En Mauritanie, l’inaudible « non » au projet de révision de la Constitution (02.08.2017)
Mauritanie : des blessés lors de marches hostiles au référendum (26.07.2017)
En Mauritanie,
l’inaudible « non » au projet de révision de la Constitution
(02.08.2017)
La quasi-totalité
des partis d’opposition boycottent le référendum portant notamment sur la
suppression du Sénat et la modification du drapeau.
Le Monde.fr avec
AFP Le 02.08.2017 à 15h00
Quelque 1,4 million
de Mauritaniens sont appelés aux urnes, samedi 5 août, pour dire « oui » ou « non »
à un projet de révision de la Constitution. Elaboré en septembre et
octobre 2016 lors d’un dialogue entre le pouvoir et l’opposition modérée, le projet prévoit la suppression de plusieurs
institutions : le Sénat, qui serait remplacé par des conseils régionaux
élus, la Haute Cour de justice, le médiateur de la République et le Haut Conseil islamique. Lors du
référendum, les électeurs devront aussi se prononcer, dans une urne séparée, sur la modification
du drapeau national.
En mars 2017,
la révision avait été adoptée par les députés mais rejetée par les sénateurs,
pourtant majoritairement favorables au pouvoir. La décision du chef de l’Etat,
Mohamed Ould Abdel Aziz, de passer outre au rejet du projet par le Parlement en le
soumettant à référendum a provoqué une controverse, l’opposition et des
constitutionnalistes contestant la légalité de cette procédure.
Le président, qui a
fait campagne dans tout le pays, appelle à un « oui massif » et
accuse l’opposition de vouloir « créer le chaos dans le
pays ». Il a promis mardi soir de faire des « révélations » dans
un meeting de clôture jeudi à Nouakchott, accusant de « corruption » les
sénateurs opposés au projet et invitant le peuple à « éliminer
cette chambre dangereuse pour l’avenir du pays et de sa démocratie ».
« Battage médiatique »
La majorité des
partis de l’opposition boycottent ce référendum, qu’ils jugent « inconstitutionnel ». De
ce fait, ils sont exclus du temps d’antenne de la campagne officielle, selon la
Haute Autorité de l’audiovisuel et de la presse. Seule une formation de l’opposition radicale, la
Convergence démocratique nationale (CDN), de Mahfoudh Ould Bettah, appelle les
électeurs à se rendre aux urnes, pour voter « non ». Tous les autres
partis en campagne, de la majorité ou de l’opposition modérée, appellent à
voter « oui ».
Résultat : la
CDN dénonce une « campagne inégalitaire », le
« oui » bénéficiant de la quasi-totalité du temps d’antenne
officiel. « Nous menons une campagne difficile et inégalitaire en
termes de répartition du temps d’antenne », a déclaré Mahfoudh Ould
Bettah à l’AFP mardi soir, estimant à « 1 % seulement » le
temps accordé à son parti dans les médias publics. « Nous avons une
minute à la télévision officielle et une minute et demie à la radio nationale,
alors qu’une centaine de partis politiques prônant le “oui” bénéficient du
reste, soit 99 % du temps réglementaire », a-t-il déploré.
« Malgré ce
battage médiatique des partisans du “oui”, nous avons la certitude que les
Mauritaniens rejetteront ce projet anticonstitutionnel et contraire à leurs
choix démocratiques »,
estime l’opposant, dénonçant un « manque de neutralité de
l’administration et de l’armée » et des
interdictions de tenir des meetings dans certaines villes. Les résultats du référendum sont attendus
en début de semaine prochaine.
Mauritanie: des blessés lors de
marches hostiles au référendum (26.07.2017)
Par Le Figaro.fr avec AFP
Mis à jour le 26/07/2017 à 23h13
| Publié le 26/07/2017 à 23h12
La police mauritanienne a
durement réprimé ce mercredi soir deux marches organisées à Nouakchott par une
coalition opposée au référendum constitutionnel du 5 août et interdites par les
autorités, faisant plusieurs blessés, a dénoncé l'opposition.
Les marches étaient organisées
dans deux départements de la capitale, Sabkha (sud ouest) et Arafatt (nord),
par la nouvelle coalition dite "Coordination de l'opposition
démocratique", créée pour faire échec au référendum. La police est
intervenue pour disperser les manifestants en faisant usage de bombes
lacrymogènes et de matraques, faisant "huit blessés dont quatre graves,
dont des dirigeants" de partis et de mouvements qui composent la coalition,
a affirmé à l'AFP leur porte-parole, Saleh Ould Henenna. "Nous avons avisé
les autorités de notre décision d'organiser notre programme de meetings et de
marches, comme le veut la loi, mais le régime despotique fait fi des lois et
règlements", s'est insurgé l'opposant.
Un porte-parole de la police
joint par l'AFP a affirmé que ces "marches n'étaient pas autorisées par
les Walis (gouverneurs) concernés et donc étaient illégales". Les partis
qui composent la coalition ont décidé de faire une campagne pour un "boycott
actif" du référendum, appelant leurs militants à ne pas aller voter le 5
août, espérant ainsi influer sur le taux de participation et de la sorte faire
invalider le vote. Le président mauritanien, Mohamed Ould Abdel Aziz, qui
continue ses meetings à l'intérieur du pays en faveur des amendements
constitutionnels proposés a vivement attaqué mercredi l'opposition, estimant
qu'elle avait "totalement échoué" et l'accusant de "chercher à
créer le chaos dans le pays".
Près d'1,4 million de
Mauritaniens sont appelés à se prononcer sur ces changements constitutionnels
pour lesquels deux urnes sont prévues: l'une pour les principaux amendements et
l'autre pour la modification du drapeau national, selon la Commission
électorale. Cette séparation a été introduite à la demande de certaines franges
de l'opposition modérée, qui rejette le changement du drapeau, selon des
sources politiques. Cette révision a été adoptée le 9 mars par les députés,
mais rejetée neuf jours plus tard par les sénateurs, pourtant majoritairement
favorables au pouvoir.
La décision du chef de l'Etat de
passer outre au rejet du projet par la voie parlementaire en le soumettant à
référendum a provoqué une controverse dans le pays, l'opposition et des
constitutionnalistes contestant la légalité de cette procédure. Le projet de
révision a été élaboré lors d'un dialogue en septembre-octobre entre le pouvoir
et l'opposition dite modérée, qui appellent à voter oui.
Outre la suppression du Sénat,
qui serait remplacé par des Conseils régionaux élus, le projet prévoit celle de
la Haute cour de justice, du médiateur de la République et du Haut conseil
islamique. Il propose également d'ajouter sur le drapeau deux bandes rouges,
symbolisant le sang versé par les "martyrs de la résistance" à la
colonisation française.
Réforme constitutionnelle en Mauritanie : « Un référendum inutile et dangereux » (04.07.2017)
Le président Aziz s’apprête à diviser les Mauritaniens sur le changement du drapeau et autres menus détails, dénonce notre chroniqueur, en évitant les enjeux majeurs.
Par Hamidou Anne (chroniqueur Le Monde Afrique)
Le Monde.fr avec AFP Le 04.07.2017 à 17h37 • Mis à jour le 05.07.2017 à 09h02
Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, à Paris, le 13 avril 2017.
Dans l’un des Etats les plus pauvres au monde, le président mobilise les deniers publics pour un scrutin qui envisage quelques réformes institutionnelles cosmétiques, dont la suppression du Sénat et le changement de drapeau. L’idée du chef de l’Etat étant de rajouter deux bandes rouges aux symboles actuels afin de représenter « le sang versé par les ancêtres et le sang que les générations futures seraient prêtes à verser pour leur pays ». Sans commentaire.
Lire aussi : Esclavage en Mauritanie : « Les autorités sont dans l’hypocrisie et le déni »
Comment être d’accord avec ceux qui prétextent la pauvreté d’un pays pour ne pas entreprendre d’initiatives en vue de rendre plus performante ses institutions ? L’argument consistant à dire « Pourquoi organiser un référendum alors que les gens ne mangent pas à leur faim ? » m’est insupportable. La démocratie, la vitalité et la sacralité des institutions en vue d’arriver à un Etat de droit ont ceci de supérieur qu’ils n’ont pas de prix mais ont un coût.
Une démarche cavalière
Dans le cas de la Mauritanie, l’obsession du président Aziz pour cette consultation électorale est inutile et dangereuse. Censé être garant de l’unité nationale, le chef de l’Etat contribue davantage à diviser les Mauritaniens sur de menus détails. D’ailleurs, la partie la plus signifiante de l’opposition mauritanienne appelle au boycottage du référendum, dont la tenue n’apportera aucune valeur ajoutée à ce pays exsangue et confronté à des défis politiques et sociaux majeurs.
Tout est mal fait dans cette convocation du corps électoral. Outre le débat sur la légalité de la procédure à travers le recours clivant à l’article 38 de la Constitution, le président mauritanien a fait preuve d’une démarche cavalière au mépris des règles élémentaires du dialogue politique qui régissent la vie démocratique. Le dédain qu’il adresse à son opposition est édifiant. Mais il fait écho à celui qu’il montre à la partie dissidente de sa majorité, notamment ces trente-trois sur cinquante-six sénateurs qui ont voté contre le projet de loi de modification de la Constitution. Tout ceci prouve une nouvelle fois la difficulté qu’éprouve cet ancien putschiste à se convertir à la démocratie et à ses exigences.
Lire aussi : « Ilfaut libérer le Mauritanien Biram Dah Abeid »
Si le président Aziz tient particulièrement à organiser ce scrutin, il est possible de lui donner mille et une idées plus utiles pour le devenir de la Mauritanie que le remplacement du Sénat par des conseils régionaux, la suppression de la Haute Cour de justice ou le changement d’hymne et de drapeau.
Les batailles les plus importantes pour la Mauritanie sont ailleurs. Elles sont par exemple dans la construction d’une nation inclusive dans laquelle, chacun, quelle que soit sa couleur de peau, pourra vivre pleinement sa citoyenneté. L’esclavage est encore une pratique courante dans le pays en dépit de son interdiction formelle. Il est urgent de mettre fin à cette barbarie réelle dans le pays, afin de respecter la simple expression de la dignité humaine.
Plaies béantes
Une autre idée à soumettre au général Aziz serait d’intégrer des questions comme le retour effectif des réfugiés négro-mauritaniens qui vivent pour certains dans des conditions insoutenables sur la partie sénégalaise de la vallée du fleuve Sénégal, frontière naturelle entre les deux pays.
On pourrait aussi suggérer au président mauritanien de réparer les crimes commis par l’Etat mauritanien, notamment contre les vingt-huit militaires noirs exécutés dans des conditions sordides dans la prison d’Inal en 1990. Le président Aziz pourrait aussi proposer l’abolition du délit de blasphème qui a conduit un jeune à la fleur de l’âge, Mohamed Ould Mkheitir, dans les couloirs de la mort.
Le référendum vraisemblablement se tiendra, avec la probabilité d’une victoire du camp présidentiel, mais les plaies du pays resteront béantes avec une forte polarisation des états-majors politiques. Quid du futur, surtout que la majorité brandit l’hypothèse d’un changement constitutionnel en vue de permettre au président actuel de briguer un troisième mandat ? La Mauritanie reste un pays préoccupant et la petite ambition que son leader nourrit pour elle est consternante.
Hamidou Anne est membre du cercle de réflexion L’Afrique des idées.
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