Défense : Paris et Berlin se dotent de projets communs (13.07.2017)
François d'Orcival : «Cet Occident vieux, riche et désarmé» (13.07.2017)
Défense : Paris et Berlin se dotent de projets communs (13.07.2017)
Par Nicolas Barotte
Mis à jour le 13/07/2017 à 22h04 | Publié le 13/07/2017 à
19h21
VIDÉO - Lors du Conseil des ministres franco-allemand, jeudi
à Paris, Macron et Merkel ont dit leur volonté de faire avancer l'Europe.
Correspondant à Berlin
Une «Europe qui protège», une Europe «qui avance», un
«agenda commun», «une forte convergence de vues entre la France et
l'Allemagne», une «refondation économique et sociale mais aussi politique»… Les
mots choisis par Emmanuel Macron claquent comme des slogans de campagne. À l'issue du 19e Conseil des ministres franco-allemand qui s'est tenu jeudi à
Paris, le chef de l'État voulait donner à voir et à entendre pour convaincre
des bienfaits de l'Europe. Il liste les initiatives approuvées avec Angela Merkel : alliance pour le Sahel, rétablissement des classes bilangues, soutien
financier aux nouvelles technologies ou encore coopération en matière de
sécurité. La défense a été l'un des axes principaux de la réunion de jeudi. La
France et l'Allemagne veulent renforcer la «coopération structurée permanente»
mise en place au niveau européen, pour préfigurer une politique de défense
commune plus intégrée.
L'annonce du développement d'un «système de combat aérien»
européen pour «remplacer les flottes d'avions de combat actuelles sur le long
terme» se veut l'exemple le plus symbolique de cette coopération
franco-allemande refondée. «C'est une révolution profonde», se félicite
Emmanuel Macron. Il s'agit non seulement d'harmoniser les capacités de défense
mais de porter un projet industriel commun qui a vocation «à s'exporter»,
insiste le chef de l'État sans donner plus de détails. À côté de lui, la
chancelière acquiesce et insiste elle aussi sur la coopération renforcée des
deux pays. «L'engagement de l'Allemagne en Afrique est quelque chose de
nouveau», souligne-t-elle. Mais elle temporise. «Notre calendrier est
ambitieux, mais nous ne voulons pas gâcher les choses en tout bousculant»,
dit-elle.
La plupart des décisions, notamment «la feuille de route»
pour les avions, ne seront précisées qu'en 2018, c'est-à-dire après les
élections au Bundestag du 24 septembre. La «position commune» sur la réforme de
l'assiette de l'impôt sur les sociétés est renvoyée «à la fin de l'année». Constitutionnellement, Angela Merkel a «besoin» d'un mandat pour s'engager,
surtout s'il s'agit de réformes structurelles de la zone euro. «Je n'ai rien
contre un budget de la zone euro», ajoute-t-elle, en abondant dans le sens
d'Emmanuel Macron. Elle précise : «Je l'avais proposé en 2012, cela avait été un
échec cuisant.»
«Nous allons vous surprendre»
À l'époque, en pleine politique d'austérité en Europe, elle
voulait lier des investissements européens à des programmes de réforme. «On
peut aussi réfléchir à un ministre des Finances de la zone euro»,
poursuit-elle. Mais pour l'Allemagne, un tel ministre devrait disposer de
pouvoirs sur les budgets nationaux. «Nous sommes d'accord pour dire que la zone
euro doit être stabilisée et davantage développée», dit-elle, en rappelant
aussi la proposition allemande d'un Fonds monétaire européen. La zone euro
gagnerait en autonomie, mais les États membres seraient soumis à sa pression.
Entre Emmanuel Macron et Angela Merkel, il y a encore
beaucoup à discuter, même si tous les deux sont d'accord sur un point : ils
veulent faire progresser l'Europe et le faire savoir tout de suite. «Nous
devons influencer davantage les destinées européennes», explique la
chancelière, d'habitude plus frileuse sur les perspectives de l'Union. Mais de
l'élection de Donald Trump au Brexit, l'Allemagne a compris que le statu quo,
dont elle a profité, ne pouvait plus durer. «Nous allons vous surprendre»,
assure la chancelière.
Les reproches réciproques n'ont pas non plus disparu. Berlin
s'inquiète toujours de la faiblesse de la compétitivité française. Et Paris se
soucie des déséquilibres économiques européens. Si l'Allemagne «doit son succès
à ses réformes», a rappelé le président, elle tire aujourd'hui bénéfice des
«dysfonctionnements» de la zone euro. Comme son prédécesseur, Emmanuel Macron a
invité le gouvernement allemand à augmenter ses dépenses d'investissements.
«Nous avons des marges de manœuvre», a admis Angela Merkel avant de se lancer
dans une explication embrouillée sur la complexité de mise en œuvre des
investissements publics et la difficulté pour attirer les investissements
privés. L'engagement a sa limite.
La rédaction vous conseille :
François d'Orcival : «Cet Occident vieux, riche et désarmé» (13.07.2017)
Publié le 13/07/2017 à 18h00
CHRONIQUE - Alors qu'elle réalise qu'elle va devoir prendre
en main sa sécurité, l'Europe peine à mobiliser des moyens militaires à la
hauteur des enjeux.
Au nord, les vieux, riches et désarmés ; au sud, les jeunes,
pauvres et surarmés… La formule percutante de Nicolas Baverez (Chroniques du
déni français, Albin Michel) résume la situation démographique, économique et
militaire des Européens en face des autres, au sud et à l'est de la
Méditerranée. Le nucléaire égalise, dit-on, mais il ne dissuade ni le
djihadisme, ni les guerres régionales, ni les menaces migratoires, ni la
cybercriminalité. Or le président de la Commission européenne, Jean-Claude
Juncker, le disait le 9 juin à Prague: «La protection de l'Europe ne peut plus
être sous-traitée.» On ne peut plus éternellement compter sur l'Amérique et
l'Otan. Et même les plus grandes puissances militaires ne peuvent plus relever
seules les défis des nouvelles menaces d'un monde de plus en plus militarisé.
Donald Trump, qui était à Varsovie et à Hambourg la semaine
dernière et devait assister ce 14 juillet à notre défilé militaire, n'aura
cessé de répéter avec force ce que les Américains disent en vain depuis des
années : les Etats-Unis (320 millions d'âmes) ne peuvent continuer à dépenser
600 milliards de dollars pour la sécurité occidentale quand les Européens (500
millions) y consacrent 220 milliards. Les crédits de recherche et d'équipement
par soldat sont de 108.000 euros aux Etats-Unis contre 27.000 en Europe. «Et
personne ne se demande pourquoi, dit Juncker, les Européens ne sont pas
capables de projeter plus de trois combattants sur cent pour une même
opération…» Il y a trois armées qui comptent en Europe - la française, la
britannique et l'allemande - mais seules les deux premières font la guerre.
Et la dispersion règne : 178 systèmes d'armes en service sur
le continent contre 30 aux Etats-Unis ; 17 types de chars de combat ici, un
seul en Amérique… «Inefficace et coûteux», dit le président de la Commission.
Mais quelle nation serait prête à sacrifier ses industries d'armement (en
France, elles ont rapporté 14 milliards de commandes en 2016 et employé 165.000
salariés) ?
La Commission européenne a décidé, sous l'impulsion des
Etats membres, de créer un fonds de défense européen. Mais à quelle hauteur ?
600 millions d'euros pour les trois ans à venir, 1,5 milliard par an ensuite.
Soit, l'an prochain, 0,03 % du seul budget d'équipement militaire français… Les
«vieux» ont encore des progrès à faire.
La rédaction vous conseille :
Bruxelles veut mieux lutter contre le financement du
terrorisme par le trafic d’œuvres d’art (13.07.2017)
Licences d’importation, certificats d’exportation… Les
obligations de déclaration douanières seront renforcées. En cas d’infraction,
des sanctions sont prévues.
LE MONDE | 13.07.2017 à 14h00 • Mis à jour le 13.07.2017 à
20h49 | Par Cécile Ducourtieux (Bruxelles, bureau européen)
Le théâtre antique de Palmyre, en Syrie, en mars 2017. LOUAI
BESHARA / AFP
Pour une de ses dernières propositions législatives avant la
trêve estivale, la Commission européenne s’attaque au financement du terrorisme
par le trafic d’œuvres d’art. Pierre Moscovici, commissaire à l’économie, a
présenté, jeudi 13 juillet, un projet de règlement communautaire pour interdire
l’importation et le stockage dans l’Union de pièces vieilles de plus de 250 ans
provenant de pays tiers, spécialement de zones de guerre (Irak, Syrie).
Bruxelles propose de « responsabiliser » davantage les
importateurs (musées, galeries d’art, etc.) qui devront s’acquitter de
nouvelles obligations de déclaration aux douanes. Faute de quoi, ils seront
sanctionnés.
Des licences d’importation préalables devront être délivrées
par les autorités nationales compétentes pour toute œuvre « sensible »
(bas-reliefs, manuscrits…), après que le pays de provenance de l’œuvre aura
délivré un certificat d’exportation licite. Les importateurs devront aussi
produire ces autorisations et une carte d’identité de l’œuvre.
Le trafic d’œuvres d’art représenterait entre 3,4 et 6,3
milliards de dollars (3 et 5,5 milliards d’euros) par an dans le monde, selon
l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUFC). Pour se
financer, l’organisation Etat islamique aurait industrialisé le pillage de
milliers de sites archéologiques irako-syriens.
La proposition de Bruxelles fait suite à de nombreux appels
(l’Unesco en 2015, le Conseil de sécurité des Nations unies, le G20 de Hambourg).
Elle devrait passer sans trop d’encombres au Parlement européen et au Conseil
(la réunion des Etats membres), d’autant que la Commission agit sur demande,
entre autres, de Paris.
Ce texte s’inscrit dans un agenda législatif de lutte contre
le financement du terrorisme déroulé depuis 2015. La Commission a présenté, en
décembre 2016, un règlement pour mieux encadrer les flux d’argent liquide
entrant et sortant de l’Union. Au début de l’automne 2017, M. Moscovici...