mardi 11 juillet 2017

Burundi


Pourquoi il est urgent de sortir le Burundi de l’impasse (04.07.2017)

La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme dénonce la passivité des Nations unies et de l’Union africaine face à l’instauration d’une dictature criminelle.

Par Drissa Traoré

LE MONDE Le 04.07.2017 à 12h24 • Mis à jour le 04.07.2017 à 17h36

Deux ans après le déclenchement de la crise au Burundi, la situation est loin de s’être « normalisée », comme voudraient le faire croire les partisans du président Pierre Nkurunziza. Plus de 400 000 personnes vivent aujourd’hui dans des camps de réfugiés, pour l’essentiel en Tanzanie. D’après le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR), des milliers pourraient continuer d’affluer d’ici à la fin de l’année.



Dans un rapport rendu public mardi 4 juillet, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la Ligue ITEKA et cinq autres organisations burundaises de défense des droits humains montrent que ces personnes fuient le dispositif répressif instauré par le régime de Pierre Nkurunziza.

Aveu d’impuissance

Depuis son coup de force pour se faire réélire à la tête du pays en juillet 2015, elles fuient les assassinats ciblés, les exécutions sommaires et extrajudiciaires (plus de 1 200 personnes tuées depuis avril 2015), les disparitions forcées (entre 400 et 900 disparus) et les actes de torture (plusieurs centaines de victimes). Elles cherchent à se protéger des Imbonerakure – milices du CNDD-FDD, le parti au pouvoir – qui s’obstinent à les terroriser. Elles fuient également le marasme économique dans lequel le pays ne cesse de sombrer, la crise ayant eu des effets dévastateurs sur les finances publiques et le secteur informel, accentuant d’autant plus la paupérisation d’une population à 80 % rurale. Elles tentent d’échapper à une crise politique devenue également humanitaire avec près de 3 millions de personnes ayant besoin d’une assistance immédiate.

La communauté internationale semble pourtant s’être accommodée de cette situation. Après deux ans de crise et un quasi-statu quo politique, son aveu d’impuissance pour sortir le pays de l’impasse révèle sa croyance en ce que l’accalmie progressive, vantée par le régime, permettra d’éviter une catastrophe plus grande. Cette stratégie sera perdante, car c’est la dictature qui s’installe au Burundi avec, en toile de fond, la perpétration de crimes relevant du droit international.


Le CNDD-FDD est désormais un parti-Etat. Les édifices à sa gloire pullulent dans la capitale. Le Parlement et la justice sont aux ordres. Les lois adoptées ces deux dernières années, notamment celles régissant les associations ou les médias, ont eu pour effet de renforcer la mainmise de l’exécutif sur ces acteurs. Tandis que les responsables de crimes jouissent d’une totale impunité, les milliers de personnes considérées comme opposées au régime en place et arrêtées arbitrairement depuis le déclenchement de la crise font l’objet de procès iniques ou croupissent sans jugement dans les geôles burundaises. Les autres contre-pouvoirs ont été laminés : défenseurs des droits humains et journalistes indépendants opèrent, de fait, depuis l’exil. Les autorités ont mis le cap sur 2020, la priorité étant désormais accordée au processus de révision constitutionnelle devant permettre à Pierre Nkurunziza de se représenter dans trois ans.

Complicité

Longtemps présenté comme la « success story » de la communauté internationale, le Burundi pourrait en réalité devenir son échec diplomatique le plus cuisant. En 2000, les accords d’Arusha étaient signés sous l’égide de Nelson Mandela, mettant fin à des années d’une guerre civile fratricide. Ils instauraient un système de gouvernance politique fondé sur les principes démocratiques et un partage institutionnalisé du pouvoir entre les principales ethnies. Aujourd’hui, ces acquis menacent d’être définitivement enterrés en l’absence d’une reprise en main effective du dossier par l’Union africaine (UA) et les Nations unies.

Ces dernières doivent faire de la reprise du dialogue politique une priorité, réenvisager le déploiement d’une force internationale permettant de protéger les civils, décréter un embargo immédiat sur les armes, exhorter publiquement le régime à lever les mesures de suspension frappant les journalistes et les organisations indépendantes de la société civile.

Enfin, les Nations unies doivent soutenir les mesures de lutte contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves en appuyant l’ouverture, au plus vite, d’une enquête de la Cour pénale internationale (CPI).

Drissa Traoré, vice-président de la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), et Tchérina Jerolo, responsable adjointe du bureau Afrique de la FIDH.

La Fédération internationale des droits de l’homme dénonce une « dictature » au Burundi (04.07.2017)
Dans un rapport, la FIDH fustige « le manque de fermeté » et l’« incapacité » de la communauté internationale « à mettre en œuvre ses propres décisions ».

Le Monde.fr avec AFP | 04.07.2017 à 05h29 • Mis à jour le 04.07.2017 à 09h49

Dans son rapport, la fédération reproche notamment au président Pierre Nkurunziza la répression des opposants, l’« anéantissement » de la liberté d’expression, et la stigmatisation de la minorité tutsi.
« Epuration » ethnique de l’armée, opposants réduits au silence et modification de la Constitution pour faire sauter la limite des mandats présidentiels : le régime burundais s’enfonce dans la violence et transforme le pays en dictature, a averti mardi 4 juillet la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) dans un rapport d’une quarantaine de pages écrit avec l’aide d’organisations partenaires locales.


« En deux ans, le manque de fermeté de la communauté internationale et son incapacité à mettre en œuvre ses propres décisions – notamment les mesures de protection des populations civiles et la relance du dialogue politique – auront permis au président [Pierre] Nkurunziza de remodeler en profondeur le paysage politique, sécuritaire et social du Burundi. »

« Le régime burundais est en train de s’ériger en dictature », souligne la FIDH, rappelant que le Burundi traverse une crise violente depuis la décision en avril 2015 de Pierre Nkurunziza de briguer un troisième mandat controversé, obtenu en juillet de la même année.

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Des manifestations avaient alors été violemment réprimées, et un coup d’Etat manqué en mai 2015 a fait basculer le pouvoir dans une répression systématique. L’ONU et des organisations de défense des droits humains ont depuis accusé Bujumbura de graves violations des droits et mis en garde contre un risque de génocide. Le gouvernement burundais a jusqu’à présent toujours réfuté ces accusations, les qualifiant notamment de « tentative de division du peuple burundais », de « fabrication » et de « médisance ».

Une répression violente des présumés opposants

« Le paysage politique s’est resserré autour d’un parti unique, le Conseil national pour la défense de la démocratie-Forces de défense de la démocratie (CNDD-FDD), devenu également un parti-Etat. Un culte du parti et de la personnalité du président a été mis en place. Des monuments à la gloire du CNDD-FDD se multiplient aux quatre coins du pays », commente la FIDH, selon laquelle des drapeaux du parti sont hissés devant des écoles publiques.

La FIDH critique également un projet de modification de la Constitution faisant sauter la limite des mandats présidentiels, qui, s’il aboutissait, « aurait pour conséquence probable l’établissement d’un régime autocratique voire d’une dictature durable au Burundi ».

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« Une campagne de répression violente de tous les présumés opposants », parfois même jusqu’au sein du parti au pouvoir, est également dénoncée par la FIDH. Cette campagne est exécutée avec l’aide des services de sécurité et des Imbonerakure, la ligue des jeunes du CNDD-FDD, qualifiée de milice par l’ONU, et qui se militarise de plus en plus, affirme la FIDH.

« Une propagande violente, aux accents guerriers, est diffusée sur l’ensemble du territoire », appelant à « se tenir prêt à combattre les opposants, voire à les éliminer », ajoute-t-elle.

Une enquête d’urgence réclamée à la CPI

Selon la FIDH, la crise a fait à ce jour plus de 1 200 morts, de 400 à 900 disparus, 10 000 personnes détenues pour des motifs politiques et a poussé plus de 400 000 personnes à l’exil.

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La FIDH regrette par ailleurs l’« anéantissement » de la liberté d’expression et d’opinion, l’utilisation du système judiciaire comme outil de répression, et réitère sa mise en garde contre la stigmatisation de la minorité tutsi. « Les autorités les accusent de vouloir reprendre le pouvoir à la majorité hutu », dont est issu le président, estime-t-elle. A ce titre, la FIDH évoque une « campagne de purge » au sein de l’armée burundaise, visant principalement les soldats de l’ancienne armée burundaise à dominante tutsi (FAB), victimes selon elle d’arrestations arbitraires, actes de torture et assassinats.

L’ONG appelle la communauté internationale à agir, notamment par le déploiement d’une force de 228 policiers onusiens, la création d’une force Union africaine (UA)-ONU chargée de la protection des civils ou encore des sanctions ciblées incluant des gels d’avoirs et des interdictions de voyager pour les responsables gouvernementaux. Elle appelle également la Cour pénale internationale (CPI) à ouvrir une enquête avant octobre 2017, date à laquelle deviendra effectif le retrait du Burundi de cette institution.







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