Mayotte, un département français sous pression migratoire
extrême (12.07.2017)
Square de la République à Mamoudzou, des étrangers en
situation irrégulière viennent d'être expulsés au cours d'un «décasage» mené
par des Mahoraisn le 15 mai 2016.
Actualité France
Par Edouard de Mareschal
Mis à jour le 12/07/2017 à 17h40 | Publié le 12/07/2017 à
16h28
Alors que le premier ministre Édouard Philippe a présenté
mercredi un plan pour faire face aux migrations, zoom sur la situation à
Mayotte, où 40% de la population est étrangère.
Le sujet est revenu dans l'actualité le mois dernier, à la
faveur du mauvais mot du président Emmanuel Macron. «Le kwassa-kwassa pêche
peu», lance-t-il lors d'un déplacement dans le Morbihan, en référence à ces
petites embarcations de pêche typiquement comoriennes. «Il amène du Comorien,
c'est différent», tente-t-il. La blague est de mauvais goût, mais elle reflète
une forme de réalité. Mayotte, 101e département français depuis mars 2011, est
littéralement submergé par l'immigration clandestine. Une situation qui passe
sous les radars, puisque cette immigration n'est pas prise en compte dans le
décompte national, pointe Mayotte 1ère.
Les chiffres de l'Insee sont éloquents. En 2015, 41% des
adultes étaient de nationalité étrangère sur cette petite île française de
230.000 habitants, située à l'ouest de Madagascar. Un record absolu qui place
Mayotte devant la Guyane. Cette proportion est particulièrement importante
parmi les 25-34 ans, où les étrangers représentaient 52% de la population. Et
parmi ces étrangers, la moitié étaient des migrants illégaux. Ils viennent pour
l'essentiel des Comores, un archipel dont est issu Mayotte, et qui n'a jamais
reconnu le rattachement de l'île à la France.
Tensions intercommunautaires
Les migrants tentent la traversée à bord de frêles
kwassa-kwassa, ce qui provoque des accidents parfois mortels. De nombreuses
femmes enceintes tentent la traversée dans l'espoir que leur enfant naisse
français. À Mamoudzou, la plus grande ville de Mayotte qui concentre l'ensemble
des structures administratives et politiques, la maternité est totalement
saturée. Elle prend en charge 12.000 naissances par an, un record pour l'Europe.
Or, les deux tiers des mères de ces enfants sont en situation irrégulière. En
2015, la préfecture de Mayotte a effectué près de 19.000 reconduites à la frontière, et intercepté près de 9900 passagers de kwassas.
Parallèlement, le solde migratoire est négatif sur l'île. En
effet, la moitié des jeunes nés à Mayotte émigrent vers la métropole et, dans
une moindre mesure, vers la Réunion. Un mouvement qui «contribue également à
transformer et recomposer la population de Mayotte», explique l'Insee dans son
rapport de mars 2017.
La situation génère des tensions intercommunautaires sur
l'île. L'ampleur de l'immigration clandestine exaspère les Mahorais. Entre
décembre 2015 et juin 2016, ils ont multiplié les «décasages», raids au cours desquels ils chassent les migrants de leurs logis. Les manifestants accusent
les Comoriens de vols, de violences, et d'être responsables de la saturation
des écoles et des hôpitaux de l'île.
Cette série de débordements, accompagnée la même année d'une
grêve générale contre la vie chère, la pauvreté et le chômage de masse (19%), a
poussé le gouvernement français à débloquer un plan d'urgence pour le 101e
département français. Sur le volet sécuritaire, il s'est traduit par le
renforcement des brigades nautiques, le recrutement de quinze policiers de
proximité, l'envoi de plus de 160 policiers et gendarmes sur l'île et la
création d'une antenne du GIGN composée de 30 militaires. Le calme est depuis
revenu, mais il reste fragile. En octobre dernier, le général Richard Lizurey
faisait part de son «inquiétude». Devant la commission de la défense de la
précédente législature, le directeur de la gendarmerie nationale annonçait «des
renforts massifs en vue d'événements majeurs».
La rédaction vous conseille :
Mansour Kamardine : «Mayotte est au bord de la guerre
civile» (19.01.2016)
Par Yves Thréard
Mis à jour le 19/01/2016 à 11h48 | Publié le 18/01/2016 à
17h55
INTERVIEW - Immigration clandestine massive, insécurité,
chômage, misère… Le 101e département français est en train de couler. Un de ses
anciens députés lance un appel au secours.
Dans l'océan Indien, à plus de 8000 kilomètres de Paris,
entre l'Afrique et Madagascar, le 101e département de France est en danger.
Dans un rapport présenté la semaine dernière, mais passé quasiment inaperçu en
métropole, la Cour des comptes a fait part de sa vive inquiétude pour l'avenir
de Mayotte. Elle relève que le contexte économique y est «extrêmement
préoccupant» et offre des «opportunités de développement encore hypothétiques».
Plus fort taux de chômage du pays (officiellement 36,6 %), désordre fiscal,
système éducatif en panne, immigration irrégulière massive, forte délinquance :
le tableau est on ne peut plus noir. Rattachés à la France depuis 1841, les
Mahorais ont voté, lors du référendum de 1974, pour leur maintien dans la
République française, contrairement à leurs voisins de l'archipel des Comores.
Mais ce n'est qu'en 2011 que Mayotte, peuplée à 95 % de musulmans, est devenue
officiellement un département. Un changement de statut qui a été
«insuffisamment préparé», selon la Cour des comptes. Député UMP de Mayotte de
2002 à 2007, Mansour Kamardine, aujourd'hui avocat à Mamoudzou, le chef-lieu du
département, tire, dans Le Figaro, le signal d'alarme.
LE FIGARO. - La Cour des comptes vient de rendre un rapport
extrêmement inquiétant sur la situation à Mayotte. Partagez-vous son analyse ?
Mansour KAMARDINE. - Les conclusions de la Cour des comptes
sont exactes: l'état des lieux est catastrophique. Il ne peut pas en être
autrement dans un département où l'emploi est l'exception et le chômage, la
règle.
À qui la faute ?
Les responsabilités sont partagées entre l'État et le
personnel politique local. L'État est quasiment absent ici ; il n'a pas tenu
ses promesses. En 2008, quand a été présenté le pacte pour la
départementalisation de Mayotte par le président de la République d'alors, il
était prévu que l'État accorderait une dotation de quelque 80 millions d'euros
par an au département de Mayotte. La crise mondiale est arrivée et,
aujourd'hui, cette dotation s'est réduite comme peau de chagrin. Quant aux élus
locaux, lorsqu'ils ont pris les rênes de Mayotte (avant 2004, c'était un préfet
qui assurait le pouvoir exécutif sur place, NDLR), ils ont continué la
politique qui préexistait, en recrutant à tour de bras dans la fonction
publique. Le conseil général - appelé «départemental» depuis la réforme
territoriale - est devenu le premier pourvoyeur d'emplois.
Était-il judicieux d'accorder le statut de département à
Mayotte ?
Personnellement, j'ai toujours été favorable à cette
départementalisation si la France se donnait les moyens de cette ambition.
C'est Jacques Chirac qui, le 19 octobre 1986, a décrété que Mayotte avait
vocation à devenir un département. Mais peu importe le statut institutionnel,
Mayotte est dans une impasse économique et sociale depuis longtemps.
Les avantages sociaux accompagnant cette
départementalisation ont-ils constitué un appel d'air pour l'immigration
régionale ?
La population d'origine mahoraise est aujourd'hui
minoritaire. 80 % des immigrés, chez nous, sont des irréguliers! Ils viennent
principalement des Comores. Le passage maritime entre Anjouan, la principale
île de l'archipel des Comores, et Mayotte est une gigantesque autoroute à huit
voies à sens unique sur laquelle le trafic est intense 24 heures sur 24. En
2015, 75 % des naissances enregistrées dans nos maternités étaient étrangères
et clandestines. Ce n'est pas tenable, et pourtant l'État régularise à la pelle.
Nous étions 215.000 à vivre ici il y a dix ans ; nous sommes, j'en suis sûr,
plus de 300.000 aujourd'hui.
Cette forte immigration clandestine est à l'origine de vives
tensions religieuses…
Bien sûr, ces tensions sont toujours à l'affût. Dans ces flux
de migrants se glissent des individus qui s'improvisent imams ou maîtres
coraniques. Ils prônent un islam qui est à mille lieues de celui qui est
pratiqué par la majorité des habitants de Mayotte. Là encore, puisque l'État
ferme les yeux, ce sont les Mahorais eux-mêmes qui veillent à prévenir les
dérives religieuses. Il y a quelques mois, ils ont détruit deux mosquées
radicales pour signifier que l'islam qui y était divulgué n'était pas le leur.
Pourquoi personne n'alerte Paris ?
L'État fait la sourde oreille. Le passage de la ministre desOutre-mer, George Pau-Langevin, en novembre dernier, a mal tourné : elle
semblait dépassée par les événements. Il est anormal que Mayotte, département
le plus pauvre de France, soit soumis à la même fiscalité qu'un département de
la banlieue parisienne et reçoive une dotation par habitant de plus de deux
fois inférieure à celle de La Réunion. La départementalisation de Mayotte a été
très mal préparée, elle n'a été assortie d'aucune politique de rattrapage. Au
contraire, la réforme de notre fiscalité s'est traduite par un matraquage
inouï…
Mais tout ne peut pas venir de Paris…
Certes, mais l'État ne joue pas le jeu. Quand des fonds
européens nous sont alloués, par exemple, c'est lui qui décide de leur
affectation, au lieu de laisser les élus locaux, proches du terrain, s'en
charger. Rien n'a été fait pour désenclaver Mayotte sur le plan aérien et
numérique, pour développer le tourisme - nous n'avons pas d'hôtels dignes de ce
nom -, pour favoriser l'activité dans les services, pour diminuer le poids des
fonctionnaires et encourager entrepreneuriat local. Résultat, les Mahorais
cherchent par tous les moyens à partir en direction de la métropole et de La
Réunion où, en plus, ils savent qu'ils toucheront un RSA (revenu de solidarité
active) beaucoup plus élevé. Le niveau du RSA à Mayotte est de 50 % inférieur à
celui de la métropole.
Gardez-vous l'espoir d'un changement ?
Je ne suis pas pessimiste par nature, et les Mahorais
montrent une belle capacité de résilience, mais je n'ai pas peur d'affirmer que
Mayotte est au bord de la guerre civile. L'insécurité a atteint un niveau
insupportable. En 2015, mon cabinet d'avocat a été cambriolé cinq fois. Il y a
des agressions tous les jours. Les Mahorais vivent barricadés chez eux. Si on
n'arrive pas à contenir l'immigration clandestine, je crains le pire. Aujourd'hui,
quand on est mahorais, il faut être courageux pour laisser ses enfants aller à
l'école publique à Mayotte. C'est devenu invivable. Sommes-nous condamnés à
accepter l'inacceptable ? Il faut un réveil, un sursaut pour sortir Mayotte du
marasme.
Mayotte: grève générale avant la
venue de la ministre (09.11.2015)
Flash Eco
Par lefigaro.fr avec agences
Mis à jour le 09/11/2015 à 22h32
| Publié le 09/11/2015 à 22h22
L'intersyndicale
CGT-CFDT-FO-FSU-Solidaires-FAEN a relancé lundi la grève générale pour
"l'égalité des droits, la solidarité et une vraie justice à Mayotte",
à l'occasion de l'arrivée en fin de journée de la ministre des Outre-mer,
George Pau-Langevin dans le département.
Entre 700 et 800 agents des
différents services publics et d'entreprises privées, selon les organisations
syndicales, se sont retrouvés le matin à Mamoudzou en Grande Terre avant de se
rendre à l'aéroport de Pamandzi en Petite Terre munis de drapeaux et pancartes
revendicatives.
Ils ont légèrement chahuté la
ministre des Outre-mer, en visite sur l'île pour moins de 48 heures, a constaté
une photographe de l'AFP.
Par ailleurs, l'utilisation par
Mme Pau-Langevin d'un jet privé pour le trajet La Réunion-Mayotte a été révélée
par la chaîne de télévision Antenne Réunion.
Selon ce média local, ce
déplacement aurait coûté 50.000 euros, un prix que le ministère a assuré à
l'AFP être "surévalué", sans plus de précision.
Selon une source proche du
dossier, le coût avoisinerait les 40.000 euros.
"Il n'y a aucunement lieu à
une polémique", a tranché Mme Pau-Langevin dans un droit de réponse
adressé à Antenne Réunion.
L'affrètement "dans le
respect strict du code de marché public de l'Etat" est justifié par
"un agenda contraint" que ne permettaient pas d'honorer les vols
réguliers, explique la ministre dans ce courrier que l'AFP a pu consulter.
De plus, ce déplacement a été
programmé au nom des "engagements pris dans le cadre du pacte de Mayotte
2025" en cours de rédaction et en raison du "contexte social
actuel", ajoute-t-elle.