lundi 17 juillet 2017

Débat sur l'esclavage en France

Pierre Serna : « L’esclavage était bien un crime contre l’humanité» (16.07.2017)


Pierre Serna : « L’esclavage était bien un crime contre l’humanité» (16.07.2017)


Dès 1794, les députés de la Convention avaient défini cette pratique comme un « crime de lèse-humanité », explique le professeur Pierre Serna. La loi Taubira de 2001 n’a donc fait aucun anachronisme.

LE MONDE | 16.07.2017 à 06h30 • Mis à jour le 16.07.2017 à 13h53 | Par Pierre Serna (professeur à l’université Paris I-Panthéon-Sorbonne et membre de l’Institut d’histoire de la Révolution française)


Manuel Valls, George Pau-Langevin et Christiane Taubira lors d’une cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage, à Paris le 10 mai 2014.

Manuel Valls, George Pau-Langevin et Christiane Taubira lors d’une cérémonie de commémoration de l’abolition de l’esclavage, à Paris le 10 mai 2014.

L’article 2 de la loi du 21 mai 2001 dite « loi Taubira » stipule que l’esclavage est un crime contre l’humanité. Quatre ans plus tard, l’article 4 de la loi du 23 février 2005 indique que « les programmes scolaires reconnaissent en particulier le rôle positif de la présence française en outre-mer ». Dès lors, la mobilisation des historiens contre cet aspect normatif de la loi, donnant un sens moral à l’histoire et enjoignant de l’enseigner, ne se fait pas attendre : le 25 mars 2005, deux textes – signés par plusieurs historiens de renom, puis le 13 avril par la Ligue des droits de l’homme – demandent son abrogation, appuyée par des milliers de signatures.

Au même moment, l’historien Guy Pervillé mène la riposte, remettant en cause la reconnaissance de l’esclavage comme crime contre l’humanité. Encore quelques mois et un collectif d’historiens célèbres signe le 13 décembre 2005 un appel à la « Liberté pour l’histoire », s’opposant à toute forme de loi qui confondrait, à l’aide de termes contemporains, mémoire et Histoire. Sont critiquées les lois de 1990, faisant du négationnisme un délit, les lois de janvier et mai 2001 reconnaissant le génocide des Arméniens et l’esclavage comme des crimes contre l’humanité et, pour faire bonne mesure, la loi de février 2005.

Entre-temps, Olivier Grenouilleau, le 12 juin 2005, dans le Journal du dimanche, remet en cause ce concept, déclarant que le problème réside dans le terme choisi dans la loi Taubira, soit le « crime contre l’humanité » qui ne peut que pousser à la comparaison avec la Shoah. Le sous-entendu est clair : la ministre, en maniant l’anachronisme, a commis une faute grave et perturbé le travail des spécialistes. S’ensuivra une plainte posée contre M. Grenouilleau par un collectif d’associations. J’en parle tranquillement : je fus l’un des dix premiers historiens modernistes de l’université française à signer en faveur de sa liberté d’expression.

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