de la France à l'ONU ? (10.09.2017)

Par Renaud Girard
Publié le 10/09/2017 à 17h04

INFOGRAPHIE - L'Assemblée générale de l'ONU s'ouvrira mardi. Paris est à la manœuvre pour obtenir des progrès sur cinq dossiers.

Le 12 septembre s'ouvrira la 72e session de l'Assemblée générale de l'ONU, à son siège de New York, donnant sur les eaux grises de l'East River. C'est le plus grand rendez-vous diplomatique de la planète. La majorité des chefs d'État ou de gouvernement des 193 pays membres de l'Organisation y prendront la parole. La France aime l'ONU, car son poids dans l'institution y est supérieur à son poids réel dans le monde. Elle est l'un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité dotés du droit de veto. Dans cette organisation qui fait le droit international, le français y a le même statut de «langue de travail» que l'anglais. Le patron des opérations de maintien de la paix (les Casques bleus) est traditionnellement un haut fonctionnaire français. L'ONU peut en outre fonctionner comme une formidable caisse de résonance pour la diplomatie française, comme l'a montré le discours de Dominique de Villepin du 14 février 2003 dans l'enceinte du Conseil de sécurité, avertissant solennellement les États-Unis qu'ils commettraient une erreur historique à envahir l'Irak. Voilà pourquoi le Quai d'Orsay y nomme des diplomates de toute première qualité comme représentants de la France, à l'image de l'actuel ambassadeur François Delattre.

Il y a bien sûr des crises qui, aux yeux de la France, se traitent plus efficacement dans un autre cadre que celui de l'ONU. C'est par exemple le cas de la crise ukrainienne, pour laquelle Paris a inventé le cadre de négociation particulier du «format Normandie» qui, depuis le 6 juin 2014, réunit périodiquement la France, l'Allemagne, la Russie et l'Ukraine. Mais l'ONU demeure le terrain d'action privilégié de la diplomatie française: il y a actuellement cinq grands dossiers que Paris espère y faire avancer.

1.La dénucléarisation de l'Iran est-elle la clé du retour à la stabilité du Golfe Persique?

Initié par l'Union européenne, porté par la vision du président Obama et la diplomatie de son secrétaire d'État John Kerry, l'accord historique de dénucléarisation militaire volontaire iranienne du 14 juillet 2015 a été négocié dans un cadre onusien. Face à la délégation iranienne, on trouvait celles des cinq membres permanents du Conseil de sécurité (le P5, soit les États-Unis, la Chine, la Russie, la France et le Royaume-Uni) et de l'Allemagne. La France s'est montrée exigeante techniquement dans la négociation avec l'Iran, mais maintenant qu'il est signé, elle veut l'application totale et sincère de cet accord où, en échange de la levée des sanctions internationales, l'Iran a plafonné son stock de matières fissiles, sous le strict contrôle de l'Agence internationale de l'énergie atomique de Vienne. La France fera tout ce qui est en son pouvoir pour protéger cet accord. Or l'Administration Trump, avec le soutien d'une partie du Congrès, cherche actuellement toutes sortes de prétextes pour déchirer ce traité, honni par Israël, mais que l'Iran applique à la lettre. Une telle hypothèse entraînerait mécaniquement l'Iran à se doter de la bombe atomique, avec des risques considérables de provoquer une nouvelle grande guerre dans le Golfe. La France considère qu'il est dans son intérêt de faire au contraire baisser la tension dans cette région, dont les deux principales puissances, l'Arabie saoudite et l'Iran, ne se parlent plus et s'affrontent militairement, par protégés interposés, pour le contrôle du Yémen. La France y soutient toutes les initiatives portées par l'envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU, le Mauritanien Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, pour trouver un terrain de négociation politique entre le gouvernement yéménite et les rebelles houthistes qui tiennent la capitale Sanaa.

2. Comment mettre fin à la guerre en Syrie?

Cela fait six ans que dure la guerre civile en Syrie, sans que l'ONU ait pu faire grand-chose pour l'arrêter. Il est vrai que, dès le début des affrontements armés entre les défenseurs du régime baasiste et ses adversaires, le Conseil de sécurité s'est trouvé paralysé, alors même qu'étaient déjà patentes les ingérences extérieures (la Turquie et les États sunnites du Golfe du côté des rebelles ; l'Iran, le Hezbollah libanais et la Russie du côté du régime). 

Au sein du Conseil de sécurité, toutes les initiatives concrètes présentées par les Occidentaux furent rejetées par la Russie et la Chine. Moscou et Pékin reprochèrent en effet à l'Occident d'avoir violé la résolution du Conseil de mars 2011 sur la Libye, en la faisant glisser subrepticement de la «protection des populations civiles» au «changement de régime». Les Russes et les Chinois estiment que le rôle de l'ONU est toujours de maintenir la paix entre les États, mais jamais d'imposer la démocratie par la force des armes dans chacun d'eux. 

Après que la ville d'Alep eut été reprise entièrement aux rebelles, des négociations de cessez-le-feu, parrainées par la Russie, la Turquie et l'Iran, se sont engagées à Astana (Kazakhstan) entre les rebelles (sauf l'État islamique) et les représentants du régime. Les combattants se sont accordés sur le principe de la création de quatre zones de désescalade (dans les régions d'Idlib, de Homs, de la Ghouta et de Deraa), d'accès libre pour les convois humanitaires, mais ils ne parviennent toujours pas à se mettre d'accord sur leurs délimitations exactes et surtout sur la nationalité des policiers qui seraient déployés sur place pour garantir le bon respect de l'accord. 

La France militera dans un premier temps pour que l'ONU entérine les avancées d'Astana et dans un second temps (qui paraît encore lointain) pour qu'on puisse se diriger vers un gouvernement de transition à Damas, comprenant des représentants du régime et de l'opposition.

3. La sécurisation de l'espace sahélien passe-t-elle par le rétablissement d'un État en Libye?

Ayant été à l'origine de la destruction physique de la dictature de Kadhafi en 2011, la France se sent des responsabilités particulières en Libye, pays plongé dans le chaos, devenu à la fois un sanctuaire pour combattants islamistes et une plaque tournante du trafic d'êtres humains entre l'Afrique noire et l'Europe. 

La France a organisé la médiation de La Celle-Saint-Cloud du 25 juillet 2017 entre le général Haftar, représentant la réalité du pouvoir en Cyrénaïque, et le président du gouvernement Fayez Sarraj, incarnant la légalité internationale à Tripoli. En se rendant longuement en Libye au début de ce mois de septembre, Jean-Yves Le Drian a montré quelle importance il attachait à ce dossier. 

La France est le principal soutien financier et politique du G5 du Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Tchad et Burkina Faso). Cet organisme de coopération sécuritaire et économique créé en février 2014 n'a cessé d'alerter Paris sur les conséquences du chaos libyen. 

La France soutiendra non seulement la mission de l'envoyé spécial en Libye Ghassan Salamé (l'ancien doyen de la faculté de Relations internationales de Sciences Po), mais militera aussi pour que l'ONU prenne sous son manteau le G5 du Sahel.

4. Comment trouver une solution pacifique à la crise congolaise?

La RDC, le plus grand pays francophone d'Afrique, est en train de plonger dans le chaos, malgré la présence des 17.000 Casques bleus de la Monusco, qui est actuellement la plus vaste mission de maintien de la paix dans le monde. Dans la région centrale du Kasaï, on ne cesse de découvrir de nouveaux charniers et l'insécurité a fait près de deux millions de déplacés. 

La crise est le résultat de quinze ans d'exercice désinvolte et prédateur du pouvoir par le clan de Joseph Kabila. Le problème est que le jeune président s'accroche au pouvoir, en violation de la Constitution qu'il a lui-même promulguée. 

Trouvé après des manifestations réprimées dans le sang, l'accord de la Saint-Sylvestre 2016, passé entre l'opposition et le gouvernement sous l'égide de l'Église catholique, a donné une année de plus à Kabila pour organiser les élections et a été entériné par la résolution 2 348 du Conseil de sécurité. 

À l'ONU, la France fera pression pour que Kabila cesse d'atermoyer et organise des élections en décembre 2017, ignorant ses prétextes (manque de budget, insécurité) ou son lobbying économique. Elle demandera que la Monusco s'implique davantage dans la protection des candidats à la présidentielle. Aujourd'hui, l'opposant le plus populaire, l'ex-gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, a été forcé à l'exil et il mettrait sa vie en danger à revenir dans son pays.

5. Comment faire respecter la mise en œuvre des accords de Paris sur le changement climatique?

La France militera pour que l'application, par les États membres, de l'accord historique de décembre 2015 signé à Paris soit suivie jour après jour par les instances de l'ONU. Il faut relativiser l'impact de la déclaration du président Donald Trump du 1er juin 2017, revenant sur la signature des États-Unis. Comme les engagements des pays en matière climatique sont essentiellement volontaires, il est très possible que l'Amérique, après le traumatisme des ouragans Harvey et Irma, change à nouveau de direction, pour se conformer à l'esprit de l'accord de Paris, sinon à sa lettre.

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Renaud Girard : « La destruction de l'EI ne changerait rien à la situation française » (14.07.2017)

Par Vianney Passot Mis à jour le 14/07/2017 à 10:07 Publié le 13/07/2017 à 20:48
Renaud Girard : « La destruction de l'EI ne changerait rien à la situation française »

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN - Mossoul a été reprise cette semaine aux forces de l'État islamique. À cette occasion, Renaud Girard fait le point pour FigaroVox sur la situation des conflits en Irak, en Syrie et dans l'ensemble du Moyen-Orient et rappelle la nécessité d'un retour durable au réalisme diplomatique.

FIGAROVOX.- Les forces irakiennes ont repris Mossoul aux djihadistes de l'État islamique, qui contrôlait la ville depuis trois ans et en avait fait sa capitale. En Syrie, les Kurdes sont tout proches de reprendre la ville de Raqqa. Certaines sources affirment que le chef de l'EI, Abou Bakr al-Baghdadi, est mort. Est-ce la fin de l'État islamique ?

Renaud GIRARD.- Non.

Faisons un peu de chronologie. L'EI a conquis Mossoul et proclamé le Califat en 2014, mais l'EI avait été créé dès 2006. D'ailleurs, sa vraie origine remonte à la création d'Al-Qaeda en Mésopotamie en 2003, dont «État Islamique» n'a été que le nouveau nom. L'EI a existé avant la proclamation du Califat et la conquête de Mossoul, l'EI continuera d'exister après la chute de Mossoul.

Il s'agit d'une organisation résiliente et fluide. La bataille de Mossoul a été tellement longue et son issue finale tellement prévisible que Daech a eu tout le temps d'anticiper la chute de sa capitale irakienne et de prendre les dispositions qui s'imposaient pour assurer sa survie.

Comme l'analyse le Général américain David Petraeus, «sur le plan militaire, même après la chute de Mossoul, Daech restera une menace importante dans quelques fiefs secondaires comme Hawidjah et même à Bagdad, où il dispose toujours de cellules actives capables de perpétrer des attentats majeurs.»

Et l'EI continuera d'autant plus à exister que les problèmes structurels qui ont permis son développement sont loin d'être réglés : marginalisation des sunnites irakiens, faiblesse de l'État central irakien, force de l'idéologie salafiste...

Quid de la mort possible d'al-Baghdadi ? Revenons un peu sur l'organigramme de l'EI. Tous les dirigeants de cette organisation sont irakiens (et non pas syriens). L'EI est une organisation irakienne, qui a profité de manière opportuniste et tardive du chaos syrien pour s'implanter en Syrie après 2011. Mais il faut savoir que l'EI est un monstre bicéphale. Al-Baghdadi, la première tête du monstre, s'occupait des affaires religieuses, de la police des mœurs et assurait une visibilité médiatique au mouvement. C'était le grand méchant. Mais, dans l'ombre, il existe une deuxième tête. Ce sont les anciens officiers de l'armée de Saddam Hussein et ce sont eux qui s'occupent des affaires militaires. Ces hommes sont avant tout des sunnites. Sous la dictature de Saddam Hussein, la laïcité du parti Baas était le meilleur moyen de défendre les intérêts de la minorité sunnite. Ils étaient donc baassistes. Aujourd'hui que le baassisme s'est effondré et que les sunnites irakiens ont perdu leur prédominance politique (qu'ils détenaient depuis le Mandat britannique en 1920 jusqu'à l'invasion américaine en 2003), c'est le djihadisme qui leur semble la meilleure idéologie pour défendre la communauté sunnite face aux chiites. Derrière le changement d'oripeaux idéologiques, il y a une continuité de leur appartenance sunnite. C'est grâce à eux que l'EI a pu avoir une efficacité militaire. Et eux, rien ne prouve qu'ils soient tous morts.

Bien sûr, la chute de Mossoul porte un rude coup à l'image de l'EI. Il est donc possible que l'EI change de nom, mais sous son nom ou sous un autre, l'EI continuera d'exister.

La prise de Raqqa, en plus de celle de Mossoul, serait-elle une victoire totale pour les Occidentaux?

La prise de Raqqa, en plus de celle de Mossoul, serait en effet a priori une excellente nouvelle pour les Occidentaux. Et ce d'autant plus que l'essentiel des djihadistes occidentaux (notamment français) se trouve en Syrie (et non en Irak). Cependant, il ne s'agirait pas d'une victoire totale, pour les raisons que j'ai expliquées plus haut.

On peut envisager deux théories. La première théorie est celle qui considère que la prise de Raqqa et de Mossoul est une bonne chose. La seconde théorie est celle qui considère que, finalement, Raqqa et Mossoul, constituaient des points d'ancrage territoriaux qui permettaient de fixer les terroristes. Comme une sorte de réserve indienne qui les empêchait de se répandre partout sans contrôle. On pourrait prendre la métaphore des punaises : il vaut mieux éviter de les écraser, car alors elles répandent leurs œufs partout, qui éclosent ensuite.

Entre ces deux théories, je ne peux pas trancher. Le problème de la géopolitique et de l'histoire, c'est que (contrairement aux sciences dures) on ne peut pas refaire l'expérience. C'est-à-dire qu'on ne peut pas faire une expérience dans laquelle Mossoul ne tomberait pas pour voir ce qui se passerait.

Mais, le gouvernement irakien ne pouvait de toute façon pas accepter l'existence d'un tel micro-État terroriste sur son sol. De même, les États-Unis ne pouvaient pas accepter que leur intervention militaire de 2003 aboutisse à la création d'un sanctuaire terroriste pérenne en Irak.

Toutefois une chose est sûre : il faudra gérer l'après-Mossoul et l'après-Raqqa avec l'éventuel retour des djihadistes européens. Pour cela, il faut un renseignement de qualité. Et, une fois le renseignement obtenu, il faut intervenir avec célérité et (j'ose le dire) brutalité. Avec une seule idée en tête : la préservation de nos intérêts et de notre sécurité.

Les Kurdes ne risquent-ils pas, une fois l'EI vaincu en Syrie, de devenir à leur tour incontrôlables et de provoquer de nouveaux conflits ?

En ce qui concerne les Kurdes, il faut faire plusieurs remarques.

Tout d'abord, les Kurdes ont toujours été incontrôlables. Cela leur a d'ailleurs valu d'être instrumentalisés à de nombreuses reprises par le passé. Ainsi les Kurdes de Turquie ont été utilisés par la Syrie d'Hafez el-Assad (le père de Bachar) pour déstabiliser la Turquie. Durant la Guerre Irak-Iran (1980-1988), les Kurdes irakiens étaient soutenus par l'Iran et les Kurdes iraniens par l'Irak de Saddam Hussein.

Ensuite, les Kurdes n'auront jamais d'État. Il n'existera jamais un grand État indépendant, un Kurdistan qui regrouperait les Kurdes d'Irak, de Syrie, d'Iran et de Turquie. En 1920, le Traité de Sèvres prévoyait le démantèlement de la Turquie et la naissance d'un Kurdistan indépendant. Mais la résistance nationaliste de Mustafa Kemal rendit caduc ce projet. Aujourd'hui, la création d'un Kurdistan est impossible. D'une part, les grands acteurs régionaux (Turquie, Iran…) y sont bien sûr opposés. Et on assiste aujourd'hui à un rapprochement entre l'Iran et la Turquie (Ankara et Téhéran soutiennent tous deux par exemple le Qatar) qui ne va pas dans le sens des intérêts des Kurdes de Syrie. De même la réconciliation de 2016 entre la Turquie (qui leur est hostile) et la Russie (qui leur est favorable) ne faisait déjà pas les affaires des Kurdes syriens. Et, il faut dire quelque chose de triste ici. La résistance héroïque des Kurdes syriens face à Daech leur avait donné en 2015 une aura médiatique en Occident, tout à fait légitime. Mais, hélas, le déclin de l'EI diminue grandement leur intérêt stratégique aux yeux des Occidentaux. D'autre part, les Kurdes sont bien trop divisés entre eux. Par exemple, les Kurdes irakiens sont eux-mêmes très divisés. Ainsi, le PDK de Massoud Barzani, soutenu par la Turquie, s'oppose à l'UPK de Jalal Talabani, soutenu par l'Iran. De plus, les Kurdes irakiens de Barzani, qui contrôlent le Kurdistan irakien et sont les clients d'Erdogan, sont très opposés aux Kurdes de Turquie et de Syrie, militant au PKK et au PYD, hostiles au gouvernement turc.

Entre les intérêts turcs et les intérêts des Kurdes de Syrie, les États-Unis et la Russie vont couper la poire en deux. Ils n'accepteront pas que l'armée turque pénètre en profondeur dans la zone kurde syrienne. En contrepartie, ils ne soutiendront pas la création d'un Kurdistan indépendant et ils laisseront les Turcs agir pour que les Kurdes syriens n'aient ni accès à la mer, ni continuité territoriale entre les deux zones séparées qu'ils contrôlent aujourd'hui. On va donc assister à une pérennisation du statu quo : un Kurdistan syrien autonome mais pas indépendant, coupé en deux, sans accès à la mer, dont on n'acceptera ni qu'il s'étende (ce que souhaiteraient pourtant ses dirigeants) ni qu'il soit détruit (ce que souhaiterait pourtant la Turquie).

Enfin, il faut noter que les Kurdes syriens s'appuient sur leurs propres forces. Ils ont fait preuve d'un grand courage à la bataille de Kobané en 2015. Ils ont leurs propres intérêts et leur propre agenda. Ils ne sont les laquais de personne.

Enfin, je ne pense pas que les Kurdes syriens provoqueront de nouveaux conflits. Certes incontrôlables, ils ont toutefois deux grandes qualités. D'une part, ils sont très disciplinés, qualité que ces combattants crypto-marxistes partagent avec leur allié objectif qu'est le Hezbollah libanais. D'autre part, ils sont réalistes. Depuis 2011, les Kurdes syriens sont les alliés de Bachar el-Assad. Ainsi, dans Alep reconquise, Damas a accepté la présence politique des Kurdes. Si la Syrie retrouve un jour la paix et parvient à échapper à la partition, avec un État contrôlé par le clan el-Assad, il est certain que cet État sera cependant différent de ce qu'il était avant la Guerre civile. Il s'agira d'un État fédéral, dans lequel les Kurdes bénéficieront d'un territoire autonome. Dans une telle configuration, ni les Kurdes, ni le clan el-Assad (qui sont alliés) n'auraient intérêt à s'affronter et à replonger le pays dans la guerre.

Les rebelles hostiles à Bachar el-Assad et le clan el-Assad ont des vues différentes sur l'organisation de la société syrienne et c'est pour cela qu'ils se font la guerre. Au contraire, les Kurdes syriens et le gouvernement de Bachar el-Assad possèdent un même attachement à la laïcité (qui est une protection pour les minorités - qu'elles soient kurde, alaouite ou encore druze ou chrétienne - face à la masse des Arabes sunnites). De plus, les ambitions des Kurdes ne concernent que la région kurde et pas l'ensemble de la société syrienne. Les Kurdes peuvent très bien s'accommoder du maintien du clan el-Assad à Damas. Les prétentions des Kurdes se restreignent donc à une partie du territoire syrien, contrairement à la Rébellion qui entend chasser le clan el-Assad pour prendre sa place et réorganiser la société syrienne.

Cependant, d'un point de vue strictement humanitaire, il faudra faire attention à la tentation de la purification ethnique (arabe ou kurde) qui pourrait voir le jour dans les zones limitrophes qui sépareront la zone autonome des Kurdes de la zone arabe.

Quelles sont les prochaines grandes étapes pour vaincre l'EI ?

Il est possible de dessiner un programme en trois étapes.

Tout d'abord, après la chute de Mossoul, il faudra continuer d'assurer la lutte militaire contre l'EI en Syrie et en Irak. Et ce jusqu'à la totale destruction de cette organisation. Comme je l'ai dit, l'EI a eu le temps d'anticiper et de préparer la chute finale de Mossoul. L'EI est un ennemi polymorphe, fluide, opportuniste et mouvant. Il va revenir à une tactique de guérilla désertique.

Ensuite, pour parvenir à la destruction totale de l'EI et à l'extirpation du mal, il faudra associer les populations locales (notamment les tribus sunnites) à la lutte contre l'EI.

Enfin, détruire les branches de l'EI qui existent dans d'autres régions du monde. Notamment au Sahel, en Somalie, en Afghanistan et au sud des Philippines. Là aussi, il faudra s'appuyer partout sur des acteurs locaux. Par exemple, les Touaregs dans le Sahel.

La coalition internationale contre Daech en Irak et en Syrie réunit plus de soixante États. Qui en sont les principaux acteurs ? Quelle est la place de la France dans cette coalition ?

Les principaux acteurs de la Coalition internationale contre Daech sont les États-Unis (fer de lance de cette coalition), la France, le Royaume-Uni, l'Arabie Saoudite, les Émirats arabes unis (vraie puissance militaire montante du Golfe), la Jordanie (un pilote jordanien avait été ainsi capturé et brûlé vif par Daech en 2015).

La France participe à la coalition à hauteur de 1200 hommes. Elle contribue à la campagne aérienne, à des missions de renseignement et à la formation des militaires irakiens et des Kurdes peshmergas. Elle fournit un appui notable à l'armée irakienne dans le domaine de l'artillerie.

Trois remarques sur cette Coalition.

Première remarque, la Turquie (qui pourrait jouer un rôle fondamental grâce à sa position géographique et à son poids militaire) s'est très peu engagé dans la lutte contre Daech en Syrie et en Irak.

Deuxième remarque, la Russie mène une action très efficace contre Daech et Al-Nosra, mais en dehors du cadre de la Coalition (qui est en fait une coalition occidentale et arabe). Pour gagner en efficacité dans la lutte contre le djihadisme sunnite, qui est notre ennemi principal (car c'est lui qui tue nos enfants dans nos rues), il faudrait fusionner l'opération russe et l'opération de la Coalition. On voit bien que la Russie et l'Occident partagent une culture commune et des intérêts communs (notamment la lutte contre le djihadisme): il faut donc, plus largement, ramener la Russie dans la famille occidentale.

Troisième remarque, l'Arabie Saoudite fait partie de la Coalition internationale contre l'EI. C'est une très bonne nouvelle. Mais il faudrait également que les autorités saoudiennes prennent les mesures nécessaires pour empêcher de riches particuliers saoudiens de financer le terrorisme.

Quels sont les enjeux diplomatiques liés au conflit irakien pour la France ?

Pour la France, l'enjeu en Irak est surtout militaire et sécuritaire. Il n'y a pas de gros enjeu diplomatique.

Cependant, la France peut constituer l'allié idéal pour l'Irak. En effet, la France a une tradition d'influence au Moyen-Orient et d'intérêt pour cette région. Elle a su adopter des positions modérées (par exemple sur le conflit israélo-palestinien ou dans son opposition à la Guerre d'Irak de 2003) qui l'ont rendue populaire auprès des populations arabes. Elle incarne une forme d'équilibre, attentive aux intérêts arabes. Mais en même temps, elle n'a aucun projet impérialiste sur cette région et tout le monde le sait bien. Contrairement aux États-Unis, elle n'a pas envahi l'Irak et elle s'est même opposée à la Guerre en Irak de 2003. La France n'excite pas le ressentiment nationaliste irakien. Il n'y a donc pas de contentieux avec l'Irak et on ne redoute aucune agression de notre part.

Alors que la France a eu des positions néoconservatrices et anti-iraniennes sous la présidence de François Hollande (2012 - 2017), notamment lorsque Laurent Fabius était au Quai d'Orsay (2012 - 2014), il semble qu'elle adopte aujourd'hui une ligne plus réaliste et plus pragmatique (comme le laissent penser la venue de Vladimir Poutine et de Donald Trump en France ainsi que les déclarations d'Emmanuel Macron et de Jean-Yves Le Drian) et donc moins anti-iranienne (comme le laisse penser la signature d'un contrat de 4,8 milliards de dollars par Total en Iran).

Si elle venait à se confirmer, cette détente avec l'Iran renforcerait encore le statut d'allié idéal de la France vis-à-vis de l'Irak. Comme le gouvernement irakien est chiite et soutenu par l'Iran, notre collaboration est moins problématique que la collaboration des États-Unis, qui affichent des positions anti-iraniennes et s'inquiètent de la montée d'un hégémonisme irano-chiite. Il y aurait alors un cercle vertueux. Notre engagement aux côtés du gouvernement irakien aiderait à la détente avec l'Iran et la détente avec l'Iran renforcerait encore notre collaboration avec l'Irak.

Donald Trump a affirmé que les jours de l'EI étaient comptés. S'il est vaincu, il faudra stabiliser durablement la zone. Peut-on empêcher l'émergence de nouveaux conflits et de nouvelles formes de terrorisme islamiste dans cette région ? Comment ?

Je pense que l'épisode de la domination de Daech sur Mossoul nous apprend une chose. En géopolitique, il vaut mieux prévenir que guérir. La prévention a un coût mille fois inférieur. Certes, Mossoul est reconquise… mais à quel prix ! Comme Alep, elle est détruite. Il aurait évidemment mieux valu que Daech ne la conquière jamais. La lutte a été inexpiable, car les djihadistes avaient creusé tout un réseau de tunnels, prenaient des civils en otage, multipliaient les pièges. En janvier 2014, l'EI s'emparait de Falloujah. J'avais d'ailleurs alors consacré ma chronique hebdomadaire du Figaro à cet épisode. Et l'EI n'a pris Mossoul que cinq mois plus tard, à l'été 2014. Pendant, ce laps de temps, les États-Unis, alertés par la chute de Falloujah, auraient dû intervenir contre Daech.

S'ils avaient agi ainsi, Mossoul (deuxième ville d'Irak !) ne serait pas tombée, Daech n'en aurait pas fait sa capitale et n'y aurait pas exercé son ubuesque dictature, les chrétiens mossouliotes y vivraient encore, la restauration du Califat n'aurait pu être proclamée et la ville n'aurait pas été détruite par une longue reconquête. Mais Washington, pour des raisons de pure politique intérieure, a préféré ne pas intervenir après la chute de Falloujah, alors que la politique extérieure devrait toujours être indépendante des considérations intérieures. En Irak, les États-Unis ont agi en dépit du bon sens. En 2003, ils sont intervenus alors qu'ils n'auraient pas dû. Au début de 2014, ils n'ont pas bougé alors qu'ils auraient dû intervenir. On connaît la suite.

Déjà, dans les Balkans, nous avions vu le coût exorbitant de la non-prévention. Le 3 janvier 1992, la Serbie et la Croatie signaient un accord de cessez-le-feu. Le 6 avril 1992, la guerre de Bosnie éclatait. Il aurait fallu mettre ces trois mois à profit pour prévenir l'éclatement de la guerre en Bosnie. Nous ne l'avons pas fait, nous en avons payé le prix.

Dans la crise ukrainienne, la prévention aurait pu faciliter bien des choses. Si l'accord intra-ukrainien de Kiev du 21 février 2014, avait été mieux appliqué par ses parrains, la France, l'Allemagne et la Pologne, les événements n'auraient pas dégénérés dans l'annexion de la Crimée en mars, puis dans l'ingérence militaire russe dans le combat à partir de l'été 2014.

Essayons avant tout de ne plus oublier cette importance de la prévention dans notre politique moyen-orientale ! Le renseignement et la prévention doivent être les deux mamelles de notre politique.

Maintenant, quatre directions peuvent être évoquées pour stabiliser la région.

Tout d'abord, le renforcement des États pour contrôler les frontières et lutter contre l'insécurité galopante.

Ensuite, l'empowerment des sunnites irakiens. En 2007, Petraeus a brisé Al-Qaeda en Irak en détachant les tribus sunnites d'Al-Qaeda et en les utilisant - moyennant finances - contre elle. Quand les Américains ont quitté l'Irak, les sunnites ont été marginalisés par la majorité chiite, ce qui a favorisé leur ralliement à Daech. Aujourd'hui, il faut donner des garanties aux tribus sunnites (en termes de sécurité, de redistribution de la manne pétrolière, de représentation politique…) pour les désolidariser de l'EI et les retourner contre lui.

Puis, la mise en place d'un processus de paix en Syrie. Il faut réunir la France, les États-Unis, la Russie, la Turquie, l'Iran et les différents acteurs syriens (pouvoir de Damas, Kurdes, factions rebelles…) pour diviser le pays en différentes zones autonomes dans une logique de fédéralisation.

Enfin, la mise en place d'une vraie politique de développement, notamment dans le domaine du planning familial, de la construction d'infrastructures et de l'accès à l'eau potable.

Il faudra également que l'islam sunnite fasse enfin sa réforme, rejette le salafisme, ainsi que cette forme dure de puritanisme qu'est le wahhabisme. Mais cela ne peut venir que des musulmans eux-mêmes.

Si elle devait avoir lieu, la destruction de l'EI mettrait-elle un terme aux attentats en France ?
Non.

La destruction de l'EI ne changerait rien à la situation française.

Là encore, il faut faire de la chronologie. Daech a commencé à émerger médiatiquement en 2013-2014 et pris Mossoul et proclamé le Califat en 2014. Pourtant, les attentats islamistes en France ont commencé bien avant Daech. Dès 1994, la France était frappée par ce fléau à travers le détournement de l'Airbus Alger-Paris. 20 ans avant la prise de Mossoul ! Immédiatement après vinrent les attentats de 95-96, organisés par des islamistes algériens et qui ensanglantèrent Paris. En 1996, était également démantelé le gang de Roubaix, gang ultra-violent de braqueurs islamistes revenus du Djihad bosniaque. En 2000, un attentat était évité de justesse au Marché de Noël et à la Cathédrale de Strasbourg. En 2012, Merah commettait ses crimes. Encore en 2015, les frères Kouachi se revendiquaient d'Al Qaeda. C'est Al-Qaeda qui a commis les attentats de New-York et Washington en 2001, Madrid en 2004, Londres en 2005. Il y a eu des attentats avant Daech, il y en aura après.

Les attentats sur le sol français ne sont pas liés à ce qui se passe au Moyen-Orient. Ils viennent d'un problème simple : certains musulmans vivant en France adhèrent à l'islam radical et haïssent la France. À partir de là, ils commettent des attentats islamistes. Ils se revendiquent de Daech car Daech est à la mode et téléguide parfois les opérations. Mais si Daech disparaît, ils se revendiqueront d'une autre organisation.

Ce n'est pas ce qui se passe à des milliers de kilomètres de nos frontières, dans les confins de l'Irak, qui va régler ce problème intérieur de la société française. Pour enrayer le terrorisme, il faut sur le court terme récupérer toutes les armes de guerre qui circulent sur le territoire. À moyen terme, il faut développer le renseignement et l'infiltration, démanteler toutes les cellules islamistes, fermer les mosquées radicales, expulser les imams radicaux étrangers. Sur le long terme, il faut suspendre l'immigration, mettre en place des politiques assimilationnistes, sortir du discours de la repentance (qui inculque la haine de la France aux jeunes générations), restaurer la discipline à l'école et revenir au Roman national.

Le combat culturel et moral est fondamental si l'on veut gagner la guerre mondiale contre l'islamisme. N'oublions pas les leçons de Gramsci. Face aux djihadistes, nous sommes dans une position asymétrique. À l'époque des Croisades, les Croisés et les Musulmans étaient tous deux mus par un moteur eschatologique : leur foi religieuse (chrétienne ou musulmane) les faisait avancer et, comme elle leur promettait un au-delà, leur permettait de braver la mort au combat. Il n'y avait pas de dissymétrie. Au contraire, de nos jours, l'Occident matérialiste et consumériste a perdu son moteur eschatologique alors que l'Orient musulman l'a conservé, ce qui crée une asymétrie en notre défaveur. Nous devons absolument retrouver la conscience de notre identité civilisationnelle et renouer avec un idéal patriotique, car notre vide spirituel ne nous permettra pas de l'emporter à long terme.

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Renaud Girard : « En diplomatie, le réalisme n'est pas le cynisme ! » (14.04.2017)

Par Vianney Passot  Publié le 14/04/2017 à 17:57


FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN- Grand reporter au Figaro et auteur de Quelle diplomatie pour la France ? (éd. du Cerf, 2017), Renaud Girard a longuement répondu aux questions de FigaroVox. Pour lui, la France est devenue inaudible sur la scène internationale à cause d'une vision de la diplomatie moraliste et déconnectée du réel.

Renaud Girard est géopoliticien, grand reporter et correspondant de guerre. Chroniqueur international du Figaro, journal pour lequel il a couvert les principaux conflits de la planète depuis 1984, il est également professeur de Stratégie à Sciences Po Paris. Il est notamment l'auteur de Retour à Peshawar (éd. Grasset, 2010), Le Monde en guerre (éd. Montparnasse, 2016) et vient de publier Quelle diplomatie pour la France ? (éd. du Cerf, 2017).

FIGAROVOX.- Vous publiez, aux éditions du Cerf, Quelle diplomatie pour la France? Pouvez-vous nous présenter les objectifs de ce livre?

Renaud GIRARD.- Depuis plus de trente ans, je suis grand reporter de politique internationale et correspondant de guerre. En parallèle de cette expérience de terrain, j'ai également une activité d'analyste géopolitique. Cette double expérience, à la fois théorique et pratique, m'a amené à formuler une théorie personnelle de ce que devait être une bonne diplomatie. Je pensais donc publier un livre à ce sujet. Quelque chose de très général, qui ne concernerait pas seulement la France.

Mais le déclin de la puissance de la France dans le monde m'a paru tel que j'ai décidé de réorienter mon projet et d'écrire un livre centré uniquement sur la politique étrangère de la France. Pour moi, le traumatisme qui a présidé à la décision d'écrire ce livre est l'électrochoc du sommet du G-20 d'Hangzhou (4-5 septembre 2016). Il était frappant de voir à quel point la voix de la France ne portait plus. C'était d'autant plus vexant que ce sont des présidents français qui ont inventé ce type de sommet (Giscard pour le G-7 en 1975 ; Sarkozy pour le G-20 en 2008). La France est également aussi complètement inaudible dans le règlement du dossier de la Syrie, dont elle fut pourtant jadis la puissance mandataire.

Le livre est à la fois une description et une prescription. En tant que description, il cherche à analyser notre politique étrangère actuelle et donc à répondre aux questions : Pourquoi la voix de la France ne porte-t-elle plus dans le monde? De quel grand dérèglement stratégique souffre notre politique étrangère ? Comment expliquer les échecs répétés de notre diplomatie ? En tant que prescription, il cherche à remédier au problème en dégageant ce que pourrait être une bonne politique pour la France.
Le livre est court et se structure en trois parties. La première partie cherche à mettre en évidence les piliers de toute bonne diplomatie. Parmi ces piliers figurent notamment le maintien de notre indépendance nationale, le réalisme et la capacité à identifier son ennemi principal (en ce qui concerne la France de 2017, notre ennemi principal est bien le djihadisme sunnite, car c'est lui, et lui seul, qui tue nos enfants dans nos rues). La seconde partie du livre pointe du doigt le grand dérèglement stratégique de la diplomatie française. En effet, la politique étrangère française va à vau-l'eau, car elle ne respecte pas les piliers de toute bonne diplomatie. Le réalisme lui fait cruellement défaut. Notamment, elle n'arrive pas à identifier son ennemi principal. Elle pense qu'il s'agit de la Russie ou de l'Iran chiite alors qu'il s'agit bien du djihadisme sunnite.

De plus, elle commet l'erreur de refuser le dialogue avec certains interlocuteurs sous prétexte qu'ils ne sont pas respectables. Pourtant, il est nécessaire de parler avec tout le monde sans préjugés si l'on veut trouver une solution aux situations de crise. Notre diplomatie a commis des erreurs en étant trop suiviste envers Washington, trop dure envers la Russie, trop hostile envers l'Iran durant les négociations de 2013-2015 sur le nucléaire iranien, à un moment où même les États-Unis recherchaient une détente avec Téhéran. La troisième partie du livre propose des solutions : elle donne les axes de ce que devrait être une bonne diplomatie.

Je tiens à préciser que j'ai toujours cherché à être extrêmement clair et concret dans ce livre, qui s'adresse à tous. Pour que mon propos soit bien compris, je me suis tout au long du livre appuyé sur des exemples tirés de l'histoire ou de l'actualité.

J'ai voulu être abordable par tous : aussi bien par les experts de géopolitique et par les hommes politiques que par les citoyens ordinaires. En effet, je crois beaucoup au pluralisme et aux vertus du régime démocratique. J'ai donc voulu introduire ce thème dans le débat public, car je pense que, même dans un domaine technique comme la politique étrangère, les citoyens français ont le droit d'être informés afin de pouvoir se forger, en leur âme et conscience, leur propre avis sur le sujet.

Comme l'indique le sous-titre du livre, «Prendre les réalités telles qu'elles sont», vous vous inscrivez dans la tradition du réalisme géopolitique. Pourriez-vous définir ce courant de pensée pour nos lecteurs ?

Bien sûr. Le réalisme est un courant de pensée politique qui affirme que les considérations idéologiques ou morales ne doivent pas intervenir dans l'action diplomatique. Pour le réalisme, les qualités fondamentales de toute bonne diplomatie sont la lucidité et le pragmatisme. Ce sont les réalités, les rapports de force et la défense de ses intérêts qui doivent guider la politique étrangère d'un pays. Et cela pour une raison très simple : la réalité exerce un pouvoir de contrainte sur nous. Comme disait Lacan, «le réel, c'est quand on se cogne.» Et comme l'affirmait le Général de Gaulle «on ne fait de la politique que sur des réalités.» Refuser la réalité, c'est se condamner à l'échec.

Je donne un exemple d'attitude réaliste. En 1941, nous sommes en guerre avec l'Allemagne. Hitler décide d'envahir également l'URSS. Aussitôt, le Royaume-Uni de Churchill et la France Libre du Général de Gaulle apportent leur soutien à Staline et s'allient avec lui. Pourtant, ils n'avaient aucune sympathie pour le communisme et savaient bien que le régime soviétique était un totalitarisme responsable de plusieurs millions de morts. Mais Staline, contrairement à Hitler, n'avait pas attaqué la France et le Royaume-Uni. Il fallait donc s'allier avec lui, car c'était le seul moyen d'abattre Hitler. Churchill l'a bien compris lorsqu'il déclare: «Si Hitler avait envahi l'Enfer, je me serais allié avec le Diable». Voilà un exemple de réalisme.

Dans l'histoire, le réalisme a eu pour principaux représentants Thucydide, Machiavel ou encore Bismarck. Au XXème siècle, de Gaulle en France et Kissinger (qui parvint à mettre un terme à la Guerre du Vietnam) aux États-Unis s'inscrivaient totalement dans cette vision.

Le Réalisme s'oppose aux conceptions idéalistes, en tête desquelles figure le néoconservatisme. Pour les néoconservateurs, dont le principal représentant aux États-Unis fut le Sénateur Jackson, il faut au contraire avoir une vision morale de la politique. Pour eux, la démocratie et les Droits de l'Homme sont plus importants que la paix et que les intérêts.

Vous êtes donc un partisan du cynisme en matière de diplomatie ?

Certainement pas ! Le réalisme n'est pas le cynisme ! Quand, comme moi, on a vu le Génocide du Rwanda ou les massacres ethniques en Ex Yougoslavie, on ne peut pas défendre une position cynique.

Le réalisme s'oppose, certes, à l'idéalisme (par exemple à l'idéalisme des néoconservateurs), mais il s'oppose aussi, et encore bien davantage, au cynisme. En effet, abandonner la morale ne signifie absolument pas renoncer à améliorer les choses. Même s'il refuse la morale, le Réalisme cherche à construire un monde meilleur. Le Réalisme est donc un humanisme. Je dirais même : c'est bien parce que le Réalisme cherche à construire un monde meilleur, plus juste, plus pacifié, que justement il se méfie de la morale. Le Réalisme sait que l'Enfer est pavé de bonnes intentions et que l'idéalisme, tout en partant des meilleures intentions du monde, amène des catastrophes en diplomatie. Catastrophes dont les populations civiles paient le prix fort. La morale en diplomatie est inefficace et contre-productive : elle aboutit à des résultats immoraux. Au contraire, le Réalisme veut améliorer concrètement le monde et accepte donc de s'en donner les moyens. Il regarde les réalités telles qu'elles sont, car il sait que c'est le seul moyen de pouvoir les changer. Il n'y a pas deux positions en géopolitique (l'idéalisme et le réalisme), mais trois (l'idéalisme, le cynisme et le réalisme), car il faut bien distinguer et même opposer le réalisme et le cynisme.

Prenons un exemple. En 2003, Georges W. Bush décide d'envahir l'Irak et de renverser l'abominable dictature de Saddam Hussein pour la remplacer par une démocratie. Ce fut une grave erreur. Le Réalisme ne dit pas que la logique de Georges W. Bush était mauvaise ou que la paix (y compris dans une dictature) est préférable à la démocratie. Bien sûr que s'il avait été possible d'instaurer une démocratie par la force en Irak, il aurait fallu le faire ! Mais justement, et c'est que soulignaient à l'époque les défenseurs du Réalisme, il était impossible qu'une opération militaire débouche sur l'instauration d'une démocratie irakienne solide. Il ne suffit pas de décider que vous allez instaurer la démocratie dans un pays et d'envoyer vos troupes pour que ça marche.

Contrairement à ce que pensait Georges W. Bush, le choix n'était pas entre, d'un côté, «la paix dans une dictature» et, de l'autre, «la démocratie au prix d'une guerre». En effet, dans le contexte de l'Irak de l'époque, un examen attentif des réalités nous montrait qu'une guerre ne pouvait pas permettre d'instaurer une démocratie ni d'améliorer la vie des Irakiens. Et aujourd'hui, l'Irak vit dans la guerre et le chaos depuis 2003, mais n'a pas progressé d'un pouce vers la démocratie. La paix et la stabilité ont été perdues sans obtenir le moindre gain en termes de démocratie. Au contraire, une partie du territoire irakien est encore contrôlée par l'organisation totalitaire Daesh, les divisions entre communautés et la corruption se sont accrues. De plus, la guerre en Irak a déstabilisé toute la région et cela menace (par une sorte d'effet boomerang) la sécurité des Occidentaux eux-mêmes. La diplomatie de George W. Bush, qui reposait sur une vision morale, a eu des résultats concrets profondément immoraux. Ces résultats immoraux, une prise en compte des réalités aurait permis de les éviter.

Très bien. Mais dans ce cas, comment savoir quand il faut intervenir militairement ?

C'est toujours une question complexe. Mais pour tenter d'y voir plus clair et de faciliter la prise de décision, j'ai mis au point «une règle des trois conditions». Pour être lancée, une intervention militaire doit respecter trois conditions, en plus de l'indispensable respect du droit international bien sûr (qui est l'aval du Conseil de sécurité de l'ONU).

Première condition : disposer d'un interlocuteur crédible, ancré auprès de la population locale, pour remplacer le dirigeant que l'on veut renverser par la force.

Deuxième condition : l'intervention doit améliorer le sort concret des populations civiles locales, car c'est au nom de leur «protection» qu'on a demandé l'autorisation de l'ONU.

Troisième condition : cette intervention militaire, très coûteuse et payée par le contribuable, pouvant conduire à la mort de soldats français, doit aussi ménager nos propres intérêts, à moyen et long terme.

Prenez l'exemple de notre intervention militaire en Libye de 2011. Aucune de ces trois conditions n'a été remplie, alors qu'elles devaient être réunies en même temps !

Que nous dit le réalisme sur la brûlante actualité syrienne ? 

Dans l'affaire syrienne, on retrouve bien l'opposition entre les trois approches : l'idéalisme, le réalisme, le cynisme. L'idéalisme refuse de parler avec Bachar el-Assad, lui reprochant d'être un dictateur brutal (ce qui est tout à fait vrai). Le cynisme soutient au contraire le régime de Bachar el-Assad, sans se soucier le moins du monde du massacre des civils et refuse de parler à la rébellion, lui reprochant d'être islamiste (ce qui est tout à fait vrai aussi). Le réalisme pense au contraire qu'il faut laisser de côté ses répugnances idéologiques et parler avec tout le monde, sans préjugé ni exclusive.

Je vous renvoie ici aux travaux de l'orientaliste Michel Seurat. Il existe une profonde ligne de fracture dans la société syrienne. D'une part, les partisans d'un régime laïc (la bourgeoisie sunnite et toutes les minorités : chrétiens, druzes, alaouites…). D'autre part, la masse des classes populaires sunnites qui souhaite l'instauration d'un régime islamiste. Chaque camp représente un visage de la société syrienne. Il est donc impossible de résoudre la crise si on refuse de parler au dictateur Assad ou à ses ennemis Frères Musulmans et salafistes.

Seul le réalisme pourra sauver la Syrie. C'est justement parce que cette guerre est horrible qu'il faut parler avec Bachar. Bachar appartient à un clan qui est au pouvoir depuis 46 ans. Il est soutenu par les Russes et l'Iran, représente l'appareil d'État, est puissant militairement et a le soutien d'une partie importante de la population, c'est donc un acteur incontournable. Et, puisqu'on ne fait de la politique que sur des réalités il faut lui parler comme il faut aussi parler aux rebelles Frères Musulmans et salafistes, même si c'est désagréable. Si la guerre est si longue et sanglante, c'est parce que Bachar et les rebelles représentent tous deux l'une des faces de la société syrienne, qui est très polarisée : il n'y aura donc pas de sortie de crise si on refuse de parler aux rebelles ou à Bachar.

Si on ne parle pas à Bachar, nous n'aurons jamais la paix et le bain de sang continuera. N'oublions pas qu'il a fallu parler aux Serbes pour faire les accords de Dayton et en finir avec la guerre de Bosnie. Si on avait parlé à Bachar et si on avait proposé/imposé une médiation, il n'y aurait pas aujourd'hui les massacres que l'on voit. En rompant avec lui, nous nous sommes donc privés de tout moyen de négociation avec lui, ce qui l'a incité à durcir sa répression. Nous avons donc une part de responsabilité dans les massacres. La vraie morale (qui est d'aider les Syriens) se moque de nos indignations. Si notre compassion pour la Syrie est sincère, alors nous devons surmonter notre répugnance instinctive (et légitime) et accepter de parler avec le cruel régime de Bachar el-Assad pour sauver ce qui peut encore l'être.

Aujourd'hui, les différents protagonistes sont épuisés après six ans de conflit. La France devrait proposer sa médiation pour régler cette crise. Elle doit s'efforcer de parler à la fois avec le régime de Damas (ce qui implique de rouvrir notre ambassade sur place) et avec les rebelles, puis de remettre les Américains et les Russes autour d'une table de négociation, aux côtés des deux seules puissances régionales capables de peser significativement sur le conflit : la Turquie et l'Iran. La base de cette négociation pourrait être la fédéralisation de la Syrie. À cinq, et dans le secret des délibérations, une négociation peut aboutir. À dix ou quinze, et devant le regard des médias, c'est impossible. Sachons entendre le cri des enfants syriens et prendre nos responsabilités.

Quelles seraient les premières décisions à prendre pour restaurer une diplomatie française efficace ?

J'ai donné huit grands axes dans mon livre. Parmi eux, j'en vois trois prioritaires.

Le premier est la lutte contre le djihadisme. Cela implique par exemple de renforcer notre collaboration avec les services de sécurité des pays musulmans.

Le second est l'adoption d'une nouvelle politique au Moyen-Orient. La France doit assumer son rôle historique de protectrice des chrétiens d'Orient. Elle doit aussi proposer sa médiation pour jouer le rôle d'honest broker (intermédiaire sincère) entre différents camps antagonistes: par exemple, entre l'Iran et l'Arabie saoudite, entre Israël et les Palestiniens ou dans le cadre de la guerre civile syrienne.

Le troisième axe prioritaire est de ramener la Russie dans la famille européenne. Il faut obtenir la garantie de la Russie qu'elle respectera désormais l'intégrité territoriale de l'Ukraine et des Pays Baltes et en échange lever les sanctions contre elle. Notre politique de sanctions est contre-productive. Elle jette la Russie dans les bras de la Chine. Face à la Chine, la Russie devrait être avec nous et pas contre nous.

Parmi les critères que vous évoquez dans votre livre, vous soulignez en premier lieu l'importance d' «assumer l'histoire». La France doit-elle régler un problème culturel intérieur pour pouvoir retrouver sa place à l'échelle mondiale?

Oui, je pense que toute bonne diplomatie passe par la connaissance approfondie de l'Histoire. Sans bonne maîtrise de l'Histoire, il est impossible de comprendre, par exemple, les crises balkaniques, la politique étrangère de la Russie, les particularités du régime chinois, la guerre civile syrienne, l'émergence de forts mouvements islamistes sunnites dans le monde arabo-musulman.

Mais charité bien ordonnée commence par soi-même. La France ne pourra jamais se relever et retrouver sa place internationale si elle n'opère pas un réarmement moral et ne mène pas un combat culturel à l'intérieur de ses frontières. Par exemple, pour éliminer chez nous les tentations du djihadisme, il faut que l'Éducation Nationale renoue avec le Roman national dans son enseignement de l'Histoire. L'École doit apprendre à faire connaître, aimer et respecter notre drapeau, nos valeurs, notre Histoire, de Vercingétorix à de Gaulle en passant par Jeanne d'Arc et les Soldats de la Révolution. Cela permettra aux jeunes de retrouver du sens, dans un univers financiarisé et mondialisé qui en manque cruellement. Et c'est sur cette absence de sens ambiant que prospère le djihadisme. Pour être puissante, aimée et respectée de par le monde, la France doit d'abord réapprendre à s'aimer et à se respecter elle-même.

Dans un monde de plus en plus incertain et dangereux, avec en plus le Brexit et l'élection de Trump, quelle est la situation de l'Europe ?

L'incertitude du monde implique de donner toute sa place à la notion d'indépendance nationale. Dans un monde de plus en plus incertain, où la surprise et la contingence sont reines, même chez nos plus vieux alliés, on ne peut survivre à l'inattendu qu'en s'en remettant à ses propres forces.

En ce qui concerne l'Europe, elle est en bien mauvaise posture. Donald Trump veut réduire son déficit commercial avec la Chine mais n'ose pas aller trop loin dans la voie du protectionnisme. Il va donc chercher à conclure entre la Chine et les États-Unis un traité bilatéral d'investissement favorable aux États-Unis, qui leur donnerait un avantage compétitif par rapport à leurs concurrents européens. Dans les relations internationales, Donald Trump apparaît fort avec les faibles, et doux avec les forts. Comme s'en prendre à la Chine de Xi Jinping se révèle difficile, il préfère piétiner une Europe faible et divisée.

Prise en étau entre les États-Unis (géant financier) et la Chine (géant industriel), l'Europe doit rester l'allié des États-Unis sur les sujets cruciaux, mais être allié ne signifie pas être soumis. L'Europe doit se mobiliser pour briser l'hégémonie monétaire et juridico-financière des États-Unis tout en adoptant un protectionnisme européen qui lui permette de résister à la concurrence déloyale des produits manufacturés chinois.

Croyez-vous à une Europe de la défense ?

Oui. Les Européens sont confrontés à des dangers et à des problèmes communs. Je pense par exemple à la question migratoire, à la lutte contre le djihadisme, à la stabilité de l'Afrique.

Une politique européenne de défense est à la fois souhaitable, possible et nécessaire.

Cependant, cette Europe de la Défense ne prendra jamais la forme d'une armée européenne. En effet, les différents États ont des langues différentes et leurs armées affichent des traditions, des niveaux de compétence, des organisations très hétérogènes. Une armée européenne serait soit, au mieux, très longue et très compliquée à mettre sur pied, soit tout bonnement impossible à constituer. Pourtant, les dangers qui menacent les Européens sont urgents.

Pour construire quelque chose de nouveau, il faut s'appuyer sur ce qui marche déjà. Or, seuls deux pays de l'UE ont aujourd'hui des armées efficaces : la France et le Royaume-Uni. Et je ne vous apprendrai rien en vous disant que le Royaume-Uni va quitter l'UE.

Il faut donc que les autres États européens acceptent de participer budgétairement à l'effort de défense français. En effet, comme je l'ai dit nous avons des problèmes communs. Donc quand l'armée française intervient quelque part, tous les Européens en retirent des bénéfices.

Par exemple, notre opération au Mali en 2013 a renforcé la sécurité européenne et permis la reprise des investissements allemands au Mali. Comme une Europe de la Défense est urgente mais qu'il est impossible de constituer rapidement une armée européenne et que l'armée française est la seule à disposer du savoir-faire requis, l'Europe de la défense passe par le financement d'une partie des dépenses militaires françaises par l'UE.


Le traité de Lancaster House de 2010 a édifié une étroite coopération opérationnelle, industrielle et stratégique (la dissuasion nucléaire) entre Londres et Paris. Elle marche fort bien. Elle doit donc continuer. À l'avenir, il est tout à fait possible qu'elle compte encore plus pour la sécurité du continent européen que son alliance avec l'Amérique.


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