J'ai décidé d'écrire comme on livre un combat. Ce combat, je le mène en France depuis 2006, date à laquelle j'ai réussi à fuir le mouvement sectaire qui me détruisait peu à peu : le salafisme.
Ce courant religieux fondamentaliste prône un retour à « l'islam des origines » et rejette les valeurs de notre République.
Mon combat, longtemps mené dans l'ombre, est devenu public en 2015, le jour où j'ai publié deux photos de moi sur ma page Facebook. Sur la première, j'ai la vingtaine, je suis vêtue d un immense voile noir, le jilbab, ma tenue habituelle. J'ai l'air perdu. Sur la deuxième photo, toute récente, je porte un pantalon et une petite veste élégante sur un tee-shirt. Je suis tête nue. J'ai l'air heureux.
J'ai accompagné ces deux photos d un long message : j'y explique mon ancienne vie de salafiste, et comment je me suis libérée de cette prison.
J'ignorais alors que ces photos et ces écrits allaient chambouler ma petite vie tranquille. Ma page Facebook se mua en champ de bataille. Des milliers de personnes se l'appropriaient. La plupart utilisaient mes photos pour s'insurger contre l'extrémisme religieux et l'oppression des femmes, mais d'autres m'insultaient et me menaçaient.
Alors, j'ai décidé de me raconter, sans fard et sans fioritures. De dire mon parcours, mes faiblesses, mes erreurs, mes joies et mes victoires. Parce que mon expérience du salafisme en France, mon voyage au coeur de l'enfer, est celui de trop nombreuses femmes, enfermées dans leurs voiles, niées dans leur féminité, victimes de la violence et de la perversité d une organisation religieuse et sectaire qui les broie.
C'est d'abord pour elles, ces femmes, mes soeurs, que j'écris, pour qu'elles sachent que la révolte est une solution et qu'il est possible de dénoncer l'hypocrisie et la brutalité qui animent trop souvent les défenseurs de ces intégrismes religieux.
"J'ai choisi d'être libre, Rescapée du salafisme en France" de Henda Ayari, Flammarion.
Voir aussi :
https://social.shorthand.com/NormandieActu/j2cEzhe5AGP/a-rouen-la-lutte-contre-la-discrimination-feminine-depasse-la-question-du-genre
Ce courant religieux fondamentaliste prône un retour à « l'islam des origines » et rejette les valeurs de notre République.
Mon combat, longtemps mené dans l'ombre, est devenu public en 2015, le jour où j'ai publié deux photos de moi sur ma page Facebook. Sur la première, j'ai la vingtaine, je suis vêtue d un immense voile noir, le jilbab, ma tenue habituelle. J'ai l'air perdu. Sur la deuxième photo, toute récente, je porte un pantalon et une petite veste élégante sur un tee-shirt. Je suis tête nue. J'ai l'air heureux.
J'ai accompagné ces deux photos d un long message : j'y explique mon ancienne vie de salafiste, et comment je me suis libérée de cette prison.
J'ignorais alors que ces photos et ces écrits allaient chambouler ma petite vie tranquille. Ma page Facebook se mua en champ de bataille. Des milliers de personnes se l'appropriaient. La plupart utilisaient mes photos pour s'insurger contre l'extrémisme religieux et l'oppression des femmes, mais d'autres m'insultaient et me menaçaient.
Alors, j'ai décidé de me raconter, sans fard et sans fioritures. De dire mon parcours, mes faiblesses, mes erreurs, mes joies et mes victoires. Parce que mon expérience du salafisme en France, mon voyage au coeur de l'enfer, est celui de trop nombreuses femmes, enfermées dans leurs voiles, niées dans leur féminité, victimes de la violence et de la perversité d une organisation religieuse et sectaire qui les broie.
C'est d'abord pour elles, ces femmes, mes soeurs, que j'écris, pour qu'elles sachent que la révolte est une solution et qu'il est possible de dénoncer l'hypocrisie et la brutalité qui animent trop souvent les défenseurs de ces intégrismes religieux.
"J'ai choisi d'être libre, Rescapée du salafisme en France" de Henda Ayari, Flammarion.
Voir aussi :
https://social.shorthand.com/NormandieActu/j2cEzhe5AGP/a-rouen-la-lutte-contre-la-discrimination-feminine-depasse-la-question-du-genre
Portrait. Henda Ayari a décidé,
en novembre 2015, d’enlever le voile qu’elle portait depuis l’âge de 21 ans.
Ancienne salafiste, la Grand-Quevillaise raconte aujourd’hui son histoire dans
un livre.
Dix jours après les attentats du
13 novembre 2015, à Paris, Henda Ayari décide d’enlever le voile qu’elle porte
depuis l’âge de 21 ans. Buzz immédiat sur les réseaux sociaux. Rescapée du
salafisme, la Grand-Quevillaise, âgée de 40 ans, raconte aujourd’hui son
histoire dans un livre, J’ai choisi d’être libre.
Vous êtes née d’une mère
tunisienne et d’un père algérien, musulmans non pratiquants, comment êtes-vous
tombée dans le salafisme ?
Henda Ayari : « Par étapes, comme
peut-être beaucoup de jeunes filles aujourd’hui. À 18 ans, j’ai perdu un être
cher, ma cousine. C’est la première fois que j’étais confrontée à la mort.
J’étais en pleine période de manque affectif. J’ai grandi avec des failles, des
blessures. J’ai commencé à me poser des questions, j’étais en quête de pureté.
J’ai tenté de combler mes failles avec l’amour de Dieu. J’ai lu beaucoup
d’ouvrages sur l’enfer, le paradis, la prière. J’ai rencontré des filles à la
fac qui portaient le voile, je les admirais... »
À l’époque, on vous a peut-être
dit ce que vous aviez envie d’entendre ?
« Tout à fait. J’avais envie de
tomber amoureuse, d’être protégée. Le discours des salafistes était celui que
je voulais entendre. Le prince charmant était barbu, comme le prophète Mahomet,
qui était bon. J’ai alors rencontré celui qui est devenu mon mari. Tout s’est
arrangé avec mes parents pour le mariage. Le piège s’est très vite refermé.
J’ai dû arrêter mes études, rester à la maison. Selon les salafistes, cela me
permettait d’aller au paradis. Je me suis voilée et j’ai eu mon premier enfant.
»
Pendant neuf ans, à Roanne, vous
avez vécu enfermée dans la religion ? Qu’est-ce qui aurait pu vous aider à en
sortir ?
« Mon mari m’avait affirmé qu’un
appartement nous attendait, qu’il avait un travail. J’ai quitté Canteleu. Or il
m’avait menti. Nous avons dû vivre dans sa famille, la cohabitation a été très
difficile. Puis, enceinte, ils m’ont mise à la rue. Je n’avais pas de travail,
pas de compte bancaire, aucun subside. Un jour, j’ai demandé à mon père de
m’aider... Il m’a dit de retourner auprès de mon mari. Le poids de la tradition
est très lourd chez nous. Pendant neuf ans, j’ai été enfermée, séquestrée,
maltraitée. »
Vous avez enlevé votre voile en
plusieurs étapes ?
« En 2010, je portais le niqab.
Mes enfants m’avaient été retirés parce que j’ai été hospitalisée plusieurs
mois et ma belle-mère avait contacté l’Aide sociale à l’enfance. Le premier
était en foyer, les deux autres placés dans ma belle famille. J’ai dû retirer
le voile pour chercher du travail, sur les conseils de l’assistante sociale. Je
l’enlevais pour partir au travail et le remettais en rentrant. Il me
protégeait. Quand je n’étais pas voilée, j’avais l’impression que tout le monde
avait les yeux braqués sur moi. En 2012, l’État m’a tendu la main que
j’attendais et proposé une formation de greffière avec le ministère de la
Justice. J’étais tellement fière ! Je me suis dit que le voile ne m’avait pas
rendu service. Mais après dix-huit mois, je suis revenue à la case départ [...]
Je me suis donc à nouveau protégée. Dix jours après les attentats de Paris,
j’ai eu un déclic et j’ai enlevé définitivement mon voile. »
Vous avez mis la nouvelle sur les
réseaux sociaux...
« J’ai mis sur Facebook deux
photos : une avant et la deuxième sans le voile. Il y a eu plus de 85 000 «
like » ! La plupart des commentaires m’encourageaient, d’autres m’insultaient,
me menaçaient... Beaucoup de jeunes femmes me contactent sur les réseaux
sociaux et me demandent de les aider. »
Pourquoi avez-vous décidé
d’écrire « J’ai choisi d’être libre » ?
« Ce livre a été une thérapie
pour moi. J’avais besoin de mettre des mots sur mes maux. J’ai voulu apporter
un témoignage utile, donner aux femmes l’espoir de s’en sortir, mais aussi
apporter une information utile, préventive, pour aider les jeunes femmes à ne
pas tomber dans la doctrine salafiste qui peut conduire au jihad.
Je ne suis pas là pour leur dire
de retirer leur voile. Je ne m’en prends pas aux musulmans, ni à l’Islam, mais
à tous les extrémismes. Le wahhabo-salafisme est une doctrine récente,
sectaire, une société parallèle qui nie la personnalité des femmes et qui gagne
du terrain. Mais ce n’est pas l’Islam, qui est une religion de paix. Or pour
être en paix à l’intérieur, il faut l’être aussi à l’extérieur, s’adapter au
monde qui nous entoure. »
Aujourd’hui, où en êtes-vous avec
la religion ?
« Je suis musulmane, croyante. Ma
spiritualité est beaucoup plus profonde qu’avant. »
Vous avez créé une association
baptisée « Libératrices » ?
« Oui, à Rouen. J’aimerais aider
les femmes voilées qui souffrent et qui veulent s’en sortir. Celles à qui le
voile convient très bien, aucun souci ! Mais que toutes les femmes aient la
liberté de choisir. »
Votre voile ne vous manque plus ?
« Du tout ! Je suis fière d’avoir
réussi à passer à travers des épreuves très difficiles : enfant maltraitée,
femme maltraitée. J’élève aujourd’hui mes enfants et je lance mon entreprise de
bonbons naturels ».
PROPOS RECUEILLIS PAR PATRICIA
BUFFET
p.buffet@presse-normande. com
« J’ai choisi d’être libre »,
d’Henda Ayari, Flammarion, 352 pages.
Association Libératrices, 72 rue
de Lessart, 76100 Rouen. Tél. 02 77 41 20 56 ou 06 18 11 33 83. Courriel :
liberatrices@gmail. com
Patricia BUFFET
"Rescapée du salafisme en
France" : tel est le sous-titre du récit autobiographique de Henda Ayari.
A l’orée de la quarantaine, musulmane accomplie et épanouie, elle a décidé de
raconter son histoire dans "J’ai choisi d’être libre", afin de
prévenir des dangers de l’extrémisme.
Un décryptage vécu du salafisme
Née d’un mariage arrangé entre
une Tunisienne et un Algérien, Henda Ayari grandit auprès d’une mère tyrannique
et peu aimante. Après avoir réussi à éviter un mariage forcé, la jeune fille se
réfugie dans la religion. "En sortant de l’adolescence, on est fragile,
nous explique-t-elle. Les jeunes filles sont des proies idéales, elles se
voilent de plus en plus jeunes ! Je les vois dans la rue, dans le tramway… Ça
m’est arrivé de les aborder pour en savoir un peu plus. Parfois, elles
cherchent juste un mari. » Henda épouse Bachir en pensant trouver un port
d’attache. Erreur : très vite, elle réalise qu’il lui ment, qu’il est mesquin et
malhonnête… Ainsi que tout son entourage, comme l’ami de son mari, très
religieux qui lui fait des avances dès que Bachir a le dos tourné. Pas de
télévision, pas de cinéma, un rejet de la société française qui ne s’adapte pas
aux règles salafistes. En lisant le livre, on réalise à quel point cet
extrémisme faussement spirituel est synonyme d’isolement. Et peut ainsi mener
au pire. C’est après les attentats de novembre 2015 qu’Henda a choisi de
raconter son histoire, afin d’éclairer les consciences. « J'étais une
prisonnière qui ignorait qu'elle était en prison. » écrit-elle dans J’ai choisi d’être libre,
co-écrit avec la journaliste Florence Bouillat.
Ici, l’ancienne salafiste
s’adresse aussi à celles qui pourraient ne pas comprendre comment on se
retrouve pieds et mains liés, en expliquant que sa maternité l’a longtemps
empêchée de se libérer. "Le fait d’être enceinte a vraiment refermé le
piège sur moi, et j’ai mis près de dix ans à comprendre que j’avais une porte
de sortie." Et propose de favoriser le dialogue avant tout : "Dans
l’association que j’ai créée, "Libératrices", un imam répond à des
questions comme : ‘Est-ce que le voile est obligatoire ?’ ou ‘Qu’est-ce que le
salafisme ?’. Certains musulmans s’imaginent qu’il s’agit du véritable islam,
mais il faut prouver le contraire."
Une profession de foi
Après une enfance peu pratiquante
et mal aimée, Henda Ayari explique dans J’ai choisi d’être libre qu’elle s’est
raccrochée à la foi au sortir de l’adolescence, parce qu’elle y trouvait des
repères. Sa jeunesse lui fait alors envisager l’islam comme un challenge à
relever : se conduire et s’habiller de la manière la plus fidèle aux principes
fondamentaux de la religion. Entre voilées, on se reconnaît, on se salue… Le
communautarisme peut être très réconfortant, d’autant plus lorsqu’il est basé
sur des conduites quasiment asociales. Elle est moins guidée par la
spiritualité que par la peur de mal faire, alliée au sentiment de supériorité
suscité par le fait de respecter mille règles contrairement aux «koufars»,
aux «mécréants». «Pour moi, le voile catholique et le voile musulman avaient
la même signification : la foi et la sagesse, écrit-elle dans son récit. Dans
ma famille, aucune femme avait porté le voile. - J'aimerais tant être comme
elles, me disais-je. Je ne suis pas une fille perdue, je ne suis pas une
prostituée, j'ai envie de leur ressembler. Elles ont l'air heureuses.» Alors
qu’elle est déjà très pratiquante, elle rencontre Bachir, qui, sous prétexte
d’être un bon musulman, la prive de toute liberté et lui impose de porter le
niqab.
Un manifeste girl power
"Je ne sortais pas, je
n'avais pas d'amies, je ne savais pas me débrouiller pour les papiers
administratifs, je n'avais pas de compte bancaire, j'étais une femme au foyer,
et n'avais pas de place ailleurs. J'avais perdu toute confiance en moi"
raconte-t-elle dans son récit. Mais, après une décennie passée auprès de son
ex-mari psychopathe, Henda a choisi de le quitter, de se « servir de son
cerveau ». Et elle s'en est sortie, seule avec 3 enfants à charge, le poing
levé. En écrivant ce témoignage, elle veut ouvrir les yeux à d’autres femmes,
ou tout simplement les aider à franchir le pas ou à parler de leur expérience.
Car sortir du salafisme est bien plus difficile que d’y rentrer. "J’ai
quitté un enfer pour un autre, nous confie-t-elle. Il m’a fallu dix ans pour
commencer à aller mieux. Je sors seulement la tête de l’eau, à prendre
conscience de mes capacités. Quand on choisit de se libérer de tout cela, on se
retrouve dans un isolement total, sans revenus, dans la dépression. Seule avec
trois enfants, il est difficile de s’organiser pour concilier boulot et école des
enfants... J’ai été obligée de faire des crédits même sur la nourriture !
C’était de la survie. Il a fallu du temps pour qu’on me tende la main, et que
je puisse enfin reprendre confiance en moi."
C’est pour cette raison qu’Hendaa monté son association "Libératrices", à Rouen, où elle vit. Outre
la distribution de colis alimentaires, elle a constitué un réseau d’avocats
avec des premiers rendez-vous à titres gratuits. Son témoignage J’ai choisi
d’être libre est une thérapie, pour elle comme pour les autres, qu’elles
voudraient voir se libérer de l’emprise d’un mari maltraitant. Elle est aussi
en train de fonder une société dans les bonbons naturels. Hyperactive… et aussi
féministe ? Sans aucun doute. "Pendant longtemps, je n’avais pas envie
d’être affiliée au féminisme car je pensais, à tort, que c’était un courant
violent, agressif, en opposition avec les hommes. Même si j’ai été en guerre
contre eux après ma séparation avec mon ex-mari, il me semble important que la
gent masculine croie aux droits des femmes." D’ailleurs, Henda aimerait
que son fils aîné, perturbé par son passé familial et avec qui elle n’a plus de
contacts aujourd’hui, puisse lire ce livre – afin de mieux comprendre son
parcours de combattante.
Désormais libérée de quelconque
emprise, consciente que la religion n’est pas synonyme de sacrifices, de
violences et de privations, Henda vit aujourd’hui son islam avec sérénité :
"Il est en harmonie avec ma vie de femme française, moderne et célibataire
: plus spirituel et moins technique. Je ne culpabilise plus et c’est un grand
pas ! Je me sens apte à partager ce que l’islam a de meilleur. Je veux porter
un message d’espoir, ne pas me poser en victime. Il faut générer de l’énergie
positive."
"J'ai choisi d'être libre, Rescapée du salafisme en France" de Henda Ayari, Flammarion.
Elle se définit comme une rescapée. A 39 ans, la
franco-tunisienne Henda Ayari raconte son endoctrinement et sa liberté
retrouvée.
A 20 ans, elle vivait en France selon la doctrine salafiste
et portait un jilbab qui cachait tout son corps. Après un mariage, trois
enfants et dix années d'obscurantisme qui l'ont détruite, elle trouve le
courage de s'émanciper. Pour devenir une femme musulmane libre.
ELLE. Pourquoi décider de parler à visage découvert ?
Henda Ayari. Parce qu'il y a urgence. Je vois de plus en
plus de jeunes femmes en France, enfermées dans leurs longs voiles et dans
cette doctrine. Dix jours après les attentats du 13 novembre, j'ai posté sur
Facebook des photos de moi en jilbab et d'autres sans voile, en expliquant
combien j'étais heureuse d'avoir retrouvé ma liberté. J'ai été sidérée par le
nombre de réactions de filles qui vivaient ce que j'ai vécu, et me demandaient
de l'aide. Le salafisme est un piège destructeur pour les femmes. Cette
idéologie culpabilise, asservit, détruit.
ELLE. Comment s'opère cette destruction ?
Henda Ayari. Des jeunes filles en quête d'amour, de
confiance en elles, révoltées contre le statut de la femme objet et contre la
société tout court, tombent dans le panneau en croyant que les salafistes vont
les protéger. Faux ! Le prétendu respect des femmes prôné par les salafistes
est enrobé par des belles paroles. Mon parcours démontre que ce ne sont que
mensonges et manipulations mentales, sous couvert d'un pseudo discours
religieux destiné à maintenir les femmes sous une dépendance permanente. A les
rabaisser à un rôle mineur.
Vous témoignez dans votre récit de l'hypocrisie totale
des hommes salafistes envers le sexe...
Henda Ayari. Les « barbus » draguent autant que les autres.
Et, sous prétexte d'aider une «sœur», ils attendent souvent une contrepartie
sexuelle. J'y ai été confrontée. La polygamie est une vaste hypocrisie. C'est
un moyen d'utiliser la femme comme un objet alors que le salafisme prétend la
libérer de l'esclavage sexuel de la société «du dehors». J'ai vu tant de
gamines mariées à 17 ans, mères d'un enfant à 18, de trois à 25, se retrouver
au RSA parce que leur mari salafiste les a quittées pour en choisir une autre.
J'en ai vu d'autres, victimes de violences conjugales, être menacées de mort
lorsqu'elles veulent partir. Elles ont besoin d'aide.
ELLE. Subissez-vous des menaces ?
Henda Ayari. On dit de moi que je suis une traîtresse. J'ai
été insultée sur les réseaux sociaux, j'ai reçu des menaces de mort, j'ai dû
déménager. Mais tant d'autres me soutiennent aussi ! Si mon témoignage peut
aider ne serait-ce qu'une femme à s'en sortir, j'aurai gagné. Au travers de mon
association «Libératrices», je travaille avec des services d'accueil et des
avocats, pour offrir à ces femmes des portes de sortie. L'islam, ce n'est pas
le salafisme. Le voile n'est pas obligatoire pour être une bonne musulmane. Je
crois fermement que les femmes musulmanes doivent prendre la parole. Je suis
une rescapée. C'est de ma responsabilité de témoigner.
HD_Fev1998AvantMariage
Avant son mariage en 1998. © Collection Personnelle de Henda
Ayari
HD_1998Mariage
En robe de mariée, en 1998. © Collection Personnelle de
Henda Ayari
HD_1999NeufmoisMariage
En 1999. © Collection Personnelle de Henda Ayari
« J’ai choisi d’être libre », de Henda Ayari, éd. Flammarion
(sortie le 2 novembre).
9782081388185_J_aiChoisiDetr
© Presse
Cet article a été publié dans le magazine ELLE du 28 octobre
2016. Abonnez-vous ici.
Henda Ayari, libérée du salafisme, tout voile dehors (03.11.2016)
Modifié le 03/11/2016 à 10:53 | Publié le 03/11/2016 à 10:53
Henda Ayari : « Je suis un intermédiaire entre ces femmes emprisonnées dans
l'obscurantisme et le monde extérieur qui leur fait peur. » | Jonathan Konitz.
Sébastien BAILLY.
Mariée pendant plusieurs années à un salafiste, Henda Ayari
a réussi à reprendre une vie normale du côté de Rouen. Elle raconte son
histoire dans un livre et lance une association pour venir en aide aux femmes
qui veulent s'en sortir.
Le col en fourrure de sa veste est parfumé, le chemisier
cintré, les sourcils dessinés au crayon, la pommette saillante. Autour du cou,
un pendentif. Des bagues aux doigts. Henda Ayari, 39 ans, est une jeune femme
moderne, souriante, énergique. Le regard franc, le verbe haut. Comment imaginer
cette femme-là sous le niqab et la coupe d'un mari violent ? C'est pourtant son
histoire. Celle qu'elle raconte dans un livre : J'ai choisi de vivre libre. Une
descente aux enfers et une rédemption.
Henda a 21 ans lorsqu'un salafiste lui fait la cour. Elle
découvre tout juste l'islam, et l'homme lui promet monts et merveilles, une vie
de rêve, et le chemin vers le paradis. Se marier serait la moitié de la
distance parcourue… « J'étais persuadée que c'était ma destinée »,
raconte-t-elle. Elle tombe sous le charme, quitte Canteleu, la banlieue de
Rouen (Seine-Maritime) où elle a grandi, et l'université de Mont-Saint-Aignan
où elle a entamé des études de psychologie.
Elle s'en sortira. Trois enfants plus tard. Désocialisée,
désorientée, sans aucune estime d'elle-même. Et répudiée. Car les salafistes se
donnent ce droit : répudier leur femme en une phrase, sans besoin de témoin ;
se marier, presque aussi simplement, répudier à nouveau, et ainsi de suite,
passant de l'une à l'autre selon leur bon vouloir. Une limite : on ne peut pas
se remarier avec une femme qu'on aura répudiée trois fois. La femme ne voit le
monde qu'intégralement voilée, quand elle sort. Le reste du temps, elle
s'occupe des enfants, de la maison, de son mari. Un mari satisfait
rapprocherait encore un peu plus de la porte du paradis.
Si Henda raconte aujourd'hui son histoire dans un livre,
c'est parce que le 23 novembre 2015, en réaction aux attentats de Paris, elle
publie deux photos sur son compte Facebook. Sur la première, elle est en niqab.
Sur la seconde, elle est en blouson de cuir, en pantalon. Comme un raccourci
symbolique de son parcours. « Je n'ai pas réfléchi, c'était ma manière de dire :
« Je ne suis pas comme ces gens-là. » Je pensais à mon ex-mari, salafiste : je
voulais absolument me démarquer de ça. »
Des milliers de commentaires s'ensuivent : « Ça a été très
très dur. J'ai reçu des attaques, je n'avais pas prévu ce qui allait se passer.
» Mais, rapidement, Henda reçoit la proposition d'écrire son histoire. « Je
sais qu'il va y avoir des détracteurs, mais aujourd'hui, je suis apaisée, je
suis préparée. J'ai toujours eu la volonté de lancer une association pour aider
d'autres femmes. Le livre, c'est la porte d'entrée, l'opportunité de lancer
cette association. »
« Je n'ai plus peur »
C'est que, sur Facebook, Henda reçoit des dizaines de
messages : des jeunes filles, des femmes, partout en France, qui l'appellent au
secours. « Que répondre à une femme qui a envie de divorcer, d'enlever son
voile et que son mari a menacée de mort ? se demande-t-elle. Elles
s'identifient à moi, à mon parcours, du coup elles ont moins peur de m'en
parler, plutôt que d'aller voir la police ou une assistante sociale. Elles ont
peur d'être jugées, rejetées, elles n'ont pas confiance. Je suis un
intermédiaire entre ces femmes emprisonnées dans l'obscurantisme et le monde
extérieur qui leur fait peur. »
L'association a un nom : Libératrices. Dans l'esprit de sa
fondatrice, il s'agit que les femmes se libèrent elles-mêmes : « Il n'y a
qu'elles qui peuvent prendre la décision. Le déclic doit se faire dans leur
tête. On est là pour les aider, pour être le tremplin qui leur permet de s'en
sortir. »
Henda Arayi est toujours musulmane, mais pour elle, ce qui
compte aujourd'hui, c'est « que chacun soit en paix avec soi et avec le monde
extérieur ». « Je n'ai rien contre une femme qui a, de son propre chef, choisi
de porter le voile, explique-t-elle. Je fais la différence entre le petit voile
et le voile salafiste. C'est une bâche, c'est un cercueil. On veut rendre la
femme invisible. Elle n'existe plus, à part pour un homme, son mari. Le petit
voile, c'est différent, ça peut être spirituel, ça peut être pour la mode,
c'est à la femme de savoir ce qu'elle veut. »
Après avoir quitté son mari, Henda a vécu de missions
d'intérim, de petits boulots, avant de suivre une formation pour devenir
greffière au ministère de la Justice. Elle a depuis lancé sa propre entreprise
de vente de confiseries, gagné son indépendance.
Certains lui ont dit qu'elle prenait un risque en publiant
son livre. Elle le balaye de quelques mots : «Les gens sont en train d'ouvrir
les yeux et de se rendre compte que le salafisme est une vaste escroquerie, de
l'hypocrisie aussi. Je n'ai plus peur, je ne peux plus reculer. Je suis très
fière d'aller jusqu'au bout, et advienne que pourra !»
À la fin de l'entretien, elle repart à pied, les cheveux
détachés, sous le soleil de novembre, à travers Rouen. Libre.
J'ai choisi d'être libre, Henda Ayari, Flammarion, 352
pages.
Pour contacter l'association
Libératrices : liberatrices@gmail.com