dimanche 16 juillet 2017

La rafle du Vél' d'Hiv' (16 juillet 1942)

La rafle du Vél' d'Hiv', symbole de la collaboration avec le régime nazi (16.07.2017)


La rafle du Vél' d'Hiv', symbole de la collaboration avec le régime nazi (16.07.2017)

Par Esther Paolini  Publié le 16/07/2017 à 08:21


Lors d'une commémoration de la rafle du Vél' d'Hiv', en 1956.
Lors d'une commémoration de la rafle du Vél' d'Hiv', en 1956.


Le 16 juillet 1942, plus de 13.000 juifs parisiens sont réveillés brutalement à l'aube et arrêtés par la police française. Une moitié est déportée à Drancy, l'autre est parquée au Vélodrome d'Hiver avant d'être conduite dans les camps de la mort. Quelques dizaines de personnes seulement en reviendront.
«La grande rafle des 16 et 17 juillet 1942 n'a été ni la première ni la dernière de ces opérations raciales conduites par la police française. C'était néanmoins la plus importante, la plus emblématique de ces actions répressives», témoigne Maurice Rajsfus dans La rafle du Vel d'Hiv'*. Les autorités françaises commémorent ce dimanche le 75e anniversaire de la rafle du Vél' d'Hiv', tragique épisode de la collaboration française au régime nazi.

Alors que la France est occupée par l'Allemagne depuis l'armistice du 22 juin 1940, la répression envers les Juifs est de plus en plus violente. Rapidement, le gouvernement de Pierre Laval se soustrait à toutes les exigences du IIIe Reich et débute une véritable chasse à l'homme dans la France occupée.

• Cibler les Juifs étrangers... mais aussi des Français

Seule photographie du vélodrome après la rafle du Vél' d'Hiv', avec les cars de Juifs arrêtés. www.fondationshoah.org
Seule photographie du vélodrome après la rafle du Vél' d'Hiv', avec les cars de Juifs arrêtés. www.fondationshoah.org

En accord avec les autorités allemandes, les hauts gradés de la police française décident d'arrêter les hommes et femmes juifs, de 15 à 50 ans, originaires d'Allemagne, d'Autriche, de Pologne, de Tchécoslovaquie, de Russie et les apatrides. «Seront exemptés des mesures envisagées les Juifs ayant un conjoint aryen, les mères allaitant leurs enfants, les femmes en état de grossesse avancée», précise une note * de Jean Leguay, un responsable de la police en zone occupée. Les nazis espèrent ainsi incarcérer jusqu'à 22.000 israélites. Dans les faits, les policiers français n'hésitent pas à appréhender également des enfants, des vieillards et des Juifs de nationalité française pour grossir les chiffres et satisfaire les souhaits de Berlin.

• Le camp de Drancy ou l'internement au Vélodrome

Environ 4660 policiers sont mobilisés et une cinquantaine d'autobus des Transports en communs de la Région parisienne (ex-RATP) sont réquisitionnés. Dès 4 heures du matin, il faut agir vite, en interpellant les familles sans les ménager. La violence est verbale et physique. Toute personne refusant de suivre les autorités est menacée de mort. Certains Juifs désemparés tentent de se suicider pour échapper aux forces de l'ordre.

Archive de la préfecture de police précisant le nombre d'arrestations du 16 au 20 juillet 1942. Rajsfus Maurice, La rafle du Vel d'Hiv.
Archive de la préfecture de police précisant le nombre d'arrestations du 16 au 20 juillet 1942. Rajsfus Maurice, La rafle du Vel d'Hiv.

Au total, 13.152 Juifs sont arrêtés entre le 16 et le 17 juillet. Les célibataires et les couples sans enfant sont conduits directement au camp de Drancy, une première étape avant celui d'Auschwitz-Birkenau. La Gestapo prête main-forte et fournit des trains afin de faciliter les convois. Les autres, la majorité, sont envoyés au Vélodrome d'Hiver. Sous la surveillance de la police française, environ 8000 «internés» sont parqués dans des conditions dramatiques pendant 3 à 5 jours, sans eau, ni sanitaire.

«Les WC au nombre d'une dizaine furent rapidement bouchés(...). Ils débordaient et inondaient les internés. Cette situation n'a pas tardé à déchaîner une série d'évanouissements, de crises de nerfs, de poussées de maladie, de tentatives de suicides. (...) Pendant les cinq jours, il y a eu plusieurs cas de folie, des tentatives de suicide et une trentaine de morts dont plusieurs enfants», retranscrit un tract clandestin *. Il est difficile d'estimer le nombre de décès au vélodrome.

Dans les 15 jours qui suivent la rafle, tous les Juifs sont déportés dans des camps du Reich ou du Loiret. Sur la totalité des Juifs interpellés, seules quelques dizaines de personnes reviendront de l'enfer concentrationnaire.

• Pourquoi les Juifs ne se sont pas enfuis

Les jours précédant «l'action» (terme employé par les Allemands), les rumeurs sont nombreuses dans les rues de Paris. Depuis l'arrivée des Allemands, les fausses nouvelles se diffusent constamment, créant une angoisse permanente. Mais quitter la ville n'est pas une option envisageable pour la plupart des familles juives. N'ayant plus l'autorisation de pratiquer de nombreuses professions, comme celles de la fonction publique, ils n'ont pas les moyens de financer une fuite en province. Et pour partir où? Faut-il encore avoir des connaissances en zone libre. Tous les moyens de transport pour quitter la capitale sont surveillés par la police française ou les SS, des patrouilles sont déployées dans les gares, les barrages routiers nombreux... Sans compter l'obligation pour les israélites d'exhiber l'étoile jaune sur leur torse.

• Une opinion publique peu mobilisée

Le nombre des personnes arrêtées se révéla bien inférieur aux attentes des Allemands. Des fuites dans la police ont permis à beaucoup d'y échapper. L'opération se déroule toutefois dans l'indifférence générale des Parisiens. Le travail de propagande nazie aidant, les Juifs, qui plus est étrangers, ne sont pas vus d'un bon œil. Si certains courageux prennent le risque d'en cacher, la majorité cautionne l'action de la police, et même l'encourage. De nombreuses lettres de dénonciation sont envoyées aux commissariats. Plusieurs rapports témoignent, en revanche, que la violence dont ont fait preuve les policiers envers les enfants a réellement choqué l'opinion.

• Les principaux responsables de la rafle épargnés

Si la rafle est le fait d'un système hiérarchisé et contrôlé par les Allemands, le rôle de certains maîtres d'œuvre a été déterminant. En haut de la pyramide, Pierre Laval, chef du gouvernement depuis avril 1942 est jugé par la Haute Cour de justice et exécuté en octobre 1945. À l'inverse, René Bousquet, le secrétaire général de la police de Vichy échappe à l'épuration. Ce proche de François Mitterrand devient un riche homme d'affaires après la libération. Il n'est rattrapé par la justice que dans les années 1980 avant d'être assassiné par un déséquilibré en 1993. Amédée Bussière, le préfet de police de Paris et Emile Hennequin, directeur de la police municipale seront tous les deux condamnés à des travaux forcés puis graciés.

• Le Vélodrome d'Hiver, entre palais des sports et centre de rétention

Après-guerre, le vélodrome sert un temps de prison pour les collaborationnistes, avant d'accueillir des meetings politiques et certains événements sportifs. Après avoir reçu des prisonniers de la guerre d'Algérie, le vélodrome est détruit en 1959. Ce dimanche matin, à son emplacement rue Nélaton dans le XVe arrondissement de Paris, un jardin mémorial des enfants est inauguré.

• Une reconnaissance tardive de la responsabilité de l'État français

Après la Libération, les présidents successifs suivent une même ligne: la responsabilité du gouvernement de Vichy n'engage pas celle de l'État français. Il faut attendre 1995 pour que Jacques Chirac rompe avec cette politique et reconnaisse officiellement l'implication de la France dans la rafle dans une phrase restée célèbre: «La France, patrie des lumières et des droits de l'Homme, terre d'accueil et d'asile, la France, ce jour-là, accomplissait l'irréparable.»

» Lire aussi - 75 ans après, la rafle du Vél' d'Hiv' reste hautement polémique


*Rajsfus Maurice, La rafle du Vel d'Hiv, PUF, Paris, 2002.

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